L’Algérie s’engage dans la construction automobile au moment ou le marché mondial connaît une baisse due principalement au contexte de crise généralisée. Choix judicieux ou simple aventure, une telle tentative a le mérite de vouloir booster la construction mécanique et par extension le tissu industriel qui fait tant défaut à notre pays. Le projet de Renault de vouloir monter la voiture algérienne localement bute à certaines questions, de l’avis de beaucoup d’experts.
Il s’agit notamment du seuil de rentabilité qui influera certainement sur le coût de ce véhicule. Combien coûtera donc une Renault algérienne ? Quelle place aura telle sur le marché autant national que mondial ? Notre pays aura forcément, faute d’équipementiers, à recourir à des importations systématiques.
A ce sujet, les avis des experts sont presque unanimes. » Pour le Pr Abdelhak Lamiri, et d’après les premiers éléments, et vu les récentes dispositions tarifaires, le véhicule algérien aura une place nationale qu’on peut estimer à 90 %. Quant à son placement sur le marché mondial cela reste difficile. On peut espérer un taux d’intégration de 10 %, ensuite cela dépendra du développement des opportunités des PME/PMI.
Les cinq premières années, l’on ne peut espérer qu’un taux de 30 à 40 % d’intégration mais tout dépendra des politiques envisagées. Il s’agit, ensuite, de savoir comment faire pour les questions de management, des équipementiers et de la gestion moderne des PME. Si tout cela vient à être réuni, la suite dépendra de nous ! « . Cette analyse assez optimiste renseigne sur l’état des lieux, notamment la problématique des équipementiers et celle des managers, deux éléments de taille qui manquent à notre pays. L’opinion du Dr Abderrahmane Mebtoul est loin d’être emprunte de permissivité. Bien au contraire elle se montre critique mais pragmatique.
Pour cet expert « le projet de produire 75.000 véhicules va donner un coût faramineux au moment où le pouvoir d’achat enregistre une baisse ». Le Dr Mebtoul estime que « le citoyen ne peut pas acheter un tel véhicule qui, en plus, va faire gonfler les importations et les coûts de transport et (FOB) ». Les prévisions de cet économiste se focalisent sur la question de rentabilité. L’Algérie va-t-elle exporter ce véhicule ? S’interrogea-t-il avant d’expliquer cela en déclarant que « d’abord il faut savoir qu’avant la crise économique le seuil de rentabilité avait été étudié et prévu entre 200.000 et 300.000 véhicules. Les données ont changé depuis, et maintenant il faut le prévoir entre 400 à 500.000 au delà de 2015″.
Il citera, à cet effet l’exemple de l’usine de Tanger Med, au Maroc ou celle ci » prévoit quelque 400.000 véhicules en première phase ». Mais, la grande question est de savoir quel serait le coût ? s’interrogera-t-il et de répondre qu’ »en comptant sur la productivité de la SNVI qui ne peut pas concurrencer le marché mondial, ça sera sûrement une petite unité de production locale et puis quelle technologie va-t-on utiliser, solaire, hybride ou autre » ? Emprunt d’une certaine amertume à l’égard de l’expérience industrielle des années soixante dix, le Dr Mebtoul avertit qu’ « il faut faire attention aux usines clés en main.
L’Algérie a déjà vécu cette expérience qui a fini par mener à un désastre. Il va falloir former les gens d’abord ». Un autre son de cloche est émis par l’association des concessionnaires d’automobiles, AC2A, qui a pignon sur rue en matière de marché de l’automobile en Algérie.
Pour ces commerçants, la question de l’intégration reste primordiale et influera sur le coût de la future voiture algérienne « les prix baisseront selon le taux d’intégration, et donc, la présence d’un tissu industriel et d’équipementiers ! » Autant d’éléments qui manquent réussir un tel pari. Néanmoins, le marché algérien reste porteur. Selon le Centre national de l’informatique et des statistiques (Cnis) des Douanes, l’Algérie a importé, en 2010, quelque 241.992 véhicules contre 289.670 unités en 2009 enregistrant une baisse de 16,46%.
Azzedine Belferag