Razzia, agressivité, bagarres, mais prix raisonnables… Une journée de Ramadhan au marché

Razzia, agressivité, bagarres, mais prix raisonnables… Une journée de Ramadhan au marché

Faire le marché hier, c’était aller au front. On y faisait la «guerre». Tout le monde a peur de voir les prix s’envoler durant les prochains jours, alors ils font leurs stocks…

Il est 9h du matin, le ciel est gris mais il fait très chaud. La journée s’annonce encore plus chaude du fait qu’une mission commando nous attend: faire le marché un jour de Ramadhan! Dès notre arrivé au marché couvert de la ville de Rouiba, dans la banlieue est d’Alger, on est surpris par un attroupement bizarre.

Que se passe t-il de si bonne heure? Un commerçant a-t-il fait une méga-promotion? non, non rien de tout cela, ce sont juste les fameuses bagarres du Ramadhan. «Ghalbou Ramdhane» à la première heure, commente un jeune à propos de ce quinquagénaire qui s’en est pris à un autre du même âge à cause d’une place de stationnement… Ça commence bien! On a pu assister à la première prise de bec du mois sacré, qui il faut le souligner, commence assez tôt. Au fil des heures, l’ambiance devient de plus en plus électrique. C’est un mélange de grossièretés et d’incivilités avec une touche de mauvaise humeur et de nervosité qui provoque les altercations.

Plus le temps passe, plus les citoyens affluent sur le marché, plus la panique est là! Les gens se bousculent, ils courent dans tous les sens… C’est une ambiance de jugement dernier. On a besoin de coudées franches pour la course à la… «chorba». Les gens s’agitent dans tous les sens, qui pour tenter de se frayer un chemin, qui pour entrer dans un des magasins du coin pour se ravitailler. «Je n’ai jamais vu pareille foule!», lance à voix haute une dame qui suffoquait en se retrouvant prise au piège par une foule compacte. «D’habitude, je prends mes précautions en faisant mon marché quatre jours avant, afin d’éviter de m’y rendre durant la 1ère semaine, mais cette fois-ci, le temps m’a manqué et j’étais prise au dépourvu», ajoute avec dépit cette femme qui semblait avoir regretté cette aventure «marchande». Elle n’est pas la seule à avoir été prise au piège.

La majorité des grands marchés de la capitale a été prise d’assaut par des centaines de personnes pour faire le plein de provisions. Une véritable razzia. Des ruptures de stock ont été signalées dès le début de la matinée. «On se croirait en état de guerre ou à l’arrivée imminente d’une grande famine», s’étonne un citoyen, excédé par ce spectacle de fièvre acheteuse qui a contaminé la société. Faire le marché hier, c’était aller au front. On y faisait la «guerre». Il faut s’équiper en conséquence. Gilet pare-balles, tenue de camouflage et masque à oxygène sont obligatoires pour pouvoir espérer acheter quelque chose. Résultat des courses: il nous a fallu des heures pour pouvoir visiter quelques marchés où l’on a failli perdre la vie…

La stabilité inhabituelle des prix en ce début de Ramadhan est pour beaucoup dans cette ruée! «On n’a pas assisté aux traditionnelles flambées des prix. Ça reste raisonnable», fait savoir Mouloud. «Alors de peur de voir ces prix s’envoler, les prochains jours, on fait le plein…», ajoute ce fonctionnaire qui semble avoir «abandonné» son poste de travail pour aller remplir son frigo. Il faut avouer que les tarifs pratiqués pendant ces trois premiers jours du Ramadhan restent des plus raisonnables. Mieux encore, l’offre est abondante et la qualité est au rendez-vous. On cite l’exemple de la belle courgette, fortement prisée au mois de Ramadhan. Elle est proposée au marché entre 60 et 70 DA, alors que la laitue est cédée entre 40 et 60 DA le kg. Le prix de la tomate de saison connaît une stabilité et varie entre 40 et 50 DA le kg, de même pour la pomme de terre.

Les prix des autres produits se sont également stabilisés, dont la carotte, vendue entre 40 et 60 DA le kg, alors que le prix du citron oscille entre 100 et 150 DA le kilogramme. Les fruits de saison sont aussi relativement abordables. La pastèque valait hier entre 40 DA le kg tandis que le melon frôlait les 150 DA. Bref, on enregistre une stabilité des prix qui pourrait effectivement ne pas trop durer, au vu de la razzia à laquelle nous avons assisté durant cette journée au marché. C’est une culture de pénurie et non de consommation qui permet aux prix de jouer au yoyo. Preuve en est, même les produits agroalimentaires dont les prix sont tout le temps stables ont été pris d’assaut. On va «admirer» cette frénésie dans un supermarché d’Alger. Tous est bon à prendre.

Les caddies sont pleins à craquer, et la queue devant les caisses avait un petit air nostalgique de l’époque du socialisme.

Le magasin se vide de ses produits au fil des heures. La réserve suivait le même rythme. Mais le nombre de clients, lui, ne faisait qu’augmenter. Boissons, yaourts et gâteaux sont les produits les plus prisés… Aux environs de 16h, les choses commencent à se calmer. Les gens regagnent peu à peu leur domicile pour aller piquer un petit somme, pendant que les femmes préparent la marmite…C’est comme ça une journée de Ramadhan dans un marché…ou plutôt en Algérie, puisque c’est l’endroit où la majorité des citoyens passe sa journée!