Climat des affaires: L’implacable agonie des entreprises

Climat des affaires: L’implacable agonie des entreprises

Dans un environnement très hostile, l’entreprise algérienne se débat pour exister, puis résister aux divers obstacles qui veulent sa mort. Voici les chiffres qui le prouvent.

En 2016, près de 144.000 nouvelles entreprises algériennes ont été créées, mais environ 99.000 sont mortes dont 94.000 au berceau. Cette hécatombe a particulièrement touché les affaires appartenant à des personnes physiques. Les personnes morales, c’est-à-dire l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, les associations, les sociétés, ont perdu 7700 unités, dont 7660 de création récente, sur les 16.200 écloses, la même année. Par simple addition, on comptabilise donc 161.000 nouvelles entreprises pour 106.000 disparues dont 101.000 enregistrées récemment. Ces taux de décès cumulés représentent 30% de l’ensemble des entreprises du pays; une proportion importante au regard de la taille du marché algérien, de ses besoins, mais aussi de sa superficie et des richesses naturelles qu’il recèle. Le coup devient plus douloureux lorsqu’on sait que le pays importe une grande partie de sa nourriture pour l’équivalent de 6 milliards de dollars par an et dépense énormément en devises pour acquérir d’autres nécessités qui peuvent facilement être fabriquées ici. Avec un taux de radiation de 45,5%, ce sont les activités de distribution au détail détenues par des personnes physiques qui ont le plus pâti en 2016; sans doute par l’effet conjugué de l’inflation et de la cherté de la vie. Les sociétés de services inscrites sous le même régime ont, elles aussi, bu la tasse. Quelque 38% d’entres elles ont mis la clé sous le paillasson, contre près de 12% pour les producteurs de biens et 3,5% pour les distributeurs de gros.

En revanche, le nombre des importateurs individuels qui pratiquent la revente en l’état n’a baissé que de 0,1%. L’artisanat s’est également bien maintenu, perdant seulement 0,25% de ses entreprises.

Quant aux personnes morales, la moitié de leur radiation a eu lieu dans les secteurs de la production des biens (26%) et de l’importation pour la revente en l’état (24%). C’est cependant les services qui ont été le plus touchés (29%).

La distribution de détail et de gros ont, pour leur part, perdu chacune 10% de leurs commerces. L’artisanat s’en est sorti là aussi beaucoup mieux avec 1% seulement des cessations.

En regardant de plus près, on observe que 51% des radiations demandées par les personnes physiques ont concerné les activités de production, de fabrication, de transformation liées à la construction et aux installations thermiques. Ce chiffre tombe à 20% dans le domaine de l’agriculture, la sylviculture, l’engraissement industriel du bétail et de la volaille ainsi que dans l’accouvage et la pêche industrielle. La fabrication et la transformation alimentaires ont dissuadé plus de 10% des entrepreneurs à poursuivre le travail, contre 8% chez les métallurgistes. En ce qui concerne les personnes morales, les radiations se sont chiffrées à 44% (construction et BTP), 13% (agriculture et élevage), 8% (métallurgie) et 8% (fabrication alimentaire). Ces pertes ont été bien sûr compensées par de nouvelles créations à peu près du même ordre, mais la dynamique paraît stagner à un seuil qui démontre que l’esprit d’entreprise en Algérie est plutôt morose. Les spécialistes incriminent en premier la bureaucratie qui pollue le climat des affaires, le poids de la fiscalité et la difficulté d’accéder aux crédits pour les petites et moyennes entreprises. Ils pointent également du doigt la concurrence déloyale, les passe-droits et les traitements de faveur induits par la corruption et le népotisme. Cette atmosphère hostile découragerait même les pionniers les plus déterminés et prive le pays de richesses qui pourraient rapidement croître et multiplier, si on libérait les énergies, regrettent les experts. Par ailleurs, l’implication outrancière de l’Etat dans les affaires, l’instabilité qui ébranle souvent l’édifice juridique du pays ont fini, estiment des connaisseurs, par gripper la machine à produire. La crise actuelle illustre parfaitement leurs propos et justifie leurs inquiétudes que l’on espère passagères.

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