Webcam, La distance effacée

Webcam, La distance effacée

Les nouvelles technologies sont bien là. Gare à celui qui ne s’arrime pas au train. Elles sont à portée de main et de yeux, serions nous tentés de dire. Leurs avantages sont multiples. Par un simple clic, les distances s’effacent et les informations arrivent en un temps record, dans ce monde qui s’apparente de plus en plus à un village.

Il suffit désormais de quelques secondes pour avoir des nouvelles des coins les plus reculés. Cela explique que beaucoup d’entre nous soient devenus « accros » à la webcam. L’attente du facteur a disparu. Un clic, une connexion, et voilà la famille derrière réunie comme au bon vieux temps.

Il est vraiment très loin le temps où il fallait attendre le facteur avec sa besace remplie de lettres. Naguère, il fallait guetter son passage pour espérer ouvrir la lettre d’un proche vivant loin des siens et avoir de ses nouvelles. Même le style d’écriture a changé. On ne commence plus les lettres par la formule consacrée : « Je t’écris ces quelques lignes pour te faire savoir de mes nouvelle… ». Autres temps, autres messages écrits, serions nous tentés de dire.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont envahi l’espace et le temps. Le dernier recensement de l’Office national des statistiques fait état de l’existence et de l’utilisation de 35 millions de portables. C’est autant de citoyens Algériens. Même les nouveaux-nés arrivent avec un portable collé à l’oreille plaisantait une vénérable dame désarçonnée par tous ces progrès vertigineux. Une autre nouveauté, la webcam a commencé à se frayer une place de choix. Une famille installée à Montréal est tout le temps connectée avec sa famille à Alger. Quand les circonstances le permettent, notamment la bonne connexion, les deux familles parlent par écran interposé.

Chose impensable il y a quelques années. Ces deux familles utilisaient, il y a peu de temps, la boîte e.mail avec envoi de photos et autres vidéos. La distance est effacée et les nouvelles sont tout le temps fraîches au point que le parent qui habite à un mètre est moins informé que celui qui réside à des milliers de kilomètres. Bien entendu, l’ancienne génération est toujours à la traîne. La mamie frotte ses yeux devant l’écran où elle voit visiblement ses enfants vivant sur un autre continent. Mohamed ! Cria-t-elle de joie. « C’est bien toi, je rêve ou c’est la réalité ? », s’interroge-t-elle entre deux sanglots. Sur le même écran, Mohamed, le fils aîné qui a émigré au Canada il y a une quinzaine d’années, répond que c’est bel et bien lui, son fils, sa chair et son sang. S’ensuivent les comment va la santé, ton boulot, ton épouse, tes enfants ? et, bien sûr, « c’est pas la dernière fois, il faut te connecter plusieurs fois par semaine ou de temps en temps quand les circonstances le permettent pour qu’on ait l’impression que tu n’es pas de l’autre côté de la planète, aussi loin que la distance qui sépare la Terre de la Lune. La maman de Mohamed est aux anges. Enfin, son fils, maintenant, elle peut le voir et discuter avec lui en ligne et face-à-face. Chose impossible il y a quelques années. Les discussions via la webcam ne s’arrêtent pas là.

Le son, l’image et la discussion online

Razika, la sœur de Mohamed, qui a pris le relais devant le petit écran, peut commander n’importe quoi du Canada. Il suffit de montrer sur la webcam l’article qu’elle désire pour que son cadeau soit envoyé. D’ailleurs, le trousseau de sa fille a été acheté de cette manière. Avant, elle découpait dans les magazines de mode des modèles de vêtements qu’elle envoie. Un mois après elle reçoit sa commande. Il n’y a pas longtemps, Razika appelait Mohamed sur le fixe.

La conversation durait parfois une heure. Elle reçoit une facture bien salée. Puis, petit à petit, le téléphone portable et les messageries électroniques se sont démocratisés. Même si tout le monde ne disposait pas d’un ordinateur ou d’une connexion Internet, il y avait toujours les cybercafés pour envoyer un e.mail à un proche ou lire son message. Maintenant Razika a mieux devant elle. La webcam et le skipe. En se connectant avec son frère, elle montre le modèle qu’elle recherche et il lui arrive en 24 heures par le DHL (l’express aérien international, la livraison rapide de documents et de colis par avion). Grâce à cette nouvelle technologie d’information et de communication (TIC), Razika a tout le temps des nouvelles de sa famille établie à l’étranger. Elle peut discuter des heures et des heures avec chaque membre de sa famille aussi bien au Canada, en France qu’en Espagne. Elle peut leur montrer la dernière bague achetée ou le simple meuble dans la chambre à côté. Il suffit de se balader avec son laptop muni de la webcam. Ce qui a encouragé ce genre de procédé est le coût réduit de la connexion à haut débit.

Le sort du téléphone fixe

Zohra a marié sa fille à un émigré habitant la Suisse. N’ayant pas fait des études poussées, elle a relevé le défi en apprenant les rudiments de l’informatique. Ainsi, elle est connectée H24 avec sa fille Naima, juste pour voir sa petite fille grandir. Seul bémol, lorsqu’il y a une coupure de courant ou la connexion est mauvaise, Zohra a recours au téléphone fixe pour avoir des nouvelles de sa petite-fille. Quant au facteur, ses visites sont de plus en plus espacées. A part les factures de téléphone et d’eau, rares les fois où il met dans les boîtes aux lettres une carte postale ou une carte de vœux.

Les mails et les SMS ont supplantés la correspondance épistolaire. Ainsi, pour les communications internationales, exit le téléphone fixe et même le portable vu le prix exorbitant des appels. Le premier a été déjà tué par le second, ses jours sont comptés. N’était-ce la connexion ADSL, beaucoup d’Algériens auraient déjà résilié leur abonnement. Alors, ces nouvelles technologies ont-elles changé les rapports entre les individus et particulièrement entre les membres de la famille lorsqu’ils sont éloignés ? Nostalgiquement, on tendrait à regretter les lettres ramenées par le facteur (attendu comme le messie) ; lettres qu’on lisait et relisait, qu’on remisait dans un tiroir ou l’armoire et qu’ensuite, on ressortait pour les relire. A ce sujet, qui se souvient de « la correspondance » ?

Ces liens d’amitié qu’on entretenait avec des étrangers inconnus aux quatre coins du monde par l’entremise de lettres. On peut, aujourd’hui, en rire mais ces échanges épistolaires avaient du contenu ! Mais ce qui est sûr, c’est que personne ne regrette le fait que le téléphone ait été supplanté par « les chats par vidéo » qui ne coûtent presque rien en plus de pouvoir voir son interlocuteur durant le dial (pour utiliser les mots adéquats). Ce sont les lois du progrès et…de l’économie ! Ainsi, le monde est devenu « un village » et on peut être en contact avec les personnes aimées en permanence. En contrepartie, elles n’auront plus rien à nous raconter lorsqu’elles reviendront de leur exil, parce qu’elles auront déjà tout dit par l’entremise du net. Alors, pour Zohra, plus de nostalgie pour les siens qui vivent à l’étranger puisque les nouvelles sont données à la minute près.

Plus de larmes lorsqu’elle voit sa famille membre par membre via l’écran du laptop. Pour Zohra, le téléphone fixe a encore de beaux jours devant lui. Par contre, Razika, pour reprendre son jargon, elle l’a zappé au même titre que sa machine à écrire et son appareil photo fonctionnant avec pellicule. « Ces objets sont désormais obsolètes et entreront au musée », fera-t-elle remarquer. Au même titre que le réfrigérateur, la télévision, ou encore la machine à laver, de l’électroménager incontournable de nos jours, la webcam et son corollaire la connexion Internet seront généralisés et inévitables dans tous les foyers. On n’y peut rien contre le progrès. C’est comme le vent quand il souffle, il faut s’attendre à ce qu’il emporte tout sur son passage.

Rabéa F.