Sommet d’Abidjan ou la victoire symbolique de la Rasd

Sommet d’Abidjan ou la victoire symbolique de la Rasd

Écrit par Aziz Latrèche et Anis Remane

Africains et Européens se rencontrent, aujourd’hui, dans la capitale ivoirienne pour un sommet particulier. La raison principale est que ce rendez-vous d’Abidjan entre les pays de l’UA et de l’UE a une valeur de bilan.

Il y a dix ans, en décembre 2007, les deux parties ont adopté à Lisbonne la « stratégie commune Afrique-UE». Cette stratégie, rappelons-le, a pour objet de renforcer le dialogue euro-africain en l’ouvrant sur des dossiers nouveaux et autres que ceux de la coopération pour le développement. Bruxelles et Addis-Abeba se sont, depuis ce temps, promis de s’attacher à relever efficacement les défis mondiaux que sont la migration, le changement climatique, la paix et la sécurité.

Avec quel bilan ? Il est à faire, répondent des observateurs partagés entre l’enthousiasme de voir la relation entre l’UE et l’UA « progresser » et le constat que les acteurs des deux ensembles géopolitiques ne partagent pas les mêmes intérêts, et n’ont donc pas les mêmes visions en ce qui concerne l’avenir du partenariat Europe-Afrique. A voir de plus près, et en ce qui concerne le volet de la paix et de la sécurité, il semble bien qu’en dépit de tous les paradoxes et les contradictions observés – notamment sur la manière de prendre en charge la lutte contre le risque terroriste au Sahel-, c’est l’un des principes de cette stratégie, adoptée il y a dix dans la capitale portugaise, qui a servi à ce que la partie européenne, et certains pays africains réputés pour leur tiédeur vis-à-vis de la cause sahraouie, aient enfin admis la naturelle participation de la Rasd au sommet d’Abidjan.

Il aurait été, en effet, incongru de convoquer à nouveau cette disposition de la « stratégie commune » appelant à une coopération étroite entre les pays des deux Unions pour la paix et la sécurité en Afrique (et en Europe) en marginalisant la Rasd, membre permanent de l’UA.

Un acteur qui a tourné le dos aux armes depuis le cessez-le-feu de 1991 et résolument engagé dans un processus politique et diplomatique devant le conduire à l’autodétermination. Outre l’effort diplomatique consenti par l’Algérie et d’autres Etats d’Afrique australe notamment, pour éviter à l’UA une contradiction et une décision d’exclusion (celle de la Rasd), qui aurait coûté cher à sa crédibilité et sa cohésion, il n’est pas exagéré d’admettre que c’est l’argument de la paix et de la sécurité qui a prévalu au sein de l’Union africaine pour régler le « problème » de la participation de la République arabe sahraouie et démocratique au sommet d’Abidjan. Après une âpre bataille diplomatique de plusieurs semaines, l’UA « a résolu » le problème.

« Tous les membres vont prendre part au sommet», avait déclaré le président de la Commission africaine le mercredi 22 novembre courant. Moussa Faki, rappelons-le, s’était exprimé depuis Bruxelles, où il avait animé une conférence de presse conjointe avec la Haute représentante de la politique extérieure et la sécurité de l’Union Européenne (UE), Federica Mogherini. « Nous avons exprimé le souhait que tous les membres soient présents. Mais pour nous, il était clair que la décision était africaine », avait confirmé à son tour Federica Mogherini.

En cela, et à ce stade, le Polisario et la Rasd enregistrent une belle victoire symbolique, comme l’a déclaré, hier à Reporters, l’universitaire et politologue Cherif Dris. « Sur un plan symbolique, on peut dire, en effet, que la Rasd a réalisé une victoire et ce, après toutes les tentatives marocaines qui ont visé son éloignement de ce sommet.

Il y a des informations qui indiqueraient que le roi du Maroc, Mohamed VI, qui se trouve en visite en Côte d’Ivoire, prendra part aux travaux du sommet. Si cela se confirme, cette victoire sahraouie serait doublement symbolique, car Rabat, depuis son retour dans le giron africain, cherche toujours à évincer les Sahraouis de la scène africaine et internationale et n’a jamais accepté d’être « au plus haut niveau en face» des indépendantistes sahraouis, indique l’analyste.

Il rappelle que le Maroc a toujours mobilisé ses moyens pour que le dossier du Sahara occidental demeure du ressort exclusif des Nations unies et qu’il ne soit pas à l’ordre du jour de l’agenda de l’UA. Sans succès.

A suivre.