L’été, faut pas s’enflammer

L’été, faut pas s’enflammer

Une réunion juste pour fixer la date, le lieu de la tenue de la tripartite et son ordre du jour provisoire, mais qui aura donné l’occasion au Premier ministre de faire l’éloge du patronat, “partenaire indissociable pour la croissance économique”, et du syndicat “stabilisateur”. Il s’est ravisé sans tenir compte de l’euphorie punitive qu’il a créée ni la couronne de lauriers qu’on a vite fait de lui tresser.

La leçon que l’on peut tirer de cette parenthèse animée, c’est que si l’on se fie à la pensée qui s’exprime, les Algériens s’avèrent d’une incorrigible candeur ! Les commentaires que la presse nationale a produits et relayés ont très majoritairement fait de Tebboune un providentiel redresseur de torts et attesté qu’enfin, la rigueur et la transparence étaient en marche.

Nous sommes donc massivement portés à croire qu’un régime conçu pour entretenir l’ordre de prédation peut, au bout de sa dix-huitième année de règne, par lui-même, et se faisant juge et partie, décider de faire rendre gorge et rendre des comptes aux prébendiers qu’il a lui-même suscités et parrainés !

L’avenir nous dira pourquoi le Premier ministre a voulu faire miroiter aux yeux des Algériens cette espèce d’opération “mains propres” politiquement, financièrement et techniquement impossible. Politiquement, d’abord. “Séparer l’argent de la politique”, en l’état actuel du régime, reviendrait à sectionner douloureusement et mortellement un même corps en ses deux composantes : la stabilité du régime réside en sa capacité à entretenir sa clientèle, au sens large, mais surtout celles des compartiments privilégiés, une clientèle qui, à son tour, fait rempart autour de lui contre toute remise en cause.

Financièrement, ensuite. L’argent dissipé n’est pas conservé en investissements ou placements transparents et, comme le reconnaît le Premier ministre à propos de seulement soixante-dix milliards, l’argent est détourné de ses emplois théoriques. Même s’il le voudrait, l’État n’est pas en situation de récupérer la part d’argent dilapidé.

Techniquement, enfin. Il n’y a pas de procédé viable pour corriger les effets d’une entreprise de déprédation qui procède de la nature du pouvoir : rien qu’à compter les mises en demeure, et si l’État se mettait à sévir contre les maîtres d’œuvre en défaut, il faudrait mobiliser tous les appareils de contrôle technique et financier et tout l’appareil judiciaire durant des années pour démêler l’écheveau de cette gestion approximative des projets. Alors, parler d’autosaisine…

Au demeurant, l’État lui-même semble s’être empêtré dans un “management de comparses” avec ses prestataires préférés. La preuve en est que, dans sa réponse aux mises en demeure, Haddad s’est présenté en créancier victime des retards de paiement de ses maîtres d’ouvrages.

Dans une telle situation, il était normal que le brusque accès de rigueur gouvernementale, à l’origine encore inconnue, tombe aussi brusquement. Et peut-être que les exaltés de la transparence de quelques jours admettent, enfin, que le mal est trop profond pour relever de l’automédication politique.

M. H.