Saïd Khelil analyse la situation politique que traverse le pays: “Ce que nous vivons est un moment fondateur de notre pays”

Saïd Khelil analyse la situation politique que traverse le pays: “Ce que nous vivons est un moment fondateur de notre pays”

L’ancien cadre du FFS prévient contre la transition rapide qui consiste en le passage direct à l’organisation d’une élection présidentielle, tout en soulignant l’urgence d’en finir d’abord avec la gérontocratie qui prend l’État en otage.

“Le régime est vraiment fini, il est arrivé à sa fin biologique, il n’est même pas capable de présenter un successeur à Bouteflika, et ce que nous vivons est un moment fondateur de notre pays. C’est maintenant que nous allons instaurer notre république car il n’y en avait pas une première”, a analysé le Dr Saïd Khelil, ancienne figure de la cause berbère, qui a été, hier, l’invité des débats de l’université autour de la thématique : “1989-2019, transition démocratique en Algérie : enjeux et perspectives”.

“Aujourd’hui, la transition est inéluctable, et là le constat fait consensus. Nous sommes tous interpellés, en tant que citoyens, en tant que peuple et en tant qu’intellectuels car si nous ne sommes pas acteurs de notre avenir nous risquons, encore une fois, de le subir”, a-t-il préconisé non sans inviter à tirer les leçons des drames et des échecs vécus depuis la Révolution. “Nous avons vécu le drame de la liquidation des chefs de la Révolution, des coups d’État et de la dictature. Nous avons aussi vécu le résultat de la transition de 1988 lorsque l’on a laissé le régime piloter les réformes.

Nous avons vu comment le pays a basculé dans la violence et comment il s’est mis sur la voie de la régression et comment les acquis de 88 ont été résorbés avant de finir par basculer dans une dictature molle avec l’arrivée de Bouteflika”, a rappelé le Dr Saïd Khelil avant d’esquisser ce qui peut constituer une solution pour le pays.

L’ancien cadre du FFS a d’emblée prévenu contre la transition rapide qui consiste en le passage direct à l’organisation d’une élection présidentielle. “Dans ce cas de figure, le président élu sera contraint de s’appuyer sur le personnel politique déjà en place et là le système risque de se régénérer rapidement”, a-t-il prévenu tout en soulignant l’urgence d’en finir d’abord avec la gérontocratie qui prend l’État en otage.

“Ce qu’il faut c’est un compromis historique entre l’armée et le peuple pour que tout le monde soit rassuré et que soit garanti que la situation ne dérape pas vers des règlements de comptes et qu’il s’agira plutôt d’un changement profond à apporter”, a estimé Saïd Khelil avant d’aborder les options possibles pour une transition sans heurt. À ce sujet, si Saïd Khelil estime que l’idée d’aller vers un présidium est “une idée à creuser” tant elle n’est pas mauvaise surtout, a-t-il rappelé, que l’Algérie a déjà connu cela avec le fameux Haut-Comité d’État du début des années 90, c’est surtout l’idée d’un gouvernement de transition qui se chargera de gérer les affaires courantes et préparer la Constituante avant d’aller vers des élections générales qu’il a le plus défendue.

“Je ne parle pas bien sûr d’un gouvernement de transition comme celui qui vient d’être installé et avec lequel le pouvoir n’a pas répondu à la revendication du peuple. La nomination de Bedoui comme Premier ministre est la pire des insultes au peuple et ce n’est, sans doute, pas quelqu’un comme Lakhdar Brahimi qui peut écouter les jeunes. Ce dont je parle est un gouvernement de transition composé de compétences nationales qui va opérer les premiers toilettages d’urgence dans les institutions et poser les garde-fous et les mécanismes nécessaires pour que la Constituante ne dérape pas”, a-t-il développé.

Interrogé quant aux positions de la communauté internationale sur la question algérienne, Saïd Khelil a répondu n’être guère étonné car, d’un côté, a-t-il analysé, “les puissances étrangères s’accommodent, voire composent avec les régimes en place, mais elles ont toujours un plan B en fonction de la direction du vent” et, d’un autre côté, a-t-il ajouté, “un régime démocratique en Algérie va déranger beaucoup d’intérêts à commencer par ceux des monarchies du Golfe”. “Mais une démocratie portée par tout un peuple peut être protégée par ce même peuple”, a-t-il ajouté optimiste.

Samir LESLOUS