« Les Incas avaient des palais incrustés d’or et couverts de paille : emblème de bien des gouvernements. » Voltaire
Un drapeau algérien au milieu de la liesse de la Bastille -France) dimanche soir.
Il faut se reconnaître quelque part un chauvinisme si l’on dispose de l’antenne satellitaire et de ne pas suivre les péripéties du second tour des élections présidentielles se déroulant en France. Il n’existe pas de famille algérienne qui n’ait pas un parent, proche ou lointain, ayant une relation d’existence avec ce pays.
Je ne veux pas revenir ridiculement sur les cent trente années de colonisation. Ça fait non seulement vieux jeu mais ça risque de placer aussi sur cette interférence oiseuse du pardon sur les crimes commis par les anciens partisans de l’Algérie française. Dont, vous voyez déjà, appartenait le papa de François Hollande, jadis associé avec un élément influent de l’Organisation de l’armée secrète. Bref, vers les coups de dix-neuf heures- vingt heures dans l’Hexagone – je zappe entre la deux, la trois et Tv5. Les regards sont braqués à Paris, place de la Bastille, la Concorde et à la Mutualité, et à Tulle chef-lieu de département de la Corrèze. Des foules immenses, des centaines de journalistes locaux et étrangers et des observateurs du monde entiers.
D’un côté comme de l’autre une grande fête de triomphe se prépare. Depuis le début de l’après-midi, les sondages donnent un avantage appréciable pour le député de Corrèze. Le drapeau tricolore se dresse au bout des bras des supporters de la droite et des socialistes, des armoiries aussi fendues parmi les logos design et les slogans. Je discerne le drapeau belge et je me dis que les Wallons sont de la partie. Sauf que je n’ai pas remarqué dans l’ambiance pré festive si c’était dans la foule de la Bastille, de Tulle ou dans celle de la Mutualité pour voir s’ils vont applaudir le vainqueur de la droite ou des socialistes.
Mais soudain, distrait dans mes fourberies analeptiques concernant ce petit royaume qui a vécu presque deux années démuni de gouvernement sans problème de gestion particulier, mon fils me ramène énergiquement sur les images dans le petit écran en s’écriant, fixant du doigt sur le téléviseur un drapeau algérien, puis un autre un peu plus loin. Cette fois ma lucidité était claire, l’emblème au croissant et l’étoile est dressé flottant au-dessus des têtes attendant la victoire de François Hollande dans la place de la Bastille. Je n’ai pas fait attention si c’est une fille ou un garçon qui le cingle. Seulement ma pensée se met alors à devenir un peu vicieuse car je me pose presque sans réfléchir la question de savoir pourquoi donc il n’y avait pas aussi hissé un drapeau marocain ou tunisien.
Des communautés immigrées depuis des générations en masse dans ce pays, et dont les origines ont connu le protectorat, une formule plus snob de la colonisation, d’accord, mais qui prônent pourtant ouvertement la francophonie. Possible qu’elles se méfient du socialisme car le Maroc et la Tunisie depuis le recouvrement de leur indépendance n’ont jamais hésité à opter corps et âme pour le libéralisme. En revanche, point d’emblème manifestant leur présence parmi les porteurs de Nicolas Sarkozy. Comme saisissant ce qui se tramait de scabreux dans ma tête, mon fils, terminant son Droit, me dit presque sans rire : « Il y a toujours une chance au cours d’une compétition de sumo dans un village montagneux de l’archipel japonais, que tu puisses voir se hisser le drapeau algérien et d’entendre en même temps one, two, three… »
Mais il m’a donné plutôt l’occasion de me rappeler la Coupe du monde disputée au Stade France en 1998 entre la France de Zizou et le Brésil où des centaines de drapeaux algériens étaient levés des heures avant le début de la rencontre et longtemps après la victoire. Mon étudiant de houqouq s’en rappelle bien, il avait dix ans à cette époque. Mais après le discours de François Hollande qu’il me laisse écouter jusqu’à la fin, il me fait cette remarque qu’il ne voit pas les Algériens ou les Algériennes se manifester le drapeau en main dans les quartiers de la capitale pour soutenir les candidats du dix mai. Je profite pour lui poser la question de connaître s’il aille voter. Il me répond par une boutade de l’un de ses professeurs à la fac de Ben Aknoun : « Ce n’est pas sur des hommes ou des femmes qu’il faut voter dans la situation actuelle des choses en Algérie mais pour des prophètes, si ça se trouve. »
Nadir Bacha