Liban : Conférence internationale de soutien pour éviter la faillite

Liban : Conférence internationale de soutien pour éviter la faillite

Le Liban vit depuis plusieurs mois dans la crainte d’une crise économique et financière ayant accéléré la tenue d’une conférence internationale parrainée par la France pour voler à son secours et éviter une faillite de l’Etat.

L’économie du Liban est en panne depuis sept ans en raison de crises politiques à répétition ayant vu l’actuelle Chambre des députés prolonger son propre mandat à trois reprises: les élections législatives de mai seront les premières depuis 2009. A cela s’est ajouté le conflit en Syrie voisine et l’afflux d’environ un million de réfugiés. C’est dans ce contexte que se tient vendredi à Paris une conférence de soutien, baptisée «CEDRE», avec la participation de représentants de plusieurs pays arabes et européens, ainsi que d’institutions financières régionales et internationales. Le Liban espère lever «entre 6 et 7 milliards de dollars sous forme de lignes de crédit et de dons», a indiqué à l’AFP Nadim Mounla, conseiller du Premier ministre Saad Hariri. Avant la conférence, les autorités ont adopté in extremis leur nouveau budget 2018 qui prévoit un déficit de 4,8 milliards de dollars contre 2,3 milliards en 2011, au début de la crise syrienne. Face à cette forte détérioration, «la probabilité d’une crise systémique est désormais d’autant plus élevée», met en garde l’économiste Paul Doueihy.

(In)stabilité monétaire

En l’absence de toute réforme structurelle, le Fonds monétaire international (FMI) avait mis en garde les autorités libanaises face au poids croissant de la dette publique, dans une note alarmante publiée en février. Celle-ci est estimée à plus de 80 milliards de dollars soit 150% du PIB, le troisième ratio le plus élevé à l’échelle mondiale, après le Japon et la Grèce, et pourrait atteindre 180% dans cinq ans, selon le FMI. Avec un déficit public à 10% du PIB, le «Liban a crucialement besoin d’un plan de consolidation fiscale», a prévenu l’institution internationale. «Or l’Etat n’a de cesse d’augmenter ses dépenses», déplore M. Doueihy. Le Parlement libanais a adopté en juillet une hausse des salaires dans le secteur public dont le coût annuel est estimé à plus d’un milliard de dollars. «L’Etat a embauché, en parallèle, 26.000 nouveaux fonctionnaires au cours des trois dernières années», indique Nassib Ghobril, directeur de la recherche à la Byblos Bank. Si les Finances publiques sont dans le collimateur, les craintes d’une dévaluation monétaire n’ont pas non plus disparu. La Banque du Liban (BDL) a puisé en novembre dernier plus de 800 millions de dollars dans ses réserves en devises étrangères pour enrayer les conversions vers le billet vert et préserver le taux de change fixe à 1507,5 livres/dollar, en place depuis 1997. Mais les facteurs structurels à l’origine de la fragilité monétaire persistent. Avec un solde chroniquement déficitaire de la balance courante – à 20% du PIB l’an dernier – la livre libanaise est artificiellement surévaluée, estiment les spécialistes. Ainsi «le taux de change nominal effectif a sensiblement augmenté au cours des dernières années», souligne le rapport du FMI.

Evasion fiscale

Le retour à une stabilité monétaire s’est produit, par ailleurs, aux frais d’une hausse substantielle des taux d’intérêt – de 6% à 9% en moyenne sur les dépôts en livre – susceptible de pénaliser l’investissement et d’alourdir le coût d’endettement de l’Etat. A cela s’ajoute une baisse de la marge de financement de l’Etat par les banques, en raison de la décélération de la croissance des dépôts. En 2017, ceux-là ont progressé de 4%, contre 12% en 2010, à la veille de la guerre en Syrie. Pour éviter une éventuelle faillite, l’Etat devrait «urgemment» réduire ses dépenses et doper ses recettes, assurent les économistes. Or le gouvernement a récemment adopté une série de mesures fiscales, dont la hausse de la TVA à 11%, pour financer la nouvelle grille de salaires. «Il est difficile dans un contexte de croissance molle et d’érosion du pouvoir d’achat d’augmenter davantage les impôts», souligne Marwan Barakat, directeur du département de recherche à la Bank Audi. Pour renflouer ses caisses, l’Etat peut, en revanche, lutter contre l’évasion fiscale, estimée à 4,2 milliards de dollars par an. «S’il y a une volonté politique sérieuse, le Liban peut récupérer jusqu’à la moitié du manque à gagner, soit plus de 2 milliards par an», précise M. Barakat. Mais ces réformes sont à l’épreuve d’une recrudescence de la corruption, que 92% des Libanais affirmaient en 2016 avoir constatée. Dans son dernier rapport, l’ONG Transparency International a classé le Liban au 143e rang sur 180 pays, selon l’indice de perception de la corruption.