Secteur bancaire : La finance halal arrive

Secteur bancaire : La finance halal arrive

En crise, l’économie algérienne cherche à diversifier ses sources de financement. L’un des moyens en vogue aujourd’hui à Alger s’appelle finance islamique.

Le tabou de la finance islamique est définitivement brisé en Algérie. Les «sukuk», la «mourabaha», la «modharaba», la «moucharaka», «l’ijara», seront désormais placés sur un pied d’égalité avec les produits bancaires conventionnels.

C’est la crise des liquidités que connaît l’Algérie depuis la chute de ses revenus pétroliers qui a précipité ce changement de cap. «Il faut maintenant ramasser l’argent là où il se trouve», dit un responsable de banque. Une chose que les établissements financiers européens et américains ont compris depuis plus d’une décennie puisque, en dépit de l’hostilité de l’Occident envers la chariaâ islamique, l’argent dit halal aiguise les appétits des banquiers.

Il est vrai que le monde du business n’a ni état d’âme ni religion. Tout ce qui rapporte sera toujours le bienvenu, même si le fondateur de l’économie islamique s’appelle Sayyid Abul Ala Maoudoudi, un théologien fondamentaliste pakistanais connu par son extrême rigorisme. Les affaires sont les affaires! Et les comptes compatibles avec le dogme islamique permettent de capter une gigantesque épargne qui rechigne à emprunter le circuit de la finance classique par crainte d’être souillée par le «riba» (l’usure). En Algérie, cette appréhension régulièrement entretenue par les prêches religieux a privé l’économie algérienne d’un trésor qui préfère circuler dans l’informel au lieu de produire des intérêts dans les coffres des banques.

L’échec relatif de l’émission des obligations de l’Etat est dû en partie à cette mentalité. Les crédits à la consommation subissent également la crainte de l’illicite et du châtiment divin. «Il n’en est rien, estime cependant un observateur averti. Ce sont les barons des affaires souterraines qui attaquent, sous couvert de religion le crédit. Si vous contractez un emprunt, vous laisserez nécessairement une trace. Or, les tenants du marché noir n’aiment pas les factures et les déclarations de leurs revenus au fisc. Vous verrez que, bientôt, ils attaqueront aussi la finance islamique si elle commence à accorder des crédits à la consommation.» Selon un entrepreneur qui espère l’instauration de la finance islamique pour être «conforme» avec ses convictions, «le vernis religieux cache chez beaucoup de détenteurs de capitaux une soif de gain». D’après lui, «l’argent de l’informel n’intègrera jamais le circuit officiel qu’il soit islamique ou non. Beaucoup de personnes avec qui je suis en relation de commerce préfèreront toujours les milliards à leur croyance, même si en public ils affichent ostensiblement leur piété». Quoi qu’il en soit, la machine à sous qui fonctionne à l’aide de dinars et de devises lavés du péché d’usure s’est mise en branle. Ainsi, la Bourse d’Alger introduira prochainement le chèque islamique dans ses transactions si la Commission de contrôle des opérations boursières et le ministère des Finances lui donnent le feu vert. Elle a d’ailleurs déjà signé une convention avec son homologue d’Arabie saoudite dont la richesse s’élève à 400 milliards de dollars pour bénéficier de son expérience. En parallèle, des économistes et des experts pressent le gouvernement à mettre en place le cadre juridique qui permettra le lancement de la finance islamique dans «les meilleurs délais». Mohamed Djelab, un membre du Haut Conseil islamique et expert économiste, a dévoilé que son institution a présenté au gouvernement un projet qui inclut, outre les produits bancaires, les assurances, la zakat et le Code du commerce.

La finance islamique interdit l’intérêt (riba) et la spéculation (maysir). Elle accompagne uniquement les projets d’investissements qui présentent un caractère et des résultats concrets.

Le volume des capitaux qu’elle brasse dans le monde se chiffre actuellement à des milliers de milliards de dollars et cette courbe ne fait que monter.

Lexique de la finance islamique

«Aqd sarf»: contrat de vente de devises.

«Bay’ bithaman ajil»: Vente différée de biens dont le prix, qui inclut une marge bénéficiaire, est accepté par les deux parties.

«Dha’ wa ta’ ajjal»: lorsque le créditeur renonce à une partie de la dette en cas de remboursement précoce par le débiteur.

«Gharar» (tromperie ou risque): une vente «gharar» est un échange dont les récompenses sont incertaines et où une partie gagne au détriment de l’autre.

«Gharar fahish»: incertitude majeure.

«Gharar yasir»: incertitude mineure.

«Ijara»: leasing dans lequel le bailleur (propriétaire) met en location-vente un bien ou un équipement au profit d’un client en contrepartie d’une redevance et pendant une période déterminée lors de la conclusion du contrat (aqd). Le droit de propriété du bien mis en leasing reste aux mains du bailleur.

«Ijara wa iqtina’»: identique à l’«ijara» sauf que le bien est acheté à la fin de la période de leasing. Les redevances payées précédemment constituent une part du prix d’achat. Ce type de leasing est spécifiquement utilisé dans le cadre du financement d’un bien immobilier.

«Istisna»: contrat d’entreprise dont le coût est payé avant la construction et la fourniture des biens.

«Moudaraba»: partenariat d’investissement (de partage des pertes et des profits) pour le financement d’un commerce. Les parties sont un «rab el mal», l’investisseur qui apporte uniquement le capital et le «moudarib», l’entrepreneur qui gère le projet. Si l’affaire est rentable, les profits sont distribués en fonction d’un ratio prédéterminé. S’il y a des pertes, elle seront à la charge du bailleur de fonds.

«Mourabaha»: vente à terme qui permet au client d’effectuer un achat sans contracter d’emprunt portant intérêt (vente comprenant une marge clairement convenue entre les parties).

«Moucharaka»: accord de partenariat entre deux parties ou plus pour le financement d’une affaire commerciale dans laquelle toutes les parties participent par un apport en cash ou en nature. Les profits sont répartis en fonction d’un ratio prédéterminé alors que les pertes sont réparties en fonction de l’apport en capital effectué.

«Moucharaka mutanaqissa»: partenariat dans lequel les intérêts d’une partie diminuent progressivement.

«Mussawama»: contrat de vente d’un ensemble de services que la banque a préalablement acquis auprès d’un prestataire partenaire et qu’elle revend à son client moyennant un paiement échelonné sur une période convenue entre les deux parties.

«Riba el-buyou’: usure. Opération de vente dans laquelle une matière première est échangée contre la même matière première, mais en quantité différente et la livraison d’une des matières premières est postposée.

Pour éviter le «riba al-buyou’», les matières premières échangées par les deux parties devraient être en quantités égales et l’échange devrait être instantané. «Riba el buyou’» a été condamné par le prophète Muhammad (Qsssl) afin d’éviter que le «riba» (intérêt) n’affecte insidieusement l’économie.

«Riba el douyoun»: usure d’une dette.

«Riba el fadl»: différence de quantité entre deux biens échangés et comportant du «riba.»

«Riba el nassia»: différence de paiement liée au report de deux biens comportant du «riba.»

«Salam»: vente dont le prix est prépayé alors que les biens ne sont livrés qu’à une date ultérieure.

«Sukuk»: produit financier appelé obligation dans la finance conventionnelle qui a trait à un élément (actif) concret et dont le paiement ou la rémunération se déroule à échéance fixe. Son propriétaire possède un droit de créance, ce qui lui permet de percevoir une part du profit tiré du placement de son «sukuk» dans un domaine licite.

«Charaka»: partenariat.

«Charaka el milk»: partenariat exclusif.

«Takaful»: assurance islamique. Il s’agit d’une forme d’assurance basée sur le principe coranique du «Ta’awun» ou assistance mutuelle. Elle offre la protection mutuelle des biens et le partage des risques dans le cas d’une perte subie par un de ses membres.

«Takaful» est semblable à une assurance mutuelle dans le sens où les membres sont à la fois les assureurs et les assurés. L’assurance conventionnelle est interdite par l’islam car elle comporte de nombreux éléments «haram» tels que le «gharar» et le «riba.»