Alors que des hommes politiques se sont exprimés sur l’affaire “Tebboune-Haddad”: Le silence intrigant d’Ouyahia

Alors que des hommes politiques se sont exprimés sur l’affaire “Tebboune-Haddad”: Le silence intrigant d’Ouyahia

Il a pourtant coutume de ne pas se dérober lorsqu’il s’agit de commenter un événement, de réagir à des décisions ou comme il l’a fait encore récemment, de façon bruyante, de prendre position sur le dossier sensible des migrants qui n’a pas manqué, d’ailleurs, de provoquer très vite un tollé au sein de l’opinion.

Lorsqu’en décembre dernier, par exemple, on l’interroge, après le fiasco du Forum africain d’investissements et d’affaires et l’incident provoqué par le patron du FCE, il n’hésite pas à afficher ostensiblement ses “amitiés”. “Ali Haddad est un ami, et restera un ami. Je ne suis pas du genre à suivre la direction du vent.” Mais depuis l’éclatement de “l’affaire” “Haddad-Tebboune”, largement commentée dans la presse, Ahmed Ouyahia, dont le parti, avec sa centaine de parlementaires, constitue la deuxième béquille du pouvoir, s’est muré dans un silence, pour le moins abyssal.

Aucun communiqué du parti, ni prise de position publique fût-elle, comme cela se fait d’ordinaire, de la part de ses lieutenants. Et toute la classe politique dans ses diverses tendances et divers courants s’est exprimé sur “l’affaire”, y compris Djamel Ould Abbes.

Seul le chef de cabinet du président de la République et de surcroît secrétaire général du RND, ne l’a pas fait. Ce silence, par trop éloquent, trahit sans aucun doute un certain malaise chez celui auquel beaucoup prêtent des ambitions présidentielles. Car il faut le dire : depuis la nomination d’Abdelmadjid Tebboune et l’épisode rocambolesque de la désignation du ministre du Tourisme, deux jours seulement avant d’être débarqué, Ahmed Ouyahia affiche une espèce de prudence qui tranche singulièrement avec l’assurance et le ton de fermeté qu’on lui connaît.

Alors que la logique voudrait, par discipline partisane et par souci de cohésion, qu’on appuie la démarche gouvernementale en toute circonstance, tant que son parti en fait partie, Ahmed Ouyahia a préféré tourner le dos aux péripéties qui ont suivi l’incident de l’École des assurances.

Il est vrai qu’en face de Tebboune, il y a… deux “amis”, en l’occurrence Abdelmadjid Sidi-Saïd et Ali Haddad. Mais est-ce un motif suffisant pour justifier ce silence, surtout qu’Ouyahia ne rate aucune occasion pour réitérer son soutien au… programme du Président, ce programme que… Tebboune applique ? Ahmed Ouyahia serait-il, lui aussi, hostile à Tebboune, surtout que celui-ci, dès la présentation de son plan d’action, n’a pas hésité à descendre en flammes l’ex-ministre de l’Industrie et des Mines, bras droit d’Ouyahia, en l’occurrence Abdeslam Bouchouareb ? Possible.

Mais l’attitude d’Ouyahia révèle surtout le cafouillage en ce moment au sommet de l’État et incarne les paradoxes et les contradictions qui les minent. La complicité ostentatoire affichée par le frère du Président avec Ali Haddad lors de l’enterrement de Rédha Malek, et qui a enflammé la Toile, exprime un franc désaveu à Abdelmadjid Tebboune, lequel, pourtant, semblait avoir eu le feu vert des “hautes autorités” pour imprimer une nouvelle dynamique à l’action gouvernementale.

Tout se passe comme s’il y avait un “grincement” dans la chaîne… de décision, celle déjà évoquée par le groupe des “19”. Et Ahmed Ouyahia, pour qui la Présidentielle est la “rencontre d’un homme avec son destin”, ne veut probablement pas griller toutes ses cartes, à moins de deux ans de la présidentielle. Surtout qu’il a dû décrypter, à sa juste valeur, le message du maintien, en nombre réduit, de certains de ses ministres au gouvernement.

Et si l’on ajoute sa sortie fracassante contre le phénomène des migrants sur lequel le RCD vient de faire des accusations “gravissimes” en imputant à certains cercles du pouvoir de disperser ces migrants dans les villes pour susciter un rejet chez la population, autant dire que le silence d’Ouyahia dans cette “affaire Haddad-Tebboune” est loin d’être fortuit.

Karim Kebir