Dommage que les vagues ne se souviennent pas et ne peuvent témoigner pour dire combien de sachets pleins de détritus ont été charriés par les flots au niveau des plages de la Verte Rive, Eddoum et Stamboul situées à l’est de la Capitale.
A la plage Verte Rive, la cité des 350 logements, mitoyenne est plongée dans une léthargie. A 11 heures, seul le bruit des camions d’Asrout déchire le calme régnant dans la commune de Bordj El-Kiffan. Sur la plage où le sable a cédé la place à la terre, trois enfants sont en train de bronzer. Ils se sont permis cette «escapade», car ils n’ont pas école aujourd’hui. Vers 17 heures, lorsque le temps se rafraîchit, des familles entières descendent humer l’iode dégagé par la mer. Café, thé, biscuits posés sur une nappe et des discussions à bâtons rompus jusqu’à l’appel de la prière du Maghreb.
Au nombre de huit, les agents recrutés par l’Agence pour la promotion et la protection du littoral (APPL) sont au four et au moulin. Reconnaissable à leur tenue fluorescente orange, aux casquettes siglées rouges et des gants jaunes, les vagues leur donnent du fil à retordre. Chaque jour que Dieu fait depuis le 8 mai passé, ils sont présents dès le matin pour nettoyer le sable des détritus rejetés par la mer. Couches bébé, bouts de bois, sachets, bouteilles en plastique et la liste est encore longue des saletés trouvées sur le rivage. Le travail est fait consciencieusement. Le chef d’équipe avec son sifflet surveille chaque coin et chaque travailleur. «Il faut laisser le sable propre avant 13 heures», précise le chef d’équipe Ahmed Hamri. Au bord de la route, la cabine des maîtres nageurs, retapée et repeinte en blanc.
LES DÉTRITUS À N’EN PLUS FINIR
A quelques encablures de la plage Verte Rive, la plage Eddoum s’étend à l’infini. Malgré l’humidité, les pêcheurs sont au large à bord de leur embarcation de fortune. Les enfants Hakim, Omar, Sadek, Karim, Mehdi, Merzak et Abdelatif se prélassent sur le sable. Avec leur short plus grand que leur frêle corps, ils rient à gorge déployée à cause de leur camarade, Nazim, qui a glissé sur un petit rocher tapissé de lichens. Il vient d’attraper un petit poisson qu’il montre avec fierté. Quand ils n’ont pas cours, ils viennent, ensemble, à pied, malgré l’éloignement. Ni parasol, ni serviette, ils barbotent dans l’eau et lorsque le soleil est à son zénith, ils rentrent à la maison.
Sur ce lieu, ils sont une vingtaine d’agents de l’APPL. Leurs sachets bleus sont bien remplis de détritus. Mahdi Razi, marié un enfant est en colère. Avec une famille à charge, il ne travaille que 3 mois durant l’année grâce à l’APPL. Comme ses collègues, il espère que cette agence les recrute définitivement pour bénéficier de l’assurance et de la retraite. Son collègue Hacène est du même avis. Et il a un argument de taille. «Deux oueds dont celui d’El El-Hamiz déversent des quantités incalculables de détritus chaque jour. Alors, la meilleure façon de nettoyer cette plage est de le faire continuellement et non durant la saison estivale». «Il arrive que de grandes quantités de carcasses de poulets soient charriées par les flots et déversées sur le sable durant toute l’année», renchérit Amar, un autre agent de l’APPL. «Les sachets bleus mis à notre disposition ne suffisent guère», soutient encore Hacène.
Plus loin c’est la plage «Stamboul». Bien que petite par la superficie, elle présente toutes les caractéristiques d’une station de vacances et de loisirs pour les familles. Petits rochers pour plonger, eau claire et poissonneuse, sable fin. Mais on est loin de l’image d’Epinal. Comme ses «sœurs» Rive Verte et Eddoum, les détritus ont amoché l’endroit sensé être paradisiaque. Mais la wilaya a entrepris de gros travaux d’embellissement. De grands engins de l’entreprise publique Asrout, sont sur place pour enlever les grosses pierres et dégager les accès menant à la plage. Là aussi des agents de l’APPL sont à pied d’œuvre pour le nettoiement. Rabah et Laïd sont deux pères de familles qui «bricolent» durant les autres mois. Le premier est zornadji et le second aide un marchand de légumes. Tous les deux soutiennent que la propreté des plages relève d’un travail continu et sans relâche. «Nous pouvons faire mieux que la Tunisie et le Maroc réunis en matière de protection de l’environnement», lance le premier. Un troisième agent indique que les 8000 dinars octroyés à chaque agent découragent les plus motivés pour faire ce travail «ingrat». Le plus surprenant dans cette histoire est qu’un bidonville a été érigé à proximité de la plage. Depuis des années, les habitants jettent leurs ordures au vu et au su de tout le monde à même l’eau de mer. «Ni les autorités locales, ni les services de l’environnement ne se sont penchés sur cette situation», fulmine Laïd. Il faut attendre l’arrivée de la saison estivale pour que ces immondices soient enlevées.