Quand c’est l’Aïd, je pense à la mer. Je ne sais pas pourquoi pensai-je à ce volumineux bassin d’eau salée et fascinante en ces jours de fête ! Quelle fête ! Souvent, en lisant ou en relisant les textes fondamentaux de la littérature maghrébine ou arabe, je me demande : pourquoi n’avons-nous pas écrit sur la mer ou pas assez ou pas fort ?! La littérature maghrébine et arabe, écrite dans les trois langues : l’arabe, le tamazigh et le français, est entourée de milliers de kilomètres d’eau.
Des montagnes de vagues !
De partout il y a que des mers et des océans. Mais cette eau ne parle pas aux écrivains. Plutôt les écrivains ne savent pas parler les langues des mers. Surdité ! Mutité ! Dans nos textes littéraires, les vagues ne dansent pas. Inertes ! Plutôt les écrivains ne savent pas faire danser les vagues dansantes. Nos textes littéraires sont à sec. Ils sont en bois ou presque ! Sablés ! Nous écrivons comme sur le dos d’un chameau.
Selon les rythmes des pas des chameaux, sont nés nos poèmes ! Nous traversons encore l’ère du sable. Beaucoup de sable dans les pages de nos livres. Nos poètes ont le regard braqué sur le Sud. La mer est un espace d’échange, d’ouverture et d’attente. Le désert lui aussi a son sens d’évasion et d’aventure. Combien de romanciers algériens, maghrébins ou arabes ont-ils les pieds dans l’eau de la mer ? Ont-ils des ailes aquatiques ? Hanna Mina est le seul écrivain arabe dont les textes sont habités par la mer.
Ses univers romanesques sont hantés par la mer et par les chansons des marins. On le surnomme le Romancier de la mer. Avec chagrin et colère, en ces jours de l’Aïd, je pense à Hanna Mina tout en observant le cataclysme qui, aveuglement, frappe son pays la Syrie. Le pays d’Abou El-Alaa El-Ma3arri, de Khalil Kabani, de Nizar Kabani, de Sabah Fakhri… est en feu. Destruction. Le pays qui a donné à l’humanité le premier alphabet se trouve aujourd’hui menacé par les fanatiques islamistes à leur tête la secte de Da3èche. Aux bords de la Méditerranée est née la plus grande littérature qu’a connue l’histoire de l’humanité.
Les plus grandes philosophies ont y vu le jour. La littérature grecque nous fascine en permanence. Dans la Méditerranée se sont engendrées des guerres atroces et d’amères confluences. L’amour et la mort. J’imagine l’écrivain arabe ou maghrébin ainsi : les pieds enfoncés dans le sable chaud. La tête sous un soleil de plomb ! Même si, géographiquement, nous sommes loin du désert, notre imaginaire est forgé dans le symbolique saharien. Le rapport à la mer, exprimé dans nos quelques textes littéraires ou picturaux, demeurera marginal ou superficiel. Dès que l’image de la mer est présente dans la littérature maghrébine d’aujourd’hui, elle est directement liée au phénomène d’“el-harga”. Une autre forme de suicide. La mer est vidée de sa beauté.
A. Z.