Evolution de la situation économique et sociale en Algérie: La Banque Mondiale en “sentinelle”

Evolution de la situation économique et sociale en Algérie: La Banque Mondiale en “sentinelle”

L’Algérie continue d’être un grand importateur et un petit exportateur au grand bonheur des trafiquants et des spéculateurs, mais Tebboune promet de sévir.

Il existe un endroit à Alger qui échappe à l’autorité et même la défie bien qu’il soit au coeur de la ville, jugez-en, à quelques encablures du tribunal de Sidi-M’hamed, de la direction générale de la Sûreté nationale, des deux chambres du Parlement et en contrebas du Palais du gouvernement.

Le «Square» désignait autrefois le joli parc Bresson rebaptisé plus tard Port Saïd. Il abrite aujourd’hui la bourse informelle des valeurs mobilières animée par des hommes qui se nichent matin et soir sous les arcades des immeubles des alentours. Un marché noir de la devise devenu avec le temps une institution sans laquelle l’économie algérienne connaîtrait de fatals revers. Nul ne peut voyager à l’étranger, acheter un médicament manquant dans les pharmacies ou conclure une transaction à l’international sans passer par cette place financière hors la loi et ses nombreuses répliques dans le pays.

Ce besoin s’est accru et a flambé les cours depuis le coup d’arrêt donné à la convertibilité commerciale du dinar, lorsque, avec des calculs abscons, la Banque d’Algérie a considérablement compliqué la vie des entrepreneurs qui voudraient travailler avec l’extérieur.

Alors que très peu de sous enrichissent le pays en dehors des hydrocarbures, les exportateurs en particulier éprouvent toutes les difficultés pour faire circuler la monnaie de et vers l’Algérie. Et s’il commettent la moindre erreur dans le rapatriement de leurs capitaux, c’est la prison qui les attend à coup sûr.

Cette situation décourage bien entendu les candidats au commerce international et même les éventuels investisseurs étrangers qui voudraient s’installer en Algérie. L’argent est un besoin du quotidien. Les créanciers, les fournisseurs et les clients n’attendent pas des mois et des années pour conclure une affaire et encaisser leur dû. Ils veulent du cash le plus rapidement possible pour payer leurs charges et faire tourner leurs machines.

Et alors qu’il circule dans le reste du monde à la vitesse de la lumière, grâce à de puissants ordinateurs, l’argent emprunte chez nous des dédales souterrains, passe par des égouts comme une matière sale pour se déverser enfin dans des sacs poubelle. Aussi, l’économie nationale tend à ressembler à une grande épicerie; plutôt à un bazar où le fric est caché sous le tapis et transporté à dos d’âne.

Les détenteurs de capitaux n’ont que peu confiance dans les banques et les circuits légaux. Il est vrai que la richesse de certains sent le soufre, qu’elle échappe pour d’autres au fisc, à la jalousie et à la convoitise. Comme si Honoré de Balzac parlait de l’Algérie lorsqu’il proclamait: «Derrière chaque fortune se cache un crime.» Officiellement, le marché noir du change n’existe pas. Il est même interdit par la loi puisqu’il contrevient à la législation du pays.

Cependant, aucun responsable n’a osé s’y attaquer pour des raisons qui demeurent mystérieuses. Par contre, la création de bureaux de conversion agréés et réglementaires n’est pas autorisée. Pourquoi? eh bien juste parce que l’on craint que les réserves nationales de devises s’épuiseront rapidement. Celles-ci n’ont toutefois pas attendu l’ouverture des échoppes financières pour diminuer de volume.

Trois années de baisse des revenus pétroliers et gaziers ont suffi pour faire fondre le Fonds de régulation des recettes de près de la moitié parce que, justement, elles sont tirées à 95% de la vente du gaz et du pétrole.

Alors comment financer l’économie et augmenter sa performance? Il existe en Algérie de nombreux mécanismes qui peuvent, en principe, permettre aux porteurs de projets de lever des fonds et aisément financer leurs activités: de nombreuses banques publiques et privées, une Bourse, une Agence nationale du développement de l’investissement, une autre pour le soutien à l’emploi des jeunes, un Fonds spécial pour la promotion des exportations pour faire court. Tout cela en contrepartie d’un volume d’exportation hors hydrocarbures qui dépasse à peine le milliard de dollars par an alors que les importations étaient en 2016 de 47 milliards et risquent d’être du même ordre durant l’année en cours.

Cette malédiction ne peut être vaincue que par la réorientation de l’économie en fonction des besoins réels du pays et non par l’encouragement indirect de la spéculation drapée dans la magie des discours. Mais bon, Abdelmadjid Tebboune, avec la fougue qu’on lui connaît, promet de redresser le tort. Devant l’APN, il avait promis l’assainissement du climat des affaires, la facilitation de l’investissement en parallèle à une lutte sans merci contre la bureaucratie et l’informel. A le voir parler, l’homme paraît sérieusement engagé pour mener à grand train ces actions. Ceux qui le connaissent bien le comparent à un bulldozer lorsqu’il a un projet en tête.

Peut-être le verrions-nous un jour à la tête d’une escouade d’incorruptibles fonctionnaires à l’assaut des nids du vice économique et les repaires de l’informel. Il conduira, le regard farouche, l’index pointé au ciel, un «sus à l’ennemi du dinar» sous les youyous fusant des balcons et les hourras des supporters. Ce jour-là est attendu par tous ses compatriotes comme un doux et inaccessible rêve.