Allemands, Chinois, Britanniques, Turcs et Indonésiens en force dans plusieurs créneaux d’investissement : Les puissants en Algérie

Allemands, Chinois, Britanniques, Turcs et Indonésiens en force dans plusieurs créneaux d’investissement : Les puissants en Algérie

Un seul projet gigantesque n’a pas connu de concrétisation. Il s’agit de l’usine de vapocraquage d’éthane qui devait être réalisée avec le français Total.

La scène économique nationale, bien que «sonnée» par l’annonce du financement non conventionnel, n’en n’est pas moins convoitée par de nombreux partenaires étrangers. Les dernières manifestations organisées par les Allemands, hier, et des Sud-Coréens aujourd’hui, à Alger même, en sus des déplacements réguliers des ambassadeurs accrédités en Algérie aux quatre coins du pays, illustrent l’intérêt que semblent éprouver beaucoup de grandes nations pour l’économie nationale. En fait, les difficultés financières que traverse l’Algérie depuis la chute des prix du pétrole n’a pas affecté l’attractivité du pays qui enregistre, faut-il le rappeler, quelques grands investissements depuis, justement la chute des prix du pétrole et avant l’institution de la fameuse règle des 51/49% pour tout investissement étranger. On en a pour preuve qu’entre 2009 et 2017, l’Algérie a été destinataire de nombreux projets, dont le très important investissement qatari dans la sidérurgie, à Bellara, la mega usine de turbines à gaz avec l’américain, Général Electric, le grand port-centre, avec un leader chinois des travaux publics, le redémarrage du complexe textile de Relizane avec les Turcs. Autant de grandes réalisations stratégiques, devant aboutir à la diversification de l’économie nationale et une sensible réduction de la dépendance aux importations. Compte tenu de la lourdeur des chantiers engagés, l’ensemble de ces projets sera en totalité opérationnel autour de 2020. C’est le cas pour le complexe textile ou des turbines à gaz. Le mégaprojet de Bellara, lui, entrera en production, dés l’année prochaine, avec une montée en cadence pour être à un niveau optimal de production, vers 2021.

Toutes ces réalisations sont le fruit d’un partenariat stratégique engagé par l’Algérie avec de grands groupes étrangers, lesquels ont certainement obtenu l’aval de leurs gouvernements, au vu de l’importance des investissements consentis. Dans le lot, un seul projet gigantesque n’a pas connu de concrétisation. Il s’agit de l’usine de vapocraquage d’éthane qui devait être réalisée avec le français Total.

L’intérêt de grands pays pour l’Algérie ne s’est pas arrêté à ces quelques investissements. La plupart des gouvernements qui ont enclenché un processus de coopération avec l’Algérie, ont élargi leur champ d’intervention. Ainsi, les Américains y prospectent sérieusement pour lancer le quatrième pôle de biotechnologie. Le chantier avance bien et l’on s’attend à une annonce officielle dans le courant de l’année prochaine.

Total, le grand petit absent

D’autres mégaprojets américains, dans l’agriculture intensive notamment, ont déjà connu un début de concrétisation. Il s’agit de gigantesques fermes de plusieurs dizaines de milliers d’hectares à El Bayedh et à Adrar, dédiées à la céréaliculture, aux cultures maraîchères et surtout la production de lait et de viande bovine. Pas moins de 10.000 vaches laitières et presque autant de bovins y seront élevés, avec l’objectif d’autosuffisance en lait et en viande rouge à l’horizon 2020.L’agriculture intensive n’est pas le seul apanage des Américains. Des opérateurs chinois et britanniques ont investi le créneau et proposent la réalisation d’exploitations agricoles selon le même modèle. Les Chinois, qui bénéficient d’une longue tradition de partenariat, financent et réalisent le port-centre. Un ouvrage stratégique qui fera de l’Algérie la porte effective du continent africain. Relié à l’autoroute Est-Ouest et à la route de l’Unité africaine, le port qui coûtera près de 5 milliards de dollars, finira par arrimer toute l’Afrique à la rive nord de la Méditerranée. Ces mêmes Chinois exploiteront le très fameux site de minerai de fer de Ghar Djebilet, apportant, à terme, un excédent extraordinaire tant, en produit, qu’en argent frais dans les caisses de l’Etat. Les Chinois ont pris exemple sur les Indonésiens qui ont engagé deux de leurs grandes entreprises publiques dans un autre megaprojet, lourd de quelque 4,5 milliards de dollars dans l’extraction, l’exploitation et la transformation du phosphate. Un autre «rêve» qui s’est matérialisé, à travers la signature des contrats en rapport avec ce projet. L’objectif qui a été assigné consiste en une entrée en production aux alentours de 2022. Là aussi, il s’agit d’une immense avancée dans le partenariat gagnant-gagnant que le gouvernement a conclu avec une multitude de pays, visiblement séduits par les opportunités d’affaires qu’offre l’Algérie.

Tous ces projets structurants ont tous été initiés dans le cadre de la règle des 51/49%. C’est-à-dire que les capitaux et les bénéfices sont à 51% algériens. Dans la majorité des contrats, le partenaire étranger est lié à des entreprises publiques, mais dans quelques gros projets, à l’image des exploitations agricoles, ce sont des privés nationaux qui représentent la partie algérienne.

Deuxième fournisseur et petit partenaire

Dans l’industrie mécanique, autre préoccupation stratégique du gouvernement, les Allemands n’ont pas l’intention de faire dans la demi-mesure. Déléguant leur grosse cylindrée, Volkswagen, ils ambitionnent de faire de leur usine à Relizane, un pied à terre africain pour leur savoir-faire. Dans la sous-traitance, l’ingénierie mécanique et autres technologies, les Allemands sont en Algérie depuis plusieurs années, à travers Mercedes-Benz qui fabrique des boïtes de vitesse en Algérie.

Dans la série des grands projets réalisés ou en voie de l’être, ce qui compte comme puissance économique dans le monde y a mis son empreinte, à l’exception de la France qui s’est contentée de «petites» usines, certes importantes pour ce qui est de la création d’emplois et d’activités, mais tout de même très loin des ambitions affichées par les autres partenaires de l’Algérie. Régulièrement «enrhumées» pour des considérations de politique intérieure française, les relations économiques entre Paris et Alger restent, faut-il le souligner, assez modestes, en tout cas très en deçà des souhaits des officiels des deux pays. Absente de la sidérurgie, de l’agriculture, de l’énergie, du textile et une présence presque symbolique dans l’industrie mécanique, la France fait mine d’un petit partenaire de l’Algérie, même si elle reste commercialement très présente. Deuxième fournisseur de l’Algérie, l’Hexagone est dans une logique de relations à sens unique. Mais cette attitude ne saurait durer et des experts français estiment que ce pays perdra toute influence, même commerciale, dans les cinq à dix ans à venir. Le fameux partenariat stratégique et le Haut Comité intergouvernemental de coopération qui se réunira en décembre prochain à Paris semblent faire de la figuration à voir ce qui se réalise entre l’Algérie et d’autres pays.

Saïd BOUCETTA