Les gâteaux de l’Aid el fitr sont devenus un business : La tradition détournée

Les gâteaux de l’Aid el fitr sont devenus un business : La tradition détournée

Confectionneur de gâteaux de l’Aïd El Fitr est un nouveau métier qui rapporte gros. Les tarifs affichés varient en moyenne entre 50 et 100 DA la pièce, selon le type de gâteaux et les ingrédients choisis. Toutefois, l’endroit joue également un rôle! Car, dans les quartiers huppés de la capitale, ça va du simple au double, il faut compter entre 120 à 200 DA le gâteau…Un beau pactole!

Comme c’est de tradition, la dernière semaine du Ramadhan est réservée à la préparation des gâteaux de l’Aïd! Cette coutume est certes toujours d’actualité, mais elle s’est adaptée à son temps. On n’est plus à l’époque où cela était une grande kermesse de famille, où se rassemblaient à la maison grands et petits pour préparer les délicieuses gourmandises qui seront fermement présentées dans la matinée de l’Aïd. Cette ambiance bien de chez nous est en train de disparaître au profit de commerçants qui proposent des gâteaux traditionnels tout faits! Désormais, c’est: «Allô! je voudrai 20 pièces de «baklawa», 30 pièces de gâteaux secs,…» C’est l’ère du «prêt à consommer»! Car il faut le reconnaître, les femmes algériennes sont de plus en plus actives professionnellement, et n’ont plus de temps à consacrer aux préparatifs des gâteaux de l’Aïd. Chose que nous confirme Linda, une mère de famille travaillant chez un opérateur téléphonique. «Je ne vous cache pas, j’aime bien faire les gâteaux, mais je n’ai absolument pas le temps de les préparer pour cet Aïd. Entre le boulot, la préparation du ftour et les enfants, c’est à peine si j’ai le temps de manger ou dormir…», rapporte-t-elle, un peu gênée. Ce qui n’est pas le cas de Maya qui affirme sans ambages que sans ces vendeurs de gâteaux elle aurait certainement sauté une de nos us. «Je ne vais pas me couper en 1000. Je m’en sors déjà à peine durant ce Ramadhan qui est de plus, pénible. J’ai un boulot très éprouvant, j’ai trois enfants dont un en bas âge, le Ramadhan a des effets très néfastes sur moi, quand j’arrive à préparer le ftour, c’est déjà un exploit», assure-t-elle. «Ces vendeurs de gâteaux prêts à consommer, me sauvent la vie…», rapporte Maya, d’un air des plus soulagés. Lina, de son côté, avoue ne pas être un cordon bleu. «Je suis nulle en cuisine, je sais faire le strict minimum, alors préparer des gâteaux, qui plus est traditionnels, cela dépasse fortement mes compétences», assure-t-elle d’une manière des plus blagueuses. L’unique solution pour ces dames est donc de recourir au service de ces vendeurs de gâteaux traditionnels. Elles font la commande de trois ou quatre modèles de gâteaux, juste pour marquer cette fête. Car, comme l’avoue la majorité d’entre elles, tout le monde tient à cette tradition quoiqu’il en coûte…

Une véritable économie parallèle

Une aubaine donc pour ces confectionneurs de gâteaux qui pullulent dans les quatre coins du pays. C’est une véritable économie parallèle qui est née à travers cette nouvelle tendance. Il y a certes, les vendeurs de gâteaux traditionnels qui ont ouvert des boutiques officielles où ils proposent ce type de gâteaux aux côtés de pains et confiseries «made in bladi». Néanmoins, la plupart de celles qui activent dans ce domaine le font au noir, chez elles, dans leur petite cuisine. C’est le cas de Faïza, une femme au foyer, dont le mari arrivait difficilement à boucler les fins de mois. Elle, qui est réputée pour être une cuisinière hors pair décide alors de monnayer son talent. «Au début, c’était pour arrondir les fins de mois, mais finalement, c’est devenu pour moi un métier qui me permet de vivre décemment», avoue cette dame qui est tellement «surbookée» qu’elle a arrêté de prendre les commandes dès la première semaine du Ramadhan. Il faut dire que cette activité est des plus lucratives. «La moyenne des commandes que je reçois en cette période de l’Aïd est de 5000 DA par personne», avoue de son côté, Fouzia, une autre «pâtissière à domicile». D’ailleurs, nous rencontrons sur place, Selma, une nouvelle mariée. Elle est venue passer commande pour, admet-elle, impressionner sa belle-famille. «Faut bien que le premier Aïd passe sans embûches», souligne-t-elle. Selma, commande une soixante de pièces de makrout ellouz, baklawa, aârayèche et halwate El Tabaà. Cette commande lui revient aux environs de 7000 DA, à raison de 70 DA la pièce. Néanmoins, ces tarifs qui varient en moyenne entre 50 et 100 DA la pièce, selon le type de gâteaux et les ingrédients choisis. Toutefois, l’endroit joue également un rôle! Car, dans les quartiers huppés de la capitale, ça va du simple au double.

Les reconvertis…

À Hydra, El Mouradia, Ben Aknoun, Chéraga, les tarifs oscillent entre 120 à 200 DA le gâteau. Les vendeurs de gâteaux de ces quartiers chics justifient ces prix exorbitants par la qualité de leurs gâteaux qui sont «faits à base d’ingrédients naturels et de qualité». «On utilise du vrai beurre, du vrai miel, du lait en brique et non celui en sachet, des amandes…», explique l’une d’entre elles qui met en évidence la renommée de ses gâteaux. Il faut dire que ces prix sont loin de refroidir les clientes qui prennent d’assaut les domiciles de ces dames pâtissières où elles y dépensent des fortunes. «Durant les fêtes de l’Aïd, ou l’été à la veille des mariages on a tellement de commandes que l’on est obligé de recruter des voisines qui viennent nous aider», avoue Saliha, qui pratique cette activité dans son domicile au niveau de Dély Brahim.

Cette activité est tellement devenue lucrative que des femmes ayant fait des études supérieures ont abandonné leurs confortables boulots dans de grandes entreprises pour se lancer dans ce domaine. C’est le cas de celle qui est connue sous le nom professionnel de «Besma Sanahilwa» qui avait commencé chez elle en prenant de petites commandes sur Internet avant de grandir très rapidement pour devenir une référence en la matière. Ce qui lui a permis d’ouvrir une grande école de pâtisserie au niveau de la commune de Rouiba (banlieue est d’Alger). Elle n’est pas la seule dans ce cas, certaines sont même allées faire des formations à l’étranger pour devenir de véritables professionnelles en la matière. «J’avais un travail stable et confortable dans un bureau, jusqu’à ce que je décide de tout plaquer pour devenir… pâtissière!», indique Amel, l’une de ces femmes qui sont en train de surfer sur cette vague. Comme pour la majorité des adeptes de ce nouveau type de pâtissier, ils travaillent à domicile en utilisant Internet et le téléphone pour prendre les commandes. «Ça ne s’arrête pas, je ne regrette pas d’avoir quitté mon emploi. Je fais ma passion et cela me rapporte beaucoup d’argent», assure Amel en avouant que juste durant cette période de l’Aïd, elle s’est faite 200.000 DA de chiffre d’affaires! «Ce n’est rien comparé à ce que je me fais pendant la période des mariages», conclut-elle avant de monter dans sa belle berline allemande…