Anomalies dans les comptes financiers, opacité et chute des exportations du GNL: La face cachée de la gestion de Sonatrach

Anomalies dans les comptes financiers, opacité et chute des exportations du GNL: La face cachée de la gestion de Sonatrach

Le manque de transparence mène la compagnie nationale vers des choix guère judicieux, des contre-performances et véhicule une mauvaise image auprès du grand public.

Depuis le scandale de 2010, Sonatrach enregistre un recul de ses performances. En l’occurrence, elle était dans les années 2000 à la 3e ou 4e place dans les exportations de GNL. Elle passe à la septième place actuellement. Elle est dépassée, notamment, par les compagnies d’Australie, du Nigeria et Trinité-et-Tobago. L’indice le plus frappant de cette régression est la chute des exportations de GNL. Elle exportait entre 27 et 30 milliards de mètres cubes annuellement dans les années 2000, elle n’a pu placer en 2016 que 16 milliards de mètres cubes.

À la source de cette chute du GNL, le vieillissement des complexes de GNL d’Arzew GL1 Z et GL 2 Z qui avaient une capacité de 20 milliards de mètres cubes/an et le grand retard accumulé dans la réalisation de nouvelles installations de liquéfaction de gaz pour remplacer ces deux complexes.

Or, au lieu de réaliser cet investissement, Sonatrach a opté après plusieurs années d’hésitation, pour la réhabilitation de ces complexes. Une mesure guère judicieuse, soutient un spécialiste du GNL.

“La réhabilitation des deux complexes GL1 Z et GL 2 Z n’est pas opportune dans le sens où ces deux usines sont en exploitation depuis plus de 35 ans, un taux d’autoconsommation dépassant les 20%. Depuis quelques années, les complexes en question ne produisent que 55% de leurs capacités nominales car il y a un vrai problème concernant les échangeurs principaux (qui représentent le cœur du procédé de liquéfaction d’un certain nombre de trains et de certains équipements stratégiques d’où la difficulté de revamping/rénovation) avec toute la logistique à mettre en place et la difficulté de le faire à chaud car on ne peut pas se permettre d’arrêter complètement les usines (il faut continuer à honorer les contrats de vente) d’où un montant important qui devra être dégagé avec des délais plus longs (48 mois). En clair rien ne justifie ce revamping car il est presque impossible de faire durer ces deux complexes pour environ 20 /25 ans.”

La polémique avec Engie sur l’approvisionnement gazier de la France a pour source, entre autres, les difficultés de production de ces deux complexes de GNL.

“Il est préférable, ajoute le spécialiste, de procéder à l’extension en premier lieu du complexe GL1 3 Z où les études de base ont déjà été menées. Il suffit de dupliquer les équipements, ce qui réduira les délais de réalisation. Le coût de l’extension dépassera le coût du revamping en question (une différence de coût entre 1,5 et 1,8 milliard de dollars) mais là il faut voir sur le long terme, il est certain que Sonatrach sera gagnante à cet horizon.”

Ces choix guère judicieux s’accompagnent de manque de transparence, voire d’opacité totale. Pour preuve, le changement de 5 P-DG en 7 ans sans que soient justifiées les nouvelles nominations. En principe, un P-DG est lié à l’État par un contrat de performance. Il est remplacé lorsque les objectifs ne sont pas atteints. Cette logique qui doit présider s’agissant d’une compagnie pétrolière internationale et qui, de surcroît, assure 60% de la fiscalité et 98% des réserves en devises du pays, est absente. Les critères de choix du P-DG de Sonatrach restent opaques. Le politique prédomine dans les choix des dirigeants de Sonatrach. Comment voulez- vous que le patron de Sonatrach soit préoccupé par la nécessité de transparence, de rendre Sonatrach une maison en verre pour les contribuables.

Cette prédominance de la politique sur l’économique a pour conséquence l’insuffisante transparence sur sa gestion. Pour s’en rendre compte, il suffit de lorgner côté rapports financiers de Sonatrach.

“J’ai lu plusieurs rapports financiers de Sonatrach, j’ai constaté, en premier lieu, que les rapports financiers annuels ne sont pas signés par un commissaire aux comptes comme cela se pratique dans le monde. En second lieu, les charges contenues dans le résultat d’exploitation sont en progression continue et cela dure depuis 2005. En troisième lieu, la méthode comptable utilisée pour la dotation aux amortissements et aux provisions pour l’exercice 2014 et 2013 est incompréhensible. En quatrième lieu, depuis l’année 2011, le rapport financier de Sonatrach a été toujours publié avec un retard de deux années. Nous sommes au mois de mai 2017 et la Sonatrach n’a pas encore publié son rapport de 2015. Ce document est publié dans un délai de 90 jours dans les pays à économie de marché, les entreprises étatiques de nos voisins marocains comme OCP et tunisien comme la société publique des télécommunications respectent les normes”, observe Noureddine Leghliel, analyste financier, spécialiste des marchés pétroliers.

Selon une autre source, il existe deux rapports financiers à Sonatrach, l’un aux normes pour les compagnies étrangères, l’autre moins détaillé destiné à la consommation locale. Si tel est le cas, cela constitue une autre anomalie.

En conclusion, tout cela invite à accorder plus d’autonomie au P-DG de Sonatrach tout en liant sa relation avec le propriétaire, à savoir l’État par un contrat de performance. Cette compagnie étant la propriété de tous les Algériens, il convient de briser cet enclavement par rapport à la société algérienne et d’assurer une plus grande transparence sur ses activités, si on veut éviter de nouveaux scandales comparables à celui de 2010.