Emission d’une nouvelle monnaie : Ce qu’il faut savoir

Emission d’une nouvelle monnaie : Ce qu’il faut savoir

Le recours à une nouvelle monnaie ne va en aucun cas contribuer à la récupération de l’argent de l’informel, selon l’économiste Abdelkader Lamiri.

Il a laissé la classe politique sur sa faim. Le gouvernement ne s’est pas expliqué sur la revendication portant sur l’émission d’une nouvelle monnaie nationale. Alors que l’idée a été vivement soulevée par les députés et les sénateurs lors des débats sur le plan d’action du gouvernement et le projet modifiant et complétant la loi sur la monnaie et le crédit, l’Exécutif a fait l’impasse à deux reprises sur ce sujet qui anime le débat politique. Mardi dernier, le ministre des Finances, qui a été vivement interpellé par les sénateurs lors de l’examen du projet portant sur le financement non conventionnel, n’a pas soufflé mot. Abderrahmane Raouïa comme le Premier ministre, Ahmed Ouyahia ont cultivé le flou sur cette question. Pourquoi ce silence? Est-il facile de changer une monnaie nationale? Cette option va-t-elle régler le problème? L’économiste Abdelkader Lamiri avertit sur le recours à une nouvelle monnaie nationale.«Les gens ne connaissent pas le problème monétaire, cela va créer la pagaille», a-t-il affirmé en précisant que le financement non conventionnel a accentué les inquiétudes.

Contacté par nos soins, cet expert en économie explique que la monnaie est avant tout un rapport de confiance entre le citoyen et l’Etat. Selon lui, cette question dépasse les prérogatives du gouvernement, elle est du ressort de la Banque d’Algérie qui dépend du président de la République. Tout en mentionnant qu’il s’agit bien d’une question de souveraineté, Lamiri estime qu’on ne peut pas s’aventurer dans cette expérience en ces moments de crise. Il a rappelé que l’ancien ministre des Finances Boualem Benhamouda a essayé d’introduire une nouvelle monnaie en 1994, mais un virage a été opéré à 180 degrés pour annuler cette décision. Notre interlocuteur soutient que «cette question engage un débat très sérieux et qu’il ne faut jouer avec le feu». Aiguisant ses arguments, Lamiri explique que le changement d’une monnaie peut provoquer un climat de psychose chez les citoyens en accélérant davantage la dévaluation du dinar. Contrairement à ce que pensent les politiques, ce spécialiste en questions économiques assure que le recours à une nouvelle monnaie ne va en aucun cas contribuer à la récupération de l’argent de l’informel. «Les gens préfèrent acheter des biens ou convertir le dinar en devises que de le mettre dans des banques», a-t-il appuyé en guise d’argument tout en précisant que cette démarche risque d’enflammer la bourse de la devise. Pour éviter la chute de la valeur du dinar, cet ancien ministre insiste sur la productivité et la rupture avec la culture de la rente. «Il faut rassurer les citoyens et les inciter à travailler davantage», a-t-il affirmé en précisant que la solution réside dans la diversification de l’économie nationale. Il y a lieu de rappeler que l’idée d’une nouvelle monnaie nationale, proposée par le parti d’El-Moustakbel de Abdelaziz Belaid, capte davantage l’intérêt des politiques. Des représentants de différentes formations politiques, dont celle de la coalition, soutiennent cette idée. Mustapha Djaghdali, sénateur du FLN reste convaincu que l’émission d’une nouvelle monnaie nationale est la seule solution pour récupérer l’argent de l’informel. «Toutes les tentatives menées pour récupérer l’argent de l’informel ont été vouées à l’échec», a affirmé le sénateur du RND Reda Oussehla qui a appelé le gouvernement à adopter une nouvelle monnaie nationale. Des députés ont également présenté cette option comme une solution pour sortir de la crise. «Devant les sommes importantes d’argent qui circulent dans l’informel estimées à des milliards de dollars, le changement de la monnaie nationale s’impose pour maîtriser la masse financière», ont-ils plaidé lors des débats sur le plan d’action du gouvernement et même du projet sur la monnaie et le crédit.