Démantelée par pur hasard, au lendemain du réveillon 2015 soit le 1er janvier 2016, lors d’une opération coup-de-poing, les sept membres de la cellule d’espionnage au profit d’Israël ont été jugés, hier mercredi, par la cour criminelle de Ghardaïa.
Constituée de trois Maliens, deux Guinéens, d’un Ghanéen et d’un Libérien (d’origine libanaise), ils ont bénéficié pour leur défense d’un avocat commis d’office par la cour, en l’occurrence Maître Abderrahim Benmessaoud. Pour leur permettre de communiquer, ils ont aussi bénéficié de l’assistance d’un interprète pour les anglophones, en l’occurrence le Libérien, et principal accusé dans ce dossier, à savoir Aâlam Eddine Fayçal et le Ghanéen Souleymane Touré, et pour les francophones maliens Yahia Diakité, Maca Douma, Palou Sidré et les deux Guinéens Ibrahim Sidou Camara et Joseph Lama. Accusés d’espionnage au profit d’Israël, création, constitution et organisation d’une bande criminelle portant atteinte à la sécurité nationale, impression, possession et diffusion de documents subversifs faisant l’apologie du terrorisme et appelant à l’atteinte à la sécurité de l’Etat, entrée et séjour irrégulier sur le territoire national et usurpation d’identité pour deux d’entre eux. Ils ont tous rejeté les accusations portées contre eux affirmant qu’ils étaient entrés sur le territoire national pour travailler et pour le Libérien, qu’il voulait tenter la traversée vers l’autre rive de la Méditerranée. Menée de main de maître par un juge très calme, les auditions des sept accusés prévenus se sont déroulées dans une salle d’audience étrangement vide, où le nombre de policiers dépassaient largement celui des juges, des avocats et des jurés réunis. Blessé à la jambe droite, qu’il dit s’être fait lorsqu’il était à Oran avant de venir à Ghardaïa, le principal accusé, le Libérien, qui répondait assis sur un fauteuil, a été le plus longtemps questionné sur un registre sur lequel était mentionné Israël et des grades militaires ainsi que des chiffres se rapportant à des collectes d’argent. Niant toute implication dans un quelconque réseau criminel ou d’espionnage, il répondait à chaque fois qu’il était venu à Ghardaïa pour se soigner avant de tenter l’aventure vers l’Europe. Le juge lui rappelle qu’il avait sur lui lors de son arrestation 400 euros et 14 000 DA mais qu’il n’avait acheté aucun médicament. Les hôpitaux en Algérie étaient gratuits, pourquoi alors, ne s’est-il pas fait soigner ? Et pourquoi pas à Oran ? Pourquoi faire des centaines de kilomètres pour venir se soigner à Ghardaïa et pas à Oran, où il avait contracté cette blessure ? L’accusé campe sur sa position. Il a fui la misère et s’est blessé. Il a eu la malchance de s’être retrouvé dans cette maison en ruine, à Bouhraoua, sur les hauteurs de la vieille ville de Ghardaïa, où dit-il, «nous étions 32 personnes dans cette maison abandonnée et nous n’avons été que 7 à avoir été arrêtés». Le juge lui rappelle que le grand registre sur lequel était mentionné Israël a été retrouvé devant lui. Il dément et jure qu’il n’a jamais vu ce registre et ne sait pas à qui il appartient. Puis, subitement, il se rappelle avoir vu un jour un certain Géno Duke, que l’enquête a confirmé qu’il s’agit d’un Malien du nom de Diarra Moussa, qui demeure en fuite, feuilletait ce registre. Pour ce qui est de la Bible retrouvée devant lui, il reconnaît qu’elle lui appartient et déclare être chrétien de confession. Pendant tout le procès, l’ombre de ce Géno Duke (Diarra Moussa) planait sur la salle, pratiquement tous les accusés ont reconnu, soit l’avoir rencontré ou vécu avec lui pendant quelque temps. Pour Yahia Diakité, il dit avoir été arrêté le jour même de son arrivée de Touggourt, où il travaillait dans un chantier. Il déclare avoir rencontré Géno Duke à la gare routière dite SNTV de Ghardaïa. «C’est lui qui m’a orienté vers cette maison abandonnée pour me reposer. Cinq heures plus tard, la police est arrivée et m’a arrêté en compagnie des 6 autres accusés. Moi, je n’ai rien fait et je ne connais aucun de ces gens-là. Je suis innocent.» Prenant la parole, le représentant du ministère public a rappelé «la gravité de cette affaire». «C’est une association criminelle qui est venue en Algérie pour mener la déstabilisation du pays au profit de notre ennemi Israël. Israël a toujours dit que son ennemi numéro un dans le Monde arabe reste l’Algérie qui a toujours refusé d’avoir le moindre contact avec cette entité et qui soutient le peuple palestinien dans son combat pour sa juste cause. Israël tente par tous les moyens de déstabiliser notre pays. Messieurs les jurés, ne croyez pas que ces gens soient innocents. Ce n’est pas vrai. L’enquête menée par les services de sécurité prouve leur entière culpabilité. Il faut qu’ils soient sévèrement punis.» Après délibérations, le juge prononce le verdict : peine capitale pour le Libérien Aâlam Eddine Fayçal et 10 ans de prison et 200 000 DA d’amende pour chacun des six autres accusés. Nous y reviendrons dans notre prochaine édition avec plus de détails sur cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre, ici, dans la vallée du M’zab et ailleurs, même au-delà de nos frontières.