Des membres du parlement de tobrouk rejettent l’assemblée constituante: La Libye entre le oui et le non

Des membres du parlement de tobrouk rejettent l’assemblée constituante:  La Libye entre le oui et le non

Dans un discours prononcé à l’occasion de la célébration du 7e anniversaire du soulèvement du 17 février 2011, Al Serraj a exhorté tous les Libyens à «rester attachés à leur droit à l’expression et à l’autodétermination», allusion au processus parrainé par l’ONU.

En Libye, les évènements se suivent et se ressemblent. Lundi dernier, des membres de la Chambre des représentants basée à Tobrouk, dans l’est du pays, ont rejeté l’Assemblée constituante, appelant à la formation d’un comité d’experts pour modifier la Constitution libyenne adoptée en 1951. «Le jugement de la Cour suprême sur la Constitution n’est pas valable. Par conséquent, nous avons décidé, en tant que députés, de ne pas reconnaître l’Assemblée constituante», ont déclaré 18 membres du Parlement de Tobrouk dans un communiqué, demandant à leurs homologues de n’amender que très partiellement la Constitution.

Plus inquiétant, ils ont par ailleurs affirmé leur totale opposition à l’adoption d’une loi nécessaire à l’organisation du référendum sur le projet de Constitution, posant le préalable de la mise en place d’un comité d’ «experts» habilité à «vérifier l’authenticité de l’identité libyenne». Voté en juillet dernier par une Assemblée constituante, le projet de Constitution a été soumis au Parlement qui semble vouloir traîner les pieds pour sa validation et affirme sa défiance avec le peu d’empressement pour le vote de la loi sur l’organisation du référendum.

Comme s’il avait pressenti les difficultés, le président du Conseil présidentiel du gouvernement d’union nationale de Libye, Fayez Al Serradj, a rappelé que l’objectif de la révolution et les sacrifices consentis par les Libyens étaient de construire un Etat démocratique, civil et moderne, tout en soulignant que le moment est venu de passer de la phase de la «révolution à celle de l’Etat». Dans un discours prononcé à l’occasion de la célébration du 7e anniversaire du soulèvement contre Maâmar El Gueddafi, le 17 février 2011, Al Serraj a exhorté tous les Libyens à «rester attachés à leur droit à l’expression et à l’autodétermination», allusion au processus enclenché par l’ONU dont la feuille de route reste la tenue d’élections législatives et présidentielle avant la fin de l’année en cours. Réaction ou anticipation vis-à-vis de ce qui se passe à Tobrouk, il a exhorté la Chambre des représentants d’activer «l’adoption de la loi sur le référendum pour l’adoption du projet de Constitution», en se référant aux dispositions de la Déclaration constitutionnelle. Or, le manque flagrant d’enthousiasme des autorités de l’Est vise à la fois ladite Déclaration et ledit référendum qui porterait préjudice, selon Tobrouk, à leurs intérêts. D’où l’appel du président du Conseil présidentiel libyen à la communauté internationale ainsi qu’ à la Mission de l’ONU, pour «assumer leur responsabilité envers ce qui se déroule dans le pays». Celles-ci ont pourtant exprimé clairement et fortement leurs position et attente par rapport aux prochains rendez-vous électoraux, sachant que le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté en décembre 2017 la feuille de route du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Libye à ce sujet. Se référant aux progrès économiques et financiers enregistrés grâce aux réformes initiées depuis deux ans, comme en témoignent le retour des entreprises étrangères et la relance de plusieurs projets interrompus, Al Serraj a évoqué la nécessité de reconstruire le pays, citant l’exemple de Benghazi et d’autres villes particulièrement détruites avant de révéler l’activation de la gestion décentralisée des communes cette année et l’octroi d’une large autonomie aux régions pour accélérer la marche vers la normalisation. Tous ces défis sont à relever alors même que la menace terroriste reste endémique et que la lutte contre ce phénomène et ses méfaits connexes comme le trafic d’armes, de drogue et de migrants doit se poursuivre. D’où, a expliqué Al Serraj, l’importance d’une force de sécurité présente à Tripoli comme dans les autres villes du pays, compte tenu des actes préjudiciables qui continuent à entraver le processus onusien et à porter préjudice au pays. Ce qui fera dire au président du Conseil présidentiel libyen qu’il est plus que jamais nécessaire d’unifier toutes les institutions de sécurité et militaire pour une lutte sans merci contre «l’ennemi commun» qu’est le terrorisme encore apte à menacer une ville comme Derna.

Cet appel à «la sagesse et à la pondération» a-t-il des chances d’être entendu par les élus de la Chambre des représentants? Ceux-ci sont majoritairement du côté du maréchal Khalifa Haftar et ont délibérément traîné les pieds, depuis décembre 2015, lors de la mise en place des institutions transitoires dans le cadre d’un accord sous l’égide de l’ONU. Tobrouk a, de ce fait, refusé de valider le gouvernement Al Serraj et il aura fallu des déclarations presque menaçantes des instances onusiennes et de certaines grandes puissances pour asseoir l’ autorité même chancelante du GNA. Pressée de mettre un terme aux divisions qui minent le pays et aux sacrifices que vit le peuple libyen depuis 2011, la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) entend mener à bien le processus politique de nature à reconstruire un Etat. Refusant la succession des phases de transition, elle «veut promouvoir un cadre constitutionnel, des élections crédibles et une réconciliation nationale». Or, ce parrainage du processus politique exige la participation volontaire et sincère de tous les Libyens, en particulier toutes les parties prenantes de la crise, et dans la conjoncture actuelle, rien ne plaide pour l’optimisme même si la campagne pour l’inscription des électeurs semble donner quelque motif de satisfaction, au moment de sa clôture le 15 février dernier. En somme, la gestion de la crise libyenne reste encore et toujours tantôt prometteuse et tantôt désespérante.