SKD, CKD, SCKD… Pour en finir avec cette histoire de véhicules “Algériens” (Opinion)

SKD, CKD, SCKD… Pour en finir avec cette histoire de véhicules “Algériens” (Opinion)

SKD, CKD, SCKD… Les Algériens sont noyés de sigles à la faveur d’une actualité automobile qui prend une tournure scandaleuse. Ferhat Aït Ali, expert financier, déconstruit les sigles et ce qu’ils cachent. En CQFD…

La Fameuse TMC de Tiaret, a émis la réponse attendue aux photos relatives à son montage de véhicules algériens, dans cette réponse il est aussi bien question du caractère normal de cette vision de la construction automobile, partagée selon ses déclarations avec les autres « constructeurs », que du caractère temporaire de cette activité dans une forme qu’elle qualifie de SKD, en attendant le CKD et pourquoi pas l’élaboration d’un modèle Algérien tant qu’on y est.

Pour ce qui est des autres constructeurs, ils ne différent pas vraiment de TMC en matière de perception du marché algérien et surtout de la perspicacité des décideurs locaux. Ils font donc tous la même chose, histoire de continuer à vendre sous ce camouflage ce qu’on leur a interdit de faire sous un autre, sauf pour les heureux détenteurs d’un quota lui-même subordonné, à ce genre d’investissements.

Pour ce qui est du SKD, comme technique adaptée à un pays comme le nôtre, je dis oui, ce genre de coups est effectivement adapté à un pays comme le nôtre, gouverné par des bureaucrates comme les nôtres, mais ce n’est pas du SKD.

Les concepts et néologismes anglicisants étant galvaudés chez nous sans jamais être explicités au commun des mortels, par d’illustres incompétents dont la prééminence semble être le rabâchage de concepts qu’il ne maîtrisent pas très bien eux même, ils est peut être utile de les mettre une bonne fois pour toute à la disposition du public en appelant un chat un chat. Avant de les qualifier, avec leur promoteurs et les autorités qui les ont adoubé, dans une des deux catégories suivantes : investisseurs industriels, ou charlatans fumistes.

SKD, semi-démonté en français

Le SKD, en Anglais Semi Knocked Down, soit en français semi démonté. Ce qui revient non pas à fabriquer sur place, mais à exporter vers le lieu d’assemblage un Kit, fait de composants à moitié démontés ou à moitié montés, comme par exemple, des moteurs entiers, des boites entières et des fusées avec tout l’ensemble de traction, ainsi que des essieux avec les roues montées, et des portes équipées, pour des coques aménagées. Soit environ, une cinquantaine d’opérations de montage par véhicule.

Il n’a jamais été question de véhicule ou de quoi que ce soit, totalement montés avec des essieux ou roues démontées, sinon tous les vulcanisateurs d’Algérie seraient en droit de se déclarer industriels automobiles.

Ces véhicules ne sont de ce fait pas des SKD, mais des voitures sans roues. Et un scandale des SKD /CKD a frappé le pays dans les années 90 relativement à des articles électroménagers importés sous ce régime, avec juste les portes démontées. Prendre les gens pour des imbéciles, n’en fait pas forcement des imbéciles.

Le CKD, ou completly Knocked down

C’est le démontage total du véhicule ou de n’importe quel produit exporté pour être monté sur place. Cela sous-entend, que tous les composants du véhicule, viendront démontés, y compris les moteurs, et les accessoires aussi infimes soient-ils.

Cette formule est une fumisterie dans le domaine automobile. Personne n’a jamais monté un moteur sur le site d’assemblage des véhicules, ni un tableau de bord par composants, dans la zone de montage final, sauf à le produire sur place.

Dans ce cas, précis, parler d’un futur complexe CKD, est une blague. Personne ne l’a jamais fait et ne le fera jamais, même la SNVI après 45 ans d’existence n’a jamais importé de moteurs ou boites démontées, ou de trains avant ou arrière en composants séparés.

Le SCKD, est le Semi completed, Knocked down, ou la phase ultime de l’intégration locale, qui consiste à envoyer sur place, des composants démontés et semi-ouvrés, non seulement pour le montage, mais pour la finition sur place. Ceci revient à dire, que dans le pays de destination, il existe une industrie capable de faire les finitions même sur les composants réceptionnés. Et que de ce fait qu’il existe au préalable une industrie de composants ou un savoir-faire en général appartenant aux filiales des sous-traitants et des constructeurs engagés dans l’opération, comme dans les avions à pavillons multiples comme Airbus. Et ce n’est pas notre cas de figure.

Le Taux d’intégration, ce vieux chewing-gum qu’on cesse de ruminer

Ce vocable qui ruminé comme un vieux chewing-gum chez nous, doit être aussi explicité, pour que chacun en tire les conclusions qu’il veut. Parler d’un taux d’intégration, en se basant sur le facteur financier, dans le cout final du véhicule vendu, en y intégrant les frais de montage, et de personnel local y compris dans le transport et le transit, est fumeux.

Par contre parler d’un taux d’intégration, en fonction du nombre et du prix des composants réellement locaux, intégrés à ce véhicule est plus cohérent, et plus logique. Mais pour arriver à calculer ces taux, il faudrait peut-être, tenir compte de la valeur de chaque composant dans un véhicule et des capacités locales à produire ces composants à forte valeur ajoutée.

Pour la majeure partie des véhicules circulant dans le monde, on peut dire que la partie motorisation et transmission, représente entre 30 et 50% du prix final du véhicule. Ce n’est pas par hasard si le même véhicule, avec les mêmes équipements, change de valeur de 30% et parfois même passe au double, avec une augmentation de sa cylindrée et la nature de sa motorisation.

Le reste des équipements de direction, et de suspension, ainsi que les divers équipements de confort, représentant en général dans entre les 15 et 30% de la valeur du véhicule, en fonction du standing. Il reste un élément qui ne change pas beaucoup pour la même gamme, c’est la coque, qui elle fluctue entre 55 et 20% en fonction des équipements restants du véhicule.

Le CKD/SKD est l’ennemi du taux d’intégration

Ainsi plus le véhicule est puissant et luxueusement équipé, moins la coque compte dans sa valeur finale. Le taux d’une coque d’une Maruti dans le coup de revient du véhicule est de loin supérieur à celui d’une Mercedes, une fois les frais de coupe et de calculs aérodynamiques et esthétiques amortis…

Or dans notre pays, je ne vois pas ce que nous pourrons produire, localement dans l’immédiat ou à moyen terme, comme composants, en dehors de la coque, et des accessoires externes, de la sellerie de bas de gamme, et des composants les moins coûteux. Qui eux pourront éventuellement, représenter un certain taux appréciable sur des véhicules de bas de gamme, mais rien du tout sur les véhicules de haut de gamme, comme les Santa Fe ou les Golf. Cette Histoire de taux d’intégration est de ce fait à prendre avec des pincettes.

De toute manière le CKD/SKD est l’ennemi du taux d’intégration. Dans le monde entier, personne ne mixe ses composants avec ceux trouvés sur place dans le domaine mécanique, sauf quand il s’agit d’équiper un modèle construit à la base sur place de composants étrangers au pays de montage. Dans ce cas-là on ne parle plus de CKD, mais de schéma composé.

Le CKD ou SKD est destiné à envoyer dans un endroit donné un Kit complet fractionné ou semi fractionné, pour économiser sur la main d’œuvre ou les taxes locales et rien d’autre. Dire que nous allons produire des pièces moteur, freinage, direction ou suspension dans l’état actuel des choses est une mystification.

Aucun constructeur n’acceptera même en SCKD, d’intégrer des pièces locales d’unités inconnues dans des moteurs qu’il a conçus ailleurs, et dont il veut garder les brevets et exclusivités. On ne change pas de sous-traitant à la demande ou pour faire plaisir sur un lot, alors que tout le modèle est pris en charge par d’autres de renommée mondiale.

Promettre de ramener des marques mondiales chez nous pour fabriquer quelque milliers de composants, juste pour nous faire plaisir, est un rêve de bureaucrate débile relayé par les promesses d’un contrebandier fruste. Ceci nous renvoie à un autre concept encore plus galvaudé et encore plus fumeux chez nous : le Transfert de technologie

La technologie ne s’achète pas comme une banane

Certains ont tendance à croire que la technologie s’achète comme les bananes sur commande et selon les désirs du client. Ils ont l’air d’oublier que l’intelligence, tout comme la beauté et la dignité ne s’achètent pas, on ne peut en acheter que les oripeaux et les artifices.

Ce que nous appelons Technologie – qui ne consiste pas à monter un amortisseur ou un essieu, ou même des diodes sur une plaque imprimée – est le fruit de recherches ayant mobilisé aussi bien des capitaux, que des sommités techniques ainsi que des gouvernements.

Une recherche quasi quotidienne du mieux et du meilleur, dans tous les domaines possibles et imaginables, apte à faire de ces pays, groupes ou individus, des pôles d’excellence et des positions fortes dans l’économie et le devenir du monde.

Dans les pays avancés, tout est pratiquement breveté. Même les fermetures de sacs poubelle, et personne ne cède un brevet sans être sûr que l’apport sera supérieur à ce qu’il tirera de son exploitation directe ou indirecte par voie de royalties. En dehors du domaine public où tout peut se faire, moyennant un minimum d’intelligence et de volonté, tout ce qui est breveté, se paie directement ou par tranches, à condition de savoir quoi en faire exactement.

Dans le domaine automobile, il n’y a aucun transfert de technologie à attendre de quelqu’un qui vous vend un moteur avec sa boite à vitesse collée. Mais quand vous saurez que son fameux moteur, a coûté en frais de recherche développement plus que toute votre usine et sa production de cinq ans, vous saurez qu’il ne vous cédera rien, ni lui ni ses sous-traitants en matière de brevets ou de savoir-faire.

Nous sommes à une époque où les aciers, les alliages, les fontes et les techniques d’usinage, déterminent la qualité d’une motorisation avant même sa mise en œuvre. Nul ne vous apprendra à faire ce qu’il fait, parce que vous lui avez offert un hangar en concession à 51/49. Ceci est valable, pour le vaches, les balais, les graines et même les soutiens gorge.

Quand j’entends un bureaucrate qui ne sait même pas démonter l’interrupteur de sa chambre ou différencier la phase du neutre dans une installation, parler de transfert de technologie, mon esprit va tout droit vers la recherche d’un procédé technique apte à le faire taire de loin : ma télécommande.

Quand les banques voudront communiquer sur les montages…

Il apparaît clairement que nos banques publiques, ont financé l’intégralité de ces supposés investissements, à des montants qui sont manifestement loin de leur véritable valeur ainsi que l’acquisition des véhicules pour ce curieux SKD. Les parties algériennes dans cette affaire règlent aussi bien le reste que les garanties matérielles que sont ces hangars surévalués.

Mieux encore, les banques ont reçu une sorte d’oukase pour financer les ventes des tacots des amis, en pleine crise de liquidités, et affichent même les faces de leurs présidents, heureux de marcher dans ce jeu dangereux pour le devenir du pays. Ce qui sous-entend, que les parties visibles de cet iceberg, ne sont pas capables de monter et de protéger tout cela, sans d’autres parties, plus aptes à faire injonction à tous de suivre cette sinistre valse.

De ce fait, il n y a pas lieu de cibler exclusivement les propriétaires algériens de ces fameuses usines, même si leur responsabilité est engagée dans ces affaires. Mais l’intégralité de la chaîne, de donneurs d’ordre à tous les niveaux et dans tous les secteurs, qui auront couvert d’une manière ou d’une autre, ces projets qui n’ont strictement rien à voir avec la construction automobile, ni de près ni de loin.

Quand les banques voudront bien communiquer les montages financiers de ces fameux projets, et les règlements effectués sur leurs propres fonds pour acheter ces véhicules tous prêts à l’usage, tout en finançant leurs ventes locales en dinars, nous saurons ce qui s’est réellement passé, et qui est derrière quoi et qui. Et je pense que ce ne sera pas très beau à voir.

Quant aux fameux investisseurs, il est sûr, que si le marché reste tel qu’il est avec un maximum de 600 Millions de dollars de ventes possibles, s’ils « produiront » ce qu’ils ont promis, ou même s’ils ne rendent pas les hangars aux banques qui les auront financé à perte.

L’Alternative

La solution à mon sens à cette histoire de construction automobile est dans l’arrêt total de tous ces investissements foireux, avant que les choses n’aillent plus loin. Ensuite, il y a lieu de rétablir l’importation sans licences ni quotas, ni aucune intrusion administrative, en instaurant une taxe, intérieure à la consommation calculée non pas sur le prix d’arrivée sur le territoire mais sur le prix de vente intérieur, pour les véhicules touristiques, calculée sur le prix de vente Hors taxe final.

De réinstaurer les taux multiples de TVA, en fonction des produits, avec un taux de 40% pour les véhicules de luxe de plus de 3 Millions de dinars hors taxes. On verra si en fonction de ces prix, les concessionnaires pourront écouler plus de 50.000 véhicules an, avec ou sans crédits bancaires, quand la moyenne est de 3 Millions le véhicule.

Pour la construction d’un véhicule automobile local, il faudra reporter ce rêve, de quelques années. Le temps de former de nouveaux ingénieurs, des chaudronniers, des aléseurs et des spécialistes en conception de véhicules, pour n’introduire après qu’un seul partenaire fiable. Et avec autre chose que des commerçants de gros comme partenaires locaux, et un cahier de charges portant au début sur un seul modèle, à concevoir intégralement ici, et un apport de pièces minimal, de ce qui ne peut être fabriqué localement.

Et il est préférable de donner la priorité à l’association entre SNVI et le MDN pour ce faire, avec une prééminence pour les civils sur le volet commercial et aux militaires sur le volet technique. Et à défaut de voir rapidement un véhicule totalement ou majoritairement Algérien, on verra une industrie mécanique digne de ce nom avec une main d’œuvre qualifiée pour ce faire.