Akli Moussouni, expert en développement,à l’Expression: “La tripartite a assumé le rôle de stabilisateur”

Akli Moussouni, expert en développement,à l’Expression: “La tripartite a assumé le rôle de stabilisateur”

L’expert en développement Akli Moussouni fait le constat de l’économie nationale en abondant dans le sens de la tripartite et les défis auxquels elle fait face. Le développement prend la part du lion dans son analyse de la situation économique.

L’Expression: La tripartite vient de fêter les 20 ans de son existence, a-t-elle assuré un rôle prépondérant dans la stabilité du front social?

Akli Moussouni: 20 ans d’existence, c’est-à-dire depuis 1997! Je trouve qu’elle a effectivement assumé un rôle de stabilisateur du contexte social aux dépens du Trésor public alimenté exclusivement par la manne pétrolière!

Depuis quelques années, il tente de se reconvertir en outil de développement dans le cadre de la même politique; ce qui n’est pas évident, du fait que le développement ne peut être un slogan, mais une démarche qui fait appel à une panoplie de mécanismes, à mettre en oeuvre progressivement compte tenu de l’archaïsme de tout point de vue de notre économie. Le «nouveau modèle économique» se reposant sur la réhabilition d’organismes ayant incarné l’échec de la privatisation, voire les SGP, est une autre démarche hasardeuse sans objectif économique précis, dès lors que toute valorisation d’un potentiel économique dormant ne peut être réussie que dans le cadre d’une re-dynamisation totale des filières, notamment dans les secteurs agricole et agroalimentaire.

Vu le contexte dans lequel se trouve le pays sur le plan économique, la tripartite axe son travail sur l’élément essentiel de l’économie, à savoir le développement. Quelle est votre lecture par rapport à cette question?

Il faut appeler un chat, un chat. Le contexte économique du pays est en faillite sans le pétrole. Je vous défie de me citer un secteur indépendant des recettes pétrolières. La tripartite ne peut être un cadre de concertation suffisant pour contribuer à quoi que ce soit. Elle est à sa 20e rencontre, à se demander qu’est-ce qu’elle a fait de ses 19 rencontres précédentes! Le développement, c’est d’abord un ensemble de politiques où il est fait appel à des stratégies à court, moyen et long terme. La facture des importations est une contrainte pour le Trésor public, mais aussi sa réduction pose problème à l’équilibre socio-économique.

Il est aussi dangereux de réduire d’une façon draconienne la commande de l’Etat qui fait vivre directement et indirectement l’essentiel de la population algérienne. Aussi, les subventions de l’Etat, à travers des produits provenant d’ailleurs, sont certes, une aberration mais imposée par une gestion hasardeuse des affaires du pays. Ajoutez à tout cela le pouvoir d’achat qui n’a rien d’un pouvoir, mais d’un secours insignifiant à des couches de populations qui s’enfoncent dans la pauvreté; l’informel qui a accaparé toute dynamique individuelle et collective, ne constitue pas à lui seul une menace pour toute entreprise de développement?…etc. La tripartite, telle qu’elle est configurée ne prend-elle pas une responsabilité historique dans l’entretien de la déconfiture de tout un pays en prenant à la légère les véritables exigences du développement, qu’on ne doit pas réduire à un slogan?

Comment enclencher l’amorce d’un pacte économique et social en mesure de booster l’économie?

Il est difficile d’apporter des solutions à la hauteur des aspirations des populations, sans changer radicalement la vision des choses qu’il n’est pas facile de partager avec ces populations qu’on a érigées en uniquement consommatrices des produits d’ailleurs. N’oublions pas que pour chaque euro importé en produits, la subvention de l’Etat s’élève à 400 DA pour le consommateur afin de l’aider à consommer ledit produit importé.

Il n’y a pas d’exemple similaire au monde. Il n’est pas donc aisé de prendre des décisions simplistes pour signifier à ce consommateur de «compter sur lui-même.» L’équation d’une économie hors hydrocarbures est complexe. Elle consisterait à d’abord, transformer toutes ces contraintes en opportunités de développement en imposant de nouvelles valeurs du travail. Toutefois, il faut arrêter tous les démarchages contre-productifs qui avaient consisté à faire exploser le potentiel économique physique de nos territoires et humain (ou du moins ce qui reste) en prônant de nouvelles organisations et mesure pour reconstituer en bloc ces potentialités. Le tout doit fonctionner par rapport à des objectifs économiques précis.

L’inflation avoisine les 8%, peut-on parler de relance économique sans réfléchir à réorienter l’ensemble de notre économie?

L’inflation peut être une étincelle de re-dynamisation de secteurs économiques donnés, avec toutes les conséquences qu’elle va engendrer sur les maillons faibles de la population, mais cette théorie n’est valable que dans une conjoncture inattendue. Dans notre cas, on ne peut pas évoquer la «relance» d’une économie qui n’a jamais existé. C’est donc une nouvelle construction érigée pour laquelle il faut concevoir des fondement solides, à commencer par nos réglementations, notre système bancaire, notre administration, notre vision des choses, etc.

Avons-nous les atouts économiques en dehors des hydrocarbures pour relever le challenge du développement?

Absolument, d’autant plus que la nature nous a aidés. Dans le cas par exemple de l’agriculture, 50% des dépenses consisteraient à créer un climat artificiel propice pour produire ce que la nature nous offre gratuitement. Nous disposons d’un pays continent, au climat diversifié, d’une grande biodiversité, à l’abri de calamités naturelles majeures. Toutefois, autour de ces potentialités, il serait important de divorcer avec les organisations politiciennes pour faire de l’économie un chantier pragmatique et rationnel auquel le devenir du pays est intimement lié.