Elections locales : Des enjeux économiques, mais encore?

Elections locales : Des enjeux économiques, mais encore?

C’est un fait que la gent féminine ne court pas les rues quand il s’agit de postuler à des responsabilités locales, un défi socio-culturel handicapant, et la chose est clairement apparue dans le choix qui a été fait lors des récentes législatives…

Signe des temps, l’opposition dans toute sa diversité a choisi de rompre, une fois n’est pas coutume, avec son traditionnel ancrage dans le boycott comme stratégie de contestation. Elle ira donc, en rangs dispersés, aux élections locales qui auront lieu dans deux mois environ qui autorisent un certain nombre de questions si l’on considère l’état général de la scène politique et le degré de préparation, ou plutôt d’impréparation, de bon nombre de partis, exception faite des poids lourds habituels qui, eux, en ont vu d’autres. Déjà, les dispositions de 2012 concernant les 30% à réserver obligatoirement aux candidatures féminines risquent fort de contrarier beaucoup d’ambitions. C’est un fait que la gent féminine ne court pas les rues quand il s’agit de postuler à des responsabilités locales, un défi socio-culturel handicapant, et la chose est clairement apparue dans le choix qui a été fait lors des récentes législatives au bout desquelles des élues à l’APN ont fait grincer bien des dents. L’autre contrainte pour les «petites» formations qui ne sont pas parvenues à franchir la barre de 4% en 2012 ou aligner 10 élus au minimum consiste à collecter 50 signatures pour chacun des sièges convoités. Une APC qui en compte 15 implique que soient obtenues 750 signatures de citoyens résidents inscrits au fichier électoral de cette circonscription.

Est-ce par hasard si de telles exigences «organisent» l’écrémage des partis mineurs dont l’assise électorale serait minime. On comprend que, mis à part le FLN, le RND et peut-être le MSP, aucune des autres formations ne sera présente dans toutes les communes d’Algérie, sans exception, à moins d’un tour de passe-passe qui leur permettrait de rééditer la fable de la grenouille qui se faisait aussi grosse que le boeuf.

Le front el Moustakbel, le MPA et surtout le TAJ affichent cette prétention, mais seront-ils réellement entendus par la base électorale qui est, on le sait, fortement à l’écoute des partis dominants où se nouent et se dénouent les affaires les plus intéressantes. Si le FLN et le RND ne consentent pas à leur laisser les miettes, la partie est loin d’être de tout repos pour chacun d’entre eux, quels que soient les investissements consentis.

Car le fait est là, et bien là, qu’on le veuille ou non: les élections locales ont ceci de particulier qu’elles ne sont en rien mineures par rapport aux législatives, au contraire. Elles représentent bel et bien le lieu par excellence où se fondent et se confondent les attributs du pouvoir en termes de partage de la rente, d’enrichissement rapide et incontrôlé et, cela va de soi, de corruption. Combien de P/APC et de P/APW qui ont entamé leur premier mandat pauvres comme Job en sont sortis tout guillerets, pour peu qu’ils aient daigné seulement en ressortir! Statistiquement, nous n’avons pas de chiffres exacts, mais il suffit de se référer aux bagarres parfois violentes et aux bras de fer presque épiques qui ont émaillé la pré-campagne consacrée à l’élaboration des listes, au FLN, mais aussi dans d’autres partis, pour comprendre la véritable problématique des enjeux. Chacune des formations y est allée de son discours sur la «place aux jeunes», la consécration des «compétences étayées par les diplômes et les formations de qualité», bref la consécration habituelle de «l’homme (ou de la femme) qu’il faut à la place qu’il faut». Sur l’ensemble de sa liste, le FLN avoue fièrement plus de 45% de «jeunes» et d’ «universitaires». Ceci n’empêche pas cela. Dans les communes où trônent certaines figures très controversées qui parviennent chaque fois à contredire le discours de la direction promettant «une lutte implacable contre la chkara» en s’affichant ou en imposant leurs relais au plus haut de la liste, on sait bien qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Dénoncer la «chkara» est une chose, y renoncer de son plein gré en est une autre et les choses sont là pour prouver combien c’est difficile, voire suicidaire. Soyons juste, le phénomène ne date pas d’aujourd’hui, il est simplement banalisé au point de paraître une vertu parmi d’autres dans l’engagement au service du citoyen. L’important, dit-on désormais, consiste dans la capacité à prendre en charge, de façon concrète, les «attentes» de la population, que ce soit dans la construction des écoles, d’un hôpital, d’une route, d’un réseau d’eau potable, d’une alimentation en électricité et en gaz etc. Autant de domaines où le mécontentement peut conduire à l’émeute et cela, les autorités locales ont pour rôle d’y parer de toutes leurs forces. En ces temps de crise que traverse le pays, les prochaines élections qui auront lieu en novembre, tout un symbole, mobiliseront sans aucun doute davantage de suffrages tant les citoyens sont aujourd’hui conscients que leurs aspirations sont fortement tributaires des résultats sortis des urnes. Quant à la gestion future de leur quotidien, en termes d’hygiène, d’entretien permanent du cadre de vie, de facilitation des démarches, d’animation culturelle et sportive, c’est une autre histoire.