Aïn Defla/commercialisation de la pomme de terre : les producteurs otages des intermédiaires

Aïn Defla/commercialisation de la pomme de terre : les producteurs otages des intermédiaires

10-1-258.jpgC’est ce qu’ont indiqué les professionnels de cette filière lors du regroupement des présidents des Chambres de l’agriculture, la semaine dernière à Aïn Defla. « De nombreux producteurs ne peuvent écouler la production d’arrière saison stockée dans les chambres froides alors que la production de cette saison, estimée à plus de 350 000 tonnes, s’annonce. » déclare le vice-président du Cnif (Conseil national interprofessionnel de la filière pomme de terre).

Ce représentant des producteurs signale, par ailleurs, que le tubercule est cédé à moins de 14 DA au niveau des chambres froides, accusant de ce fait les intermédiaires qui font grimper les prix au niveau des grandes villes, telles qu’Alger, Oran ou Sétif où le prix a atteint les 60 DA le kg.Plusieurs fellahs interrogés sur l’avenir de la patate, pensent que cette culture n’est plus rentable à cause de la politique menée par la tutelle. « L’Etat a arnaqué les fellahs par l’intermédiaire de Proda en refusant d’acheter la production d’arrière saison », dit un stockeur en signalant qu’il a des centaines de tonnes entre les mains et qu’il n’a pu écouler sa production au moment où les prix étaient jugés convenables. La bourse de la pomme de terre continue de dépendre de Aîn Defla du fait que cette wilaya, à elle seule, produit plus d’un tiers de la consommation nationale.

Ainsi, avec des terres fertiles, de l’eau en abondance, une expérience acquise au fil des années, un soutien de l’Etat important et un amour particulier au travail de la terre, les facteurs essentiels qui ont permis à la wilaya de Aïn Defla de détrôner à l’échelle nationale la wilaya de Mascara dans la production de la pomme de terre de consommation et de semences. « Une évolution remarquable a été constatée à tous les niveaux de la filière durant ces dix dernières années » indique M Hadj Djalali, président de la Chambre de l’agriculture de Aïn Defla en faisant remarquer que les superficies sont passées de 3 000 hectares à plus de 16 000 hectares.

« et ce grâce aux différents programmes de soutien de la tutelle Fnda, et Fnrpa qui ont permis la mobilisation de ressources hydriques et l’équipement d’importantes surfaces ainsi que la réalisation d’infrastructures de stockage dont la capacité est estimée à quelques 150 000 mètres cubes et aux importantes capacités hydriques stockées au niveau des cinq barrages d’une capacité théorique que compte la wilaya. Aïn Defla pratique cette culture deux fois par an, la campagne de saison à partir du mois de septembre à fin décembre et la campagne d’arrière saison de la mi-juin à la mi-juillet, et produit annuellement, entre 300 000 tonnes et 350 000 tonnes de pomme de terre de consommation soit le tiers de la consommation nationale et 50 000 tonnes de pomme de terre de semences soit 40% de la semence nationale. Ceci a contribué à l’émergence de producteurs professionnels, relativement organisés et techniquement appuyés par les cadres des différentes institutions principalement l’Itcmi (Institut de technologie des cultures maraîchères et industrielles).

16 000 hectares plantés

Sur les 122 variétés homologuées par la tutelle, une dizaine seulement sont utilisées par les agriculteurs de Aïn Defla à savoir la Spunta à concurrence de 36%, la Désirée à 24% , la Kondor à 12%, l’Atlas également à 12%, l’Arinda à 5%, la Bartina à 3% et enfin pour le reste les variétés Obelix,Buren, Agria et Dafler.

« Pour la campagne en cours, grâce aux conditions climatiques favorables et au crédit sans intérêts (Rfig) octroyé par la Badr, plus de 16 000 hectares ont été plantés, ce qui prévoit une production de prés de 4 000 000 de quintaux ».précisera ce responsable. Il est à noter que cette culture qui se pratiquait uniquement sur les terres fertiles de la vallée du Cheliff, dans les plaines d’El Amra, El Abadia, Sidi Lakhdar, Arrib et El Khemis s’est répandue sur les coteaux grâce au système d’irrigation développé et ce à travers les communes de Djendel, Aïn Soltane, Mekhatria, Bourached et Djelida.

Les producteurs de pomme de terre ne sont pas aussi optimistes que les cadres de la Direction des services agricoles tant que la semence de saison dépend à 90 % de l’importation.

Une situation qui fixe le prix du tubercule entre 70 et 82 DA le Kilogramme. « Un hectare planté revient entre 50 et 60 millions de centimes» signalera M.Fetah Mohamed, un producteur d’El Abadia, qui malgré les pertes subies lors de la chute des prix de la pomme de terre de consommation s’accroche à cette culture qu’il maîtrise à la perfection. Ce dernier précisera qu’un hectare planté nécessite des travaux de sols qui se chiffrent à 20 000 DA, une main d’œuvre pour l’irrigation qui coûtera 20 000 DA, 35 quintaux de semence à raison de 80 DA le kilogramme, 18 quintaux d’engrais à 6 400 DA le quintal, puisque acquis auprès des revendeurs privés, 20 000 DA pour les produits phytosanitaires, 25 000 DA pour l’eau d’irrigation 40 000 DA pour le matériel de labours, plantation et irrigation et enfin 20 000 DA pour la main d’œuvre de récolte. « Le fellah ne comptabilise par ses va-et-vient, les frais de déplacement de ses camions et les repas qu’il sert à ses ouvriers » ajoutera M.Bouabdallah, un fellah de Mekhatria. Les producteurs de pomme de terre s’en lavent les mains quant à la cherté du tubercule sur le marché.

Un produit de bonne qualité

« A ce jour, notre produit ne dépasse les 14 DA le kilogramme au niveau des chambres froides tandis « qu’au niveau des marchés de gros de Chlef, Hattatba ou Boufarik alors qu’il est cédé entre à moins de 20 DA le kg au niveau des chambres froides. Ces prix ne se sont élevés qu’en cette période de soudure qui prendra fin dans une quinzaine de jours avec l’arrivage sur le marché de la pomme de terre de Mostaganem » affirmera un gros producteur d’El Amra. Les producteurs de pomme de terre ont effectivement contribué à maintenir les prix de ce tubercule à des prix raisonnables durant les derniers 6 mois en participant au programme Syrpalac (Système de régulation des produits à large consommation) en stockant sous froid 26 000 tonnes mises graduellement sur le marché dés la mi-septembre. Le déstockage a démontré que le produit est de bonne qualité et que l’opération a atteint largement son double objectif de protection du pouvoir d’achat du consommateur et de protection du revenu du producteur.

Les fellahs de Aïn Defla souhaiteraient que la tutelle encourage les producteurs de semences afin de les libérer du diktat des importateurs, principal facteur de la hausse des prix à la consommation.

Ajoutant, par ailleurs, que les professionnels de cette wilaya ont exporté leur savoir-faire à l‘est, l’ouest, le centre et même le sud du pays entre autres, Tiaret, M’Sila, El Oued, Relizane, Mostaganem, Biskra Ghardaïa et … Aïn Guezzam dans la wilaya de Tamanrasset.

par Abdou Kreddaoui