Roman : «Le fils à maman ou la voix du sang» de Nadjib Stambouli : Ils auraient pu être heureux…

Roman : «Le fils à maman ou la voix du sang» de Nadjib Stambouli : Ils auraient pu être heureux…

Tout comme dans «Le Comédien», l’amour est une des grandes questions du roman «Le fils à maman ou la voix du sang» de Nadjib Stambouli.

Paru en octobre dernier aux éditions Casbah, le roman convoque la mémoire des lieux et des personnages, pour (ra)conter l’histoire d’une famille, de deux jeunes individus aspirant à une vie simple et sans «aspérité», et d’une société qui évolue dans le culte du secret.

Les secrets, même les mieux gardés, finissent presque toujours par se révéler… au bon moment. On ne peut cependant pas anticiper ou imaginer la réaction de ceux qui les reçoivent. Ils peuvent prendre les choses avec philosophie ou refuser de recevoir ce secret, cette part de/d’une vie, cette transmission, et ainsi se révolter. Mais contre qui et quoi ? Dina Faci et Aliouet surnommé Ali Siffleur, personnages principaux du roman «Le fils à maman ou la voix du sang» de Nadjib Stambouli, recevront un secret. Leur héritage. Libérateur pour les uns, fardeau à porter pour les autres, ce secret a été bien conservé jusque-là par H’lima (autre personnage central du roman), «reine-mère meurtrie par le destin, mais trempée par le malheur», qui a fait de son mieux pour se mettre, elle et ses proches, à l’abri du besoin. À la suite d’un accident, elle quitte la capitale pour se reposer et se remettre en forme à la «Villa des jasmins», son petit coin de paradis situé dans la localité de Tala Romane. Dans ce cadre idyllique, le passé de H’lima ressurgit malgré elle et se répercute sur Dina et Aliouet. Les deux protagonistes ont eu des parcours de vie différents et rien ne les destinaient à se rencontrer et à partager un secret, une histoire : Si Dina a grandi loin du malheur et du besoin, la vie de Aliouet n’a pas été simple. Il a tout perdu et tout reconstruit : sa naïveté a été un atout, tout comme sa manière de voir le monde (se satisfaire de ce qu’il a, ne jamais se plaindre ou céder à l’abattement), mais sa vie n’aurait pas été la même s’il n’avait pas eu de la chance. Une bonne étoile ou un ange-gardien peut-être. Aliouet, qui a l’âme (et les talents) d’un artiste et qui est le personnage le plus captivant du roman, s’est forgé grâce à l’apprentissage qu’il a reçu de son «maître», son père spirituel, son ami, Slim Baroud, à qui il rend hommage tous les soirs. «Le fils à maman ou la voix du sang» réunit les ingrédients d’un «drame social», convoquant ainsi la mémoire des lieux et des personnages. Outre le destin douloureux des protagonistes, Nadjib Stambouli déploie ses talents de conteur pour nous offrir de belles pages sur la Casbah d’Alger, qu’il décrit sans fards, mais avec précision et émotion, sous l’invocation de références populaires (dictons, adages, modes de vie). L’art est présent dans ce roman, notamment la musique à la faveur des sifflements/sifflotements d’Aliouet/Ali siffleur, qui revisite des standards de la musique algérienne/universelle. Les descriptions de la nature, des émotions et des sens inscrivent le roman dans un lieu où l’on parle. Sorte de retour à l’essentiel où le temps s’étire et s’éternise, les personnages sont comme hors du temps, dans un autre temps avec un large éventail de possibilités et de possibles. «Le fils à maman ou la voix du sang» est aussi l’histoire d’une société qui vit dans le culte du secret (cacher ou se cacher pour vivre en paix), dans les commérages (dans une petite ville, un village et même dans d’autres cadres restreints, des microcosmes, tout se sait ; et lorsqu’il n’y a rien à commenter, la vérité cède la place aux mensonges et aux médisances) et la censure (morale de la société qui dépasse souvent l’éthique individuelle, la foi et le bon sens). Sans cela Il n’y aurait autant de malentendus et de révélations qu’il y a dans ce roman captivant, qui aborde plusieurs thèmes qui convergent tous vers une seule histoire. Celle d’individus qui auraient pu être heureux…autrement.

• «Le fils à maman ou la voix du sang» de Nadjib Stambouli. Roman, 224 pages, éditions Casbah, Alger, octobre 2017. Prix : 650 DA