Les victimes de la route

Les victimes de la route

Logiquement nous devrions parler de terrorisme routier, mais ce fléau a tellement fait de victimes et a tellement traumatisé la société algérienne que nous le réservons exclusivement à la violence islamiste.

Il est navrant que quotidiennement en ouvrant un journal vous lisez une brève annonçant un accident de la circulation, des morts et des blessés sur nos routes. L’information est donnée dans son état brut sans être accompagnée d’un commentaire, sans dénoncer le fait que nous détenons un triste record et que forcément il y a des coupables, ces chauffards qui fauchent la vie des milliers de nos concitoyens.

Les informations concernant les accidents de la route sont banalisées, classées en tant que statistiques froides des bilans de la Gendarmerie nationale. 4000 morts et deux à trois fois plus de blessés ne suscitent que campagne de sensibilisation et autres journées d’études. C’est déjà pas mal, mais largement insuffisant pour faire baisser la tendance meurtrière.

Les pouvoirs publics ont sévi, des sanctions plus sévères ont été mises en place et même des peines d’emprisonnement actionnées sans pour autant aboutir à quelque chose de positif et de palpable. La conduite en état d’ivresse est souvent mise en cause, le manque de sommeil aussi. Les drogués ne peuvent pas être découverts. L’incivisme tue dans l’indifférence. Le drame n’est vécu que par les familles touchées par la mort d’un proche. La corruption sauve des chauffards et personne ne s’indigne que des personnalités usent de leur pouvoir pour récupérer le permis de conduire d’une connaissance qui a commis des fautes: conduite dangereuse, griller un feu rouge ou conduire en sens inverse. La jeunesse est mise au banc des accusés. Il est vrai qu’elle s’amuse sur nos routes comme on s’amuserait dans un terrain vague sans mettre en danger la vie d’autrui. La puissance des moteurs donne des ailes destructrices aux jeunes nantis qui changent de bolides comme on change de chaussettes.

Le bilan des accidents de la circulation durant le mois de Ramadhan est particulièrement meurtrier, plus meurtrier que les autres mois. Que faire si ce n’est constater que les moindres règles de vigilance ne sont pas respectées et que le manque de sommeil est un redoutable ennemi de la conduite même s’il est vrai que nos routes et nos autoroutes ont une part de responsabilité dans cette hécatombe. Nos auto-écoles et nos inspecteurs qui délivrent des permis de conduire moyennant des liasses de dinars ne sont pas exempts de tout reproche. Même les caméras de surveillance ont été vaines dans notre pays. Il suffit d’aller voir un jour le nombre de personnes à qui le permis de conduire a été retiré pour être édifié. Une bonne partie des fautifs récupère son document grâce à des interventions. Des chauffeurs de profession se mettent à l’abri de toute mauvaise surprise en tissant des liens dans les milieux de la Gendarmerie nationale et de la Sûreté nationale. Il leur suffit d’un coup de téléphone qui donne le lieu et l’heure où la contravention a été commise pour que tout cela se règle avec le sourire et le merci de circonstance.

Nos routes tuent et cela ne choque plus personne. La banalisation gagne du terrain dans l’indifférence totale. Faut-il mettre un policier derrière chaque chauffard. Comment l’identifier cette personne qui devient assassin dès qu’elle tient un volant entre ses mains? Impossible de le savoir et c’est souvent trop tard quand elle est démasquée. Elle est comme vous et moi, mais elle tue au volant.

Est-il utile de rappeler le coût de ces accidents de la route et celui de la prise en charge des blessés, ces oubliés des carnages routiers? Oui, il faut sans cesse le dire et le dénoncer pour que peut-être nous rentrions dans les normes admises comme partout dans le monde. Il faut arrêter le massacre!