Scène politique durant le mois de ramadhan: Rendez-vous avec la morosité

Scène politique durant le mois de ramadhan: Rendez-vous avec la morosité

La léthargie qui règne au sein des partis politiques durant le mois de Ramadhan n’est que le prolongement de sa mollesse durant le reste de l’année.

La scène politique durant le mois de Ramadhan ne se distingue en rien de l’ambiance générale qui règne sur le pays. En plus des arrangements horaires qui se font dans les entreprises et les administrations publiques et qui réduisent presque de moitié le volume de travail, une forme de léthargie s’empare de tous les secteurs. Et la politique n’est pas en reste: la mollesse et la morosité prennent le dessus.

En effet, si durant les autres 11 mois de l’année, la scène politique nationale n’est pas exceptionnellement dynamique, durant le mois de Ramadhan, elle est presque morte. Ni meeting ni rencontre-débat ni cycles de formation, les partis politiques semblent avoir pris des vacances avant l’heure. Pourtant, intervenant dans une conjoncture particulière, marqué notamment par les résultats des récentes législatives, la mise en place d’un nouveau gouvernement et la préparation des élections locales, le Ramadhan de cette année aurait pu être comme les autres mois et saisi non pas dans sa dimension religieuse, mais en fonction des enjeux de la situation politique avec laquelle il coïncide.

Il n’en est rien, le poids du jeûne l’emportant largement sur les exigences politiques du moment. «Le jeûne a des effets. Notre cerveau n’est fructueux que lorsque nos besoins biologiques sont satisfaits», explique Nacréa R., cadre d’un parti politique, qui ajoute néanmoins que «les résultats catastrophiques des élections ont donné un coup de fouet à plusieurs partis qui ne s’en sont pas encore remis». Lidia Fécih, militante du RCD, estime de son côté que «la classe politique est aussi lamentable durant le mois de Ramadan que pendant l’année». «Les citoyens sont complètement déconnectés de la situation politique du pays.

Ils ne s’intéressent quasiment à rien. L’absence d’alternance au pouvoir, la fermeture du jeu politique éloignent les Algériens de la politique. Et quand les citoyens s’en éloignent, avec qui la faire?» s’est-elle expliqué. Parlant du RCD, elle a indiqué que le parti est en train de préparer des cycles de formation notamment au profit des jeunes et des étudiants», en précisant que ce programme va «commencer à partir de la semaine prochaine». Bien entendu, le RCD n’est pas le seul parti à essayer d’occuper le terrain, même durant ce mois sacré. Le PT et le MSP sont aussi des partis actifs qui essaient d’interagir avec la situation politique et sociale du pays en prenant des positions, en livrant des lectures et des propositions.

Toutefois, en plus d’être minoritaire par rapport au nombre impressionnant de partis qui existent et qui participent régulièrement aux élections, les activités de ces partis sont souvent limités géographiquement à leurs fiefs et ont un impact politico-médiatique très modeste.

Pour Karim Benamar, journaliste et militant politique, le problème est beaucoup plus profond et n’est pas tout-à fait en relation avec le mois du Ramadhan et son caractère spécial. «Pourquoi la scène politique devrait-t-elle connaître une animation particulière le mois de Ramadhan? Elle ne sort de sa torpeur que conjoncturellement les 11 mois de l’année. A quelques rares exceptions, la majorité des partis politiques n’a pas la capacité et l’intelligence d’occuper l’espace public, la scène ou les médias», a-t-il affirmé en soulignant que les Algériens n’accordent aucun crédit à la politique, du moins telle qu’elle est pratiquée. Karim Benamar en veut pour preuve «le fort taux d’abstention enregistré lors des récentes élections législatives» qui témoigne on ne peut plus clairement de toute l’étendue de la désaffection de la chose politique.

«Il y a aujourd’hui un déficit énorme d’imagination chez les partis. Le mois de Ramadhan pourrait en effet constituer une occasion pour marquer sa présence, mais encore faut-il être créatif, innovant et astucieux pour pouvoir intéresser la foule et capter son attention. La vie culturelle connaît une dynamique particulière pendant ce mois sacré. Les partis auraient pu penser à lancer des cycles de conférences, des soirées thématiques et de débats autour des questions qui intéressent les Algériens. Aucun parti politique, à ma connaissance, ne profite de cette période propice pourtant à l’échange et au partage», regrette-t-il. De fait, il ressort que la léthargie qui règne au sein des partis politiques durant le mois de Ramadhan n’est que le prolongement de sa mollesse durant le reste de l’année, la majorité d’entre eux ne se réveillant que durant les rendez-vous électoraux.