Les sept axes directeurs pour un nouveau management stratégique de Sonatrach (contribution)

Les sept axes directeurs pour un nouveau management stratégique de Sonatrach (contribution)

Quel est l’objectif du management de l’entreprise Sonatrach ? C’est l’objet de cette contribution résultante de mon expérience professionnelle de plus de 40 années.

Pour avoir connu de l’intérieur SONATRACH de 1974 à 2009, en tant que directeur d’études, membre de plusieurs organisations internationales sur l’énergie à ce jour et publié plusieurs contributions internationales sur ce sujet (1), je partage le point de vue du président directeur général de Sonatrach pour qui le 10 octobre 2017 « Sonatrach est gérée de manière bureaucratique et non pas économique». Depuis les scandales financiers, les cadres de Sonatrach ont peur et prennent peu d’initiatives. Or, la définition d’une entreprise est de prendre des décisions en temps réel, en ce monde en perpétuel mouvement, avec une concurrence acerbe notamment dans le domaine énergétique et surtout d’une société qui procure directement et indirectement avec les dérivées 97/97% des ressources en devises à l’Algérie. Aussi la question centrale posée depuis des décennies, quel est l’objectif du management de l’entreprise Sonatrach objet de cette contribution résultante de mon expérience professionnelle de plus de 40 années.

 1.- Sonatrach combine à la fois l’organisation hiérarchique et l’organisation divisionnelle, ce qui ne lui acquiert pas la souplesse de ses concurrents au niveau international, sans compter la rigidité du système bancaire et surtout les interférences politiques, ce qui est propre à toute entreprise publique même dans les pays développés.  Rendre plus efficiente Sonatrach suppose plusieurs actions stratégiques : la replacer dans le contexte international et national ; un système d’organisation au temps réel se fondant sur des réseaux et non plus sur l’actuelle organisation marquée essentiellement sur une vision hiérarchique, des centres de coûts transparents incluant la gestion du partenariat ; une gestion rationnelle des ressources humaines et élément essentiel du management stratégique, impliquer les cadres et être à l’écoute du collectif des travailleurs par un dialogue constructif permanent.

2.-Sur le plan des résultats financiers, faute d’une clarté dans la gouvernance de Sonatrach, on ne discerne pas nettement ce qui est imputable à une bonne gestion interne et ce qui est imputable aux aléas internationaux qui sont déterminants. C’est que la croissance ou pas de l’économie mondiale joue comme un vecteur essentiel dans l’accroissement ou la diminution des recettes de Sonatrach. D’où l’importance de discerner le résultat d’exploitation imputable aux farceurs externes et celui imputable à la gestion interne.

3.- Lors d’un audit sous ma direction sur les carburants, entre 2007/2008 assisté des cadres de Sonatrach et du bureau d d’‘études américain Ernst & Young, il nous a été difficile de calculer le cout de la tonne de pétrole et du mètre cube gazeux gaz acheminé de Hassi Messaoud et Hassi R’Mel aux ports côtiers, faute de comptabilités analytiques individualisés. Les prix de transferts selon le langage comptable et les comptes consolidés de Sonatrach voilent la rentabilité entre la division amont, de la division transport et la division aval. Ainsi s’impose la mise en place de comptabilités transparentes sections par sections. Le modèle doit prendre en compte l’épuisement inéluctable des réserves d’hydrocarbures à terme devant être nuancé dans l’appréciation comme celle des découvertes de gaz puisque pour le pétrole les découvertes sont insignifiantes, fonction du vecteur prix international, du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques et des énergies substituables. Évaluer l’efficacité de la structuration actuelle en fonction des axes stratégiques de Sonatrach d’où l’importance d’envisager des structures organisationnelles plus adaptées à ses missions et d’évaluer les systèmes d’information quant à leur efficacité sur le plan délai, coût et atteinte des objectifs.

4.-Le nouveau management stratégique doit avant tout diagnostiquer l’impact de l’environnement national et international sur Sonatrach et l’appréciation des domaines où l’interface Sonatrach/ environnement peut être amélioré afin de rendre plus performante l’entreprise et la hisser au niveau de la concurrence mondiale. La description des opérations devrait permettre d’identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie- standards et normes- sous-traitance et enfin le conventionnement et ce, afin de réduire les coûts et d’avoir une stratégie agressive afin de prendre des parts du marché tenant compte de la concurrence. Il s’agira donc d’élaborer un modèle de simulation donnant plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables -fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers, gérer étant prévoir surtout pour cette entreprise stratégique pour le pays. La démarche devra être de type itératif. Elle consistera à itérer les séquences en plusieurs étapes : fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction où à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme (ratios, contexte). Il s’agit de vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre. Cela permettra de mettre en place deux ou trois scénarios d’amélioration des performances de Sonatrach tenant compte de l’évolution erratique tant du cours du dollar, de l’euro que du cours du pétrole et du gaz , permettant d’ identifier chaque action, décrire le contenu, évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens, coûts et gains attendus et enfin établir un tableau récapitulatif des indicateurs de performance à prévoir.

5.-L’analyse .de l’ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), les circuits banques primaire- banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement permettra d’accélérer la rapidité des opérations, d’évaluer les structures d’appui professionnelles existantes , les structures d’appui techniques et de formation, l’identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs- clés de succès pour une comparaison nécessaire de la stratégie internationale des grands groupes pétroliers et gaziers. Car l’évaluation du le degré de compétitivité des outils, équipements et des immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international. est primordiale Cette opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et non corporelles, le niveau des stocks dormants ,(objectif stock zéro) ces derniers donnant une comptabilité déconnectée de la réalité économique supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits, la pertinence des investissements réalisés et enfin la compétence du personnel utilisateur.

6.-Cela passe fondamentalement par l’analyse des tests d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion afin de raccourcir les délais source de surcoûts et des propositions concrètes pour améliorer l’organisation et la mise en place des comptabilités analytiques afin de mieux adapter les structures organisationnelles à la mission et aux contraintes de Sonatrach et de définir la structure des responsabilités Comme mis en relief précédemment, sur le plan comptable, Sonatrach, bien qu’existe une direction l’audit au niveau de la direction générale, établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts du fait de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division. Par ailleurs, au niveau des unités de production , la comptabilité établit une valeur globale pour des ventes similaires de certains produits, résultante de la consolidation de produits exportés au prix international et de produits écoulés sur le marché interne à un prix largement plus bas. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance et dans ce cadre évaluer le bilan des contrats toujours en termes de standards internationaux, du partenariat et l’impact de la généralisation des avis d’appel d’offres et des contrats gré à gré prévus par la loi, l’évaluation de la position financière de Sonatrach, ses perspectives et sa structure des coûts d’exploitation, tenant compte des comparaisons internationales.

7.-Afin de rendre plus performantes les ressources humaines, par une formation permanente cela implique un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach, la disponibilité des compétences adéquates , les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail , les appréciations des mesures d’incitation et enfin l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise de Sonatrach (audit social et audit de la culture liés au renouveau du système d’information) dont la prise en compte -au profit des travailleurs- d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre annuellement Sonatrach. Aussi , il s’agit de revoir les méthodes de promotion actuelles ( bourse de l’emploi notamment ) qui n’ont pas eu les effets positifs sur le terrain, encore que les intentions étaient parfois bonnes, avec la mise en retraite anticipé des cadres ayant atteint l’âge de 60 ans, ce qui est une aberration et a fait fuir de nombreuses compétences hors Sonatrach sans que n’était préparée la relève. Car bien manager les ressources humaines suppose que le planning des actions à mener, doit être synchronisé du fait de la complexité de l’opération et sous -tendu par un dialogue permanent avec l’ensemble du collectif des travailleurs à tous les niveaux.

 -Conclusion

Sonatrach, société par actions et propriété exclusive de l’Etat, devra faire face aux mutations quant à son nouveau rôle de société économique et commerciale créatrice de richesses et aux changements dans son mode de fonctionnement en vue d’évoluer dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Il s’agira impérativement donc d’évaluer l’impact de l’environnement socio-économique et institutionnel (notamment bancaire) ainsi que des réformes prévues ou à envisager tenant compte de l’Accord de libre-échange avec l’Europe applicable depuis le 01 septembre 2005 avec un tarif douanier zéro horizon 2020 et son éventuelle adhésion à l’OMC. Tenant compte des coûts, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, il s’agit de replacer la stratégie de Sonatrach au sein du nouveau défi écologique avec un changement notable du modèle de consommation énergétique qui se dessine entre 2017/2020/2030 au niveau mondial. La gouvernance d’un pays est elle même inséparable des mutations mondiales devant donc éviter d’isoler la micro- gouvernance de la macro- gouvernance qui sont inextricablement liées Je rappelle Sonatrach que le Conseil national de l’Energie est l’organe suprême de toute stratégie énergétique. Il a été créé par décret présidentiel le 19 avril 1995, qui, dans son article 6, stipule que le Conseil se réunit périodiquement sur convocation de son président, le président de la République dont le secrétariat (article 5) est assuré par le Ministre de l’Energie et composé des ministres dits de souveraineté (Défense nationale, Affaires étrangères, Energie et Finances), du gouverneur de la Banque d’Algérie et du délégué à la Planification. Par ailleurs, Sonatracha  besoin d’un financement de 70 milliards de dollars et Sonelgaz (le montant initial était de 100 milliards de dollars) 150 milliards de dollars pour les cinq prochaines années dont plus de 70% en devises. Ou trouver le financement ? L’Algérie ne peut continuer dans l’actuelle trajectoire sans vision stratégique avec des subventions non ciblées source de gaspille et d’injustice sociale, le versement de salaires et traitements sans contreparties productives, quitte à aller vers le FMI horion 2020, avec d’inévitables tensions sociales. Le Fonds de régulation a été épuisé fin 2016, et le financent non conventionnel proposé doit être utilisé avec précaution devant délimiter le plafond, au risque d’une dérive inflationniste. Les recettes de Sonatrach seront d’environ 31 milliards de dollars fin 2017, les exportations hors hydrocarbures d’environ 1 à 1,5 milliards de dollars, contre une sortie de devises variant entre 55/60 milliards de dollars (biens-services-transferts légaux de capitaux). Les réserves de change sont passées de 192 milliards de dollars et termineront à moins de 97 milliards de dollars fin 2017.fin 2014. Au rythme de la consommation intérieure accélérée par les subventions énergétiques généralisées, en cas de non découvertes substantielles à un cout répondant aux normes internationales, l’Algérie risque ne plus pouvoir exporter de pétrole et de gaz traditionnel horizon 2025/2030 au moment où la population sera d’environ 50 millions d’habitants.