Hôpital ou «mehchacha»?!

Hôpital ou «mehchacha»?!

En sus d’être une obligation morale et religieuse, rendre visite aux malades est une action vertueuse qui renforce les liens de fraternité et d’amitié. Mais, de là à suivre le mauvais exemple de Moussa le «Fellah», qui a fini par labourer le cimetière à force d’entendre les autres dire de lui que c’est un bon «fellah», les résultats nous seront renvoyés en plein dans la figure. Franchement, nos hôpitaux sont malades des visiteurs. Le respect des horaires des visites est le dernier de leur souci. Quand ils assaillent le malade alité, ils le laisseront ko après leur départ presque forcé, à la suite d’une grande insistance des surveillants et du personnel médical, contraints de leur dire, un à un, que le temps de la visite est largement dépassé.

On ne quitte jamais la salle sans invitation des surveillants. Et, en période de ramadan, les choses prennent des allures d’hôpital en folie. Après la rupture du jeûne, on décide ensemble, entre copains, en famille, de faire un tour à l’hôpital et rendre visite à un proche malade, provoquant un étouffant encombrement de la circulation dans les couloirs. Il faut vraiment se hisser sur la pointe des pieds pour chercher au-dessus des têtes entourant les lits des malades le patient que vous venez visiter pour la première fois. Sinon, il faut bien se renseigner sur le numéro de la chambre avant d’aller rendre visite au malade. Dans les soirées du ramadan, les visites aux malades sont tolérées. Et, bien sûr, des visiteurs sans pudeur profitent de cette indulgence des services hospitaliers pour transformer l’hôpital en véritable ‘mehchacha’.

C’est bien de se rappeler des malades, en ce mois sacré, leur donner un peu de chaleur conviviale en leur rendant visite, prier Dieu de leur apporter la guérison, mais de là à fouler aux pieds le respect dû à l’établissement qui exige « calme et silence », c’est un pas de trop. Certains visiteurs arrivent avec des pots de café et des cigarettes entre les mains, et les laissent derrière eux, bien sûr.

D’autres armés de sachets de nourritures, de plats préparés à la maison. Et tout le monde se retrouve autour du lit du malade, lui coupant les accès d’air. Et puis, on parle à haute voix, voire on s’engage dans des débats animés sur des sujets ramassés n’importe comment. Pas de repos pour les malades, semblent s’être mis d’accord les visiteurs. Parfois, on sent cette solidarité, cet attendrissement entre les gens qui agissent avec un grand cœur, sans connaître le malade ou ses proches, mais il leur manquera toujours ce tact, ce savoir-vivre, qui donnera ses droits à chaque espace, au café ses bruits et à l’hôpital son silence.