Les jeunes et la politique: Pourquoi ils n’y croient pas

Les jeunes et la politique: Pourquoi ils n’y croient pas

Las, désillusionnés, découragés. Les jeunes Algériens ne laissent paraître aucun signe d’enthousiasme face au rendez-vous du 04 mai prochain.

Les élections législatives sont un «non-événement» pour certains, une date «insignifiante» pour d’autres, une «tromperie» pour beaucoup. La distance que les jeunes mettent à l’égard des pratiques et des discours politiques n’est pas injustifiée. Elle ne signifie pas non plus qu’ils rejettent la chose politique. Bien au contraire. A se fier aux témoignages de dizaines de jeunes Algériens, rencontrés hier aux abords des universités, des stades de quartiers et des cafés, ce sont les injustices vécues au quotidien, les pratiques frauduleuses, l’insécurité, l’absence de toute perspective qui font qu’aujourd’hui ils n’ y croient plus.

Ils ont à peine 20 ans, et contrairement aux idées préconçues, ces jeunes sont avides de politique. Mais pas telle qu’elle est pratiquée en Algérie. «Comment voulez-vous croire en ces personnes qui nous chantent la même chanson depuis toujours ? Comment voulez -vous que l’on s’intéresse à eux lorsqu’en réalité nos maux sont loin de les sensibiliser ?», répond Nadia, étudiante en droit. «J’ai 21 ans, et aussi loin que je m’en souvienne, ce sont toujours les mêmes hommes et femmes politiques qui se présentent avec les mêmes promesses et les mêmes discours», dit-elle sans même détourner son regard de son livre Terminologie de Droit Public. Assise à ses côtés, Melissa est du même avis.

Pour l’anecdote, elle raconte qu’à 17 ans, en regardant à la télévision l’intervention d’un politique, elle croyait qu’il s’agissait d’une rediffusion d’une émission datant d’au moins dix ans. «C’est vous dire que lorsque nous menons la même vie depuis des décennies avec ces mêmes hommes politiques, nous ne croyons pas que notre bulletin de vote puisse y changer quoi que ce soit», tranche Melissa qui a aujourd’hui 22 ans et pour qui, pourtant, la politique est une vraie passion. «Les élections présidentielles américaines étaient plus passionnantes», ironise la jeune étudiante qui affirme ne pas vouloir se rendre aux urnes le 04 mai prochain.

Ailleurs, au Département de droit international, un groupe de jeunes riait aux éclats. Nous les interrompons : allez-vous voter ? La réponse est unanime : «non !» «Les dés sont jetés, les jeux sont faits, nos voix sont sans intérêt», répond Ilyes. Avec son franc-parler, il enchaîne: «J’ai un master en droit international. Le seul boulot que j’aie réussi à décrocher avec mon diplôme est celui de receveur de bus». Avec des yeux qui larmoient et une voix tremblottante, Ilyes arrive à rire de sa situation : «Avancez en arrière ! C’est ce que je répète en boucle chaque jour. Voyez-vous, élections ou pas, notre situation ne changera pas».

Harga ou la prison…

Les jeunes se disent en retrait de la politique. Mais cela n’est pas du désintérêt. Ils souhaitent plus de démocratie et aimeraient avoir des réponses à leurs attentes et leurs espérances. «On veut sortir de chez soi sans avoir peur d’être agressé. Faire des études et décrocher un poste de travail, même si on n’est pas fils ou fille de… On souhaite créer des entreprises sans être bloqués par la bureaucratie. On veut surtout mener une vie paisible, digne. Loin de tout discours soporifique et de promesses vaines», enchaîne pour sa part Amine, qui a pour seul projet de reprendre le métier de plafonneur qu’exerce son père.

«Si je prends mon cartable chaque matin, c’est uniquement pour faire plaisir à ma mère pour qui avoir un diplôme est une grande fierté. Sinon les études ne me mèneront nulle part», avoue le jeune étudiant pour qui les seuls perspectives en Algérie sont migrer ou faire de la prison.

Rahim, les mains tendues vers le filet qui encercle le stade communal de Said-Hamdine, dit lui n’avoir voté qu’une seule fois dans sa vie, lors des élections municipales.

«Rien qu’en constatant les promesses non tenues des présidents d’APC que pourtant nous connaissons un peu plus, nous pouvons être sûrs que les candidats aux législatives n’apporteront rien de nouveau aux citoyens», dit ce jeune de 25 ans, diplômé de l’université de Bab Ezzouar. Il affirme ne pas être dépolitisé en choisissant de ne pas se rendre aux urnes quand viendra le rendez-vous électoral. Mais plutôt «méfiant» vis-à vis des élus.

«Ces politiques dont l’âge dépasse largement les 50 ans ne peuvent pas et ne pourront jamais parler de ce que nous les jeunes voudrions pour notre société», soutient-il. Simplement, il dit ne pas avoir de la citoyenneté la même conception que celle des aînés qui occupent les sièges des institutions politiques. C’est pourquoi «je ne voterai pour aucun d’entre eux», tranche notre interlocuteur.