Algérie-France: Emmanuel Macron veut «réconcilier les mémoires»

Algérie-France: Emmanuel Macron veut «réconcilier les mémoires»

Le candidat d’En Marche ! s’exprime sur sa vision de l’histoire dans un long entretien au mensuel L’Histoire, qui publie un numéro hors-série, tout entier consacré à « la grande querelle de l’histoire de France ».

Sur la colonisation ou la culture française, Emmanuel Macron s’était un peu pris les pieds dans le tapis. Plus intello que politique, l’élève du philosophe Paul Ricœur avait besoin d’une séance de rattrapage, que vient de lui offrir le magazine L’Histoire. Le candidat d’En Marche ! y revient longuement sur les polémiques provoquées par ses déclarations faites à Alger le 15 février, quand il parlait de « crimes contre l’humanité » à propos de la colonisation française. Dans un entretien de quatre pages, Emmanuel Macron reconnaît que son point de vue « n’a pas été compris de ceux qui se sont sentis englobés par ce terme », alors que « beaucoup d’historiens », comme Benjamin Stora ou Henry Rousso l’ont défendu.

« Lorsque je parle de crime contre l’humanité à propos de la colonisation, je ne traite pas de criminels ceux qui ont vécu dans ce cadre et, plus tard, en ont souffert dans leur chair, notamment les harkis et les pieds-noirs. Je ne parle pas non plus des soldats appelés en Algérie », précise-t-il. « Mais, ajoute-t-il, la racine du phénomène colonial est mauvaise. Elle se nourrit du massacre et du malheur. » Citant l’anticolonialiste Clemenceau, Macron explique qu’« en Algérie, il a fallu soixante-dix ans de guerre et de massacres pour imposer la présence française », puis des « exactions ont été commises par certains » durant la guerre d’Algérie. « Ces souffrances ont été longtemps tues, mais elles sont encore vivantes dans la mémoire des peuples colonisés, y compris chez ceux qui ont reçu cette souffrance en héritage bien que nés en France. »

Né en 1977, quinze ans après la fin de la guerre d’Algérie, Emmanuel Macron assure être « d’une génération qui n’a, d’un point de vue historique, ni totems ni tabous ». S’il parle de « crime contre l’humanité », non en termes juridiques mais d’un point de vue historique, le candidat d’En Marche ! « dit et redit que dans les colonies ont vécu des gens qui faisaient le bien, qui donnaient autour d’eux ce que la civilisation a de meilleur ». En novembre dernier, il expliquait déjà qu’aux côtés « des éléments de barbarie » en Algérie française, il y avait eu « des éléments de civilisation » comme « l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes ». Et de conclure : « Instrumentaliser les mémoires dans l’arène politique n’est pas raisonnable. Je souhaite réconcilier les mémoires, non les opposer. »

Emmanuel Macron revient également sur ses récents propos, le 4 février à Lyon : « Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. » « Notre culture s’honore d’être le fruit d’un syncrétisme, c’est pourquoi j’ai dit qu’il n’y avait pas une culture française », explique-t-il. Celle-ci « ne s’est jamais construite dans la poursuite imaginaire de racines populaires définissant une culture nationale – contrairement par exemple à ce que firent les Allemands de Herder à Heidegger – mais dans l’ouverture au grand large, dans la confrontation avec l’ailleurs ». Comme Ernest Renan en son temps, le candidat d’En Marche ! rejette la vision « ethnique » de la nation, qui était alors celle des penseurs allemands. Si l’ancien élève du philosophe Paul Ricœur plaide pour le « retour au récit national », c’est « en retrouvant dans cette histoire le sens de la complexité ». Une complexité intellectuelle qui, semble-t-il découvrir, ne fait pas toujours bon ménage avec les polémiques propres à toute campagne présidentielle.