Depuis le dernier séisme du 1er août et l’effritement du vieux bâti datant de l’époque coloniale, le projet de la construction d’une nouvelle capitale a été une nouvelle fois relancé.
C’est bientôt la rentrée scolaire, relançant les longues files de la circulation et une asphyxie totale des administrations et des quartiers de la capitale.
Alger étouffe, le temps est venu de créer une nouvelle capitale. Il y a quelques années déjà, le professeur en génie parasismique Abdelkrim Chelghoum, avait alerté les hauts responsables en évoquant un tremblement de terre de magnitude 7 sur l’échelle de Richter qui frapperait dans la baie d’Alger (8 kilomètres de Aïn Bénian), à minuit, détruirait environ 100.000 immeubles et ferait 67.320 victimes (sans compter les blessés). Un tremblement d’une telle puissance pourrait décapiter les principaux centres de décision du pays, laissant l’Algérie sans pouvoir et sans commandement. Les bâtiments, abritant ces institutions, ne résisteraient pas aux fortes secousses telluriques d’où la nécessité de créer une nouvelle capitale.
Depuis l’Indépendance, plusieurs projets de créer une nouvelle capitale avaient été étudiés. L’idée de créer une nouvelle capitale avait été lancée la première fois, par l’ancien président du Gpra Ferhat Abbas en 1961. A l’époque, il avait évoqué le projet d’une capitale entre Aïn Bessem et Bouira. Mais le projet avait été très vite enterré, surtout que le président Ben Bella ne voulait pas d’une nouvelle capitale, considérant qu’Alger avait l’apparence d’une capitale européenne. Mais dès l’arrivée de Boumediene et notamment après l’exode rural et l’arrivée en masse de plusieurs milliers d’Algériens sur la capitale dans les années 1970, le projet d’une nouvelle capitale était évoqué de nouveau. Boumediene, en tant que fin tacticien militaire voulait éloigner la capitale des côtes, en cas d’une guerre et créer une capitale à l’intérieur du pays à 100 km.
La ville de Boughzoul, candidate pour suppléer Alger
Le président voulait construire une nouvelle ville et installer les principaux ministères, gardant Alger, seulement comme capitale économique et culturelle à l’image de Rabat et Casablanca au Maroc. Le président avait reçu plusieurs propositions de villes déjà existantes, mais un seul projet avait retenu son intérêt. Celui de la ville de Boughzoul. Une ville qui est située au coeur du pays entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud et qui a donné du rêve à plusieurs ministres et urbanistes. Mais Boumediene n’a pas eu le temps de concrétiser son projet, celui de la nouvelle capitale qui est reporté sine dine.
Durant le mandat de Chadli, le projet a été évoqué à plusieurs reprises mais jamais sérieusement discuté. Le premier responsable a avoir relancé ce projet, fut Chérif Rahmani en 1999, alors qu’il était gouverneur du Grand-Alger. Le ministre avait l’ambition de faire d’Alger un pôle touristique et économique, pour cela, il était conscient qu’il fallait désengranger la capitale. Le projet de réalisation de la ville nouvelle des Hauts-Plateaux, Boughezoul, à cheval entre les wilayas de Médéa, Djelfa et M’sila, refait alors surface. Mais le super ministre qui est originaire de Djelfa et qui connaît assez bien le projet, n’avait pas assez de temps de mettre en place des urbanistes et monter un projet à la hauteur d’une grande capitale, puisqu’il quitta le GGA, quelques mois après cette annonce.
En 2002, Ricardo Bofill, un architecte espagnol de 61 ans, l’une des importantes références urbanistiques dans les milieux gouvernementaux, est invité par le président Bouteflika pour superviser le projet de la nouvelle capitale algérienne. Le président Bouteflika très séduit par le style architectural de cet espagnol original, lorsqu’il a assisté au sommet Euro-Méditerranée de Séville souhaitait bénéficier de son expertise pour superviser le grand projet de la nouvelle capitale algérienne «Algeria», qui devrait suppléer l’actuelle Alger et qui n’est autre que le projet de nouvelle ville de Boughezoul.
L’architecte de renommée mondiale devrait ainsi se voir attribuer le projet global, avec l’aide des ministères concernés, dont celui de l’Aménagement du territoire et l’Environnement, l’Intérieur et les Collectivités locales ainsi que l’Habitat. Le projet défendu par Chérif Rahmani a été relancé par la présidence de la République. Bouteflika voulant donner à «Algeria» une dimension internationale, qui n’a pas d’équivalent dans le monde, à l’image de la nouvelle capitale brésilienne, Brasilia, construit par Nemeyer, qui lui-même, construit les universités de Bab Ezzouar et Constantine.
Mais une nouvelle fois, le projet est reporté faute d’accord sur les fiches techniques et les budgets de réalisation. Mais le séisme de Boumerdès de 2003 a une nouvelle fois plongé le gouvernement dans une autre crise de logement, il était donc indécent de construire des ministères à coups de milliards de dollars, alors que des Algériens vivaient dans des chalets. Suite à l’adoption de la loi n° 02-08 du 8 mai 2002 relative aux conditions de création des villes nouvelles et de leur aménagement, un décret exécutif portant création de la ville nouvelle de Boughezoul a été approuvé par le gouvernement le 29 octobre 2003.
Une capitale administrative à l’image de Brasilia ou Yamoussoukro
Mais Chérif Rahmani, qui est urbaniste de profession, a dépoussiéré le projet, il le relance en 2005, alors qu’il est ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Il déclare que la ville nouvelle se fera, selon lui, autour du lac et viendrait en réponse aux pressions urbaines de la frange nord de l’Algérie. Elle est située sur les territoires des communes de Boughezoul et Aïn Oussera. Pour le ministre de l’Aménagement du territoire, le gouvernement aura deux options quant à l’avenir de la future ville de Boughezoul, pressentie pendant des années comme étant la nouvelle capitale algérienne. Face à la poussée démographique dont souffre le nord du pays qui se trouve aujourd’hui au bord de l’asphyxie. Le ministre Chérif Rahmani, maître d’oeuvre du projet a précisé que l’Algérie a réalisé en trente ans, 600 regroupements urbains, 300 zones d’habitations urbaines nouvelles (Zhun) et 30 villes nouvelles, sans l’établissement au préalable de plans d’urbanisme. La nouvelle ville de Boughezoul devra être reliée à Alger par une autoroute et une ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV).
Le gouvernement projette aussi de réaliser une nouvelle autoroute des Hauts-Plateaux dans les prochaines années. Mais en octobre 2010 devant les députés, le ministre des Relations avec le Parlement, Mahmoud Khedri, annonce au nom du Premier ministre, qu’il n’y avait aucun projet de transfert de la capitale pour le moment. «La wilaya d’Alger demeurera la capitale» du pays, a-t-il précisé. Le dossier de la ville nouvelle de Boughezzoul, calqué sur le modèle brésilien de Brasilia, est ainsi refermé. Avec environ 6727.806 habitants en 2010, suivant le classement des 100 plus grandes villes du monde par World Gazetteeret 6488.795 habitants selon Population Data, Alger est la première agglomération du Maghreb, alors qu’à la base c’était une ville conçue pour 800.000 habitants seulement. Un nouveau classement vient une nouvelle fois offrir un mauvais point pour Alger., puisque la capitale est classée à la 135e place sur 140 dans le classement de L’Index de vivabilité 2014, établi chaque année par The Economist Intelligence Unit.
Alger qui est située à 1h30 de l’Europe, se retrouve dépassée dans le classement par des capitales africaines au niveau de vie beaucoup moins élevé, comme Abidjan classée 131e, Douala 133e ou encore Harrare classée 13. Il est donc plus que jamais urgent de penser à relancer le projet de nouvelle capitale, à l’image de Brasilia et Yamoussoukro, la nouvelle capitale administrative de la Côte d’Ivoire, pour permettre aux Algériens de respirer et surtout de s’adapter au mode des nouvelles formes d’urbanisme et de bien-être.