L’esprit de Dda l’hocine plane sur le parti en crise existentielle : Le FFS face à ses “démons”

L’esprit de Dda l’hocine plane sur le parti en crise existentielle : Le FFS face à ses “démons”

Aujourd’hui, ce qui apparaît de la crise qui secoue le FFS, est indigne de son histoire, de son patrimoine militant et des figures politiques qui l’ont marqué.

Que se passe-t-il dans la maison FFS? Depuis quelques mois, voire des années, le doyen des partis d’opposition est en proie à un déchirement fratricide qui a pris des dimensions gravissimes dans la mesure où le parti est en situation de blocage en raison des démissions au sein de son instance dirigeante collégiale. Base et direction sont divisées entre congrès ordinaire disposant de toutes les prérogatives et congrès extraordinaire qui ne peut que compléter les membres manquants de la direction collégiale sur proposition d’une liste consensuelle. Finalement, le compromis a été trouvé autour de la tenue d’un congrès extraordinaire le 20 avril prochain et la préparation du congrès ordinaire pour le début de 2019. Mais avant d’en arriver là, les membres du conseil national ont approfondi les divisions qui minent l’héritage légué par feu Ait Ahmed et qui risque d’imploser, de perdre ses repères historiques et dévier de sa voie tant sa direction nationale est atteinte d’un strabisme divergeant. Le FFS n’est plus une «force tranquille» comme le voulait son fondateur. Le parti n’est plus ce creuset des forces progressistes, humanistes et de justice qui fut un recours quand l’Algérie avait douté de son destin, ce 2 janvier 1992, lorsque Ait Ahmed avait appelé à une riposte au désespoir, à la fatalité et à l’incertitude politique. «Ni Etat policier, ni Etat intégriste» tel était le mot d’ordre fédérateur qui a mobilisé les Algériens de tous horizons lors d’une des plus importantes marches qu’Alger ait connue. Du balcon de l’hôtel Essafir (ex-Aletti), l’Historique à l’écharpe rouge avait proposé sa troisième voie qui rejetait la promesse de l’enfer intégriste et le risque d’une dictature naissante. Pour les millions d’Algériens qui ne se reconnaissaient pas dans les résultats des élections législatives de décembre 1991, Ait Ahmed et le FFS étaient perçus, l’espace d’un rêve fou, comme les sauveurs d’une Algérie qui se dirigeait tête baissée vers une période d’incertitude et de violence inouïe. Manifestement, cette perspective d’une Algérie démocratique, réconciliée et résolument moderne n’intéressait ni les décideurs de l’époque qui refusaient de partager le pouvoir, ni le FIS dissous qui revendiquait ses «droits», ni l’opposition qui se complaisait dans ses divisions et débats byzantins. Par la force des choses et le concours de différents facteurs endogènes et exogènes au parti, le FFS a fini par abandonner sa «troisième voie» se contentant de jouer le rôle du «sage» non reconnu par tous les protagonistes de la crise nationale jusqu’à la tenue de la présidentielle d’avril 1999. A cette occasion, Ait Ahmed rentre au pays pour prendre part à ce challenge, donnant à la campagne électorale des couleurs inédites et un ton politique prometteur. Le «dictateur de la démocratie et des libertés» n’avait pu malheureusement aller jusqu’au bout de cette expérience puisque son coeur fatigué ne l’y a pas aidé avant qu’il décide avec les cinq autres candidats de se retirer de la course la veille du scrutin. Ait Ahmed quittera le pays au lendemain de cette présidentielle et ne reviendra au pays que dans un cercueil. La gestion à distance du FFS ne s’est pas faite, y compris du vivant de Ait Ahmed, sans tensions en son sein et des divergences stratégiques et tactiques ayant provoqué une hémorragie aussi bien de militants que de cadres dirigeants. Malade et éloigné, le leader charismatique ne se rendait pas compte que le parti se vidait peu à peu de sa substance militante et idéologique. Le FFS a abandonné son organe Libre Algérie dont le contenu contribuait à un débat d’idées intéressant. Lors du Printemps noir de 2001, le FFS a commis des erreurs d’appréciation de la dynamique des Arouch, qui lui a coûté cher en militants aussi bien au niveau de la base que des instances intermédiaires et nationales. Cette situation s’est aggravée après le retrait définitif de Ait Ahmed de la vie politique. En 2012, Dda l’Hocine se retire du FFS comme le père qui remet les affaires de la famille à ses héritiers pensant qu’ils ont atteint l’âge de la responsabilité, de la clairvoyance et de la bonne gouvernance. Ce n’était manifestement pas le cas, notamment après la disparition de Ait Ahmed en 2015. La direction collégiale n’a vraisemblablement pas réalisé l’objectif principal qui est la gestion démocratique du parti tout en empêchant l’émergence de leaders politiques porteurs d’idées nouvelles et de stratégies de construction du parti qui prennent en compte les mutations sociales et les aspirations des nouvelles générations. Les divergences politiques, idéologiques et théoriques normales au sein de toute organisation vivante sont occultées par les ambitions personnelles, les règlements de comptes, les invectives et propos qui ont banalisé l’un des partis les plus prometteurs de la scène politique algérienne et qui a vu défiler des contingents de militants et de cadres de haute facture et qui a nourri les idéaux, les espoirs et les rêves de générations entières. Aujourd’hui, ce qui apparaît de la crise qui secoue le FFS, est indigne de son histoire, de son patrimoine militant et des figures politiques qui l’ont marqué.