Politique des subventions, réforme bancaire, climat des affaires: Ouyahia à l’épreuve des changements

Politique des subventions, réforme bancaire, climat des affaires: Ouyahia à l’épreuve des changements

Parmi les urgences, figure la mise en place d’alternatives financières hors budget de l’État pour renflouer les caisses de l’État.

La nouvelle mission d’Ahmed Ouyahia à la tête de l’Exécutif sera très délicate. Car l’Algérie est confrontée à une situation financière très difficile : un manque chronique de ressources financières pour faire face aux dépenses publiques en raison de la crise qui affecte l’Algérie depuis la chute des prix du pétrole à partir de juin 2014. Le Premier ministre n’a plus en main un amortisseur important : la caisse de régulation des recettes aujourd’hui épuisée.

Dans cette situation, sa feuille de route qui sera présentée dans les prochains jours à l’APN, inclura, vraisemblablement, la mise en œuvre des réformes économiques contenues dans le programme présidentiel : révision de la politique des subventions, réformes bancaire et financière, amélioration du climat des affaires, diversification de l’économie, transition énergétique.

Ces changements sont plus faciles à inscrire dans un programme gouvernemental qu’à appliquer sur le terrain. Car le nouveau Premier ministre hérite d’un grand retard dans la mise en œuvre de ces réformes. Ce qui pose à juste titre la question : pourra-t-on faire progresser ces réformes aujourd’hui, alors que dans l’aisance financière, on n’est pas parvenu à les faire avancer ? La question est de savoir également pourquoi ces réformes sont si primordiales pour l’économie nationale ?

La réponse semble claire. Réussis, ces changements assurent une plus grande efficacité de l’appareil économique, une dynamique en terme d’investissements, véritable source de création d’emplois et de richesses ainsi qu’une augmentation des ressources financières de l’État permettant de soutenir l’ambition affichée officiellement : placer à moyen terme l’Algérie dans le lot des grands pays emergents. Ces dividendes connus, on a pourtant laissé traîner les choses au nom du statu quo. Une politique qui dure depuis plus d’une decennie et que nous payons aujourd’hui cash : hausse de l’inflation, montée du chômage et érosion du pouvoir d’achat de la majorité des citoyens.

En terme de timing, il est évident que la mise en œuvre de ces changements s’étalera, sans doute, sur plus d’un an ou deux, voire au-delà de la présidentielle de 2019. Et que leurs fruits seront cueillis plus tard.

Quid du mécanisme fiable de ciblage des couches démunies ?

La difficulté de la mission d’Ouyahia est donc de remettre à la fois sur de bons rails ces réformes, mais aussi d’entreprendre rapidement les changements à court terme urgents.

L’une de ces urgences est de faire face aux graves difficultés budgétaires que connaît le pays et à une situation macroéconomique guère reluisante.

En particulier, toute une gymnastique est requise pour concocter une loi de finances qui ne s’assimile pas à une cure d’austérité plus sévère. Le Premier ministre pourra-t-il épargner à la population cette série de hausses des taxes qu’ont déjà subie en 2017 les citoyens ? Ou s’évertuera-t-il à faire subir à la population des mesures plus sévères ? Son message à son investiture semble rassurant : l’État ne renoncera pas à sa politique sociale. Mais restons vigilants. Cela peut basculer dans un sens ou dans l’autre.

Réviser la politique des subventions fera partie sans doute de la feuille de route d’Ouyahia. La question est de savoir si cette mesure fera partie des dispositions de la loi de finances 2018 et donc applicable à partir de janvier prochain. Mais faute d’un mécanisme fiable de ciblage des couches démunies, la mesure sera probablement différée. Car pour mettre en place cet instrument, il faut du temps.

L’autre grande urgence est d’améliorer le climat des affaires. Dans ce registre, il est possible d’enregistrer de grands progrès en peu de temps : facilitations dans les procédures administratives, facilitations dans l’accès au foncier, facilitations à l’accès aux crédits bancaires, notamment pour les projets productifs avec comme priorité les projets qui interviennent dans la production en substitution aux importations. Encore faut-il une grande volonté politique afin de veiller à ce que l’administration ne soit plus un obstacle à l’investissement productif.

La dernière urgence, et non des moindres, est d’augmenter les recettes de l’État. Améliorer la collecte des impôts est une priorité tout comme la collecte des ressources financières par les banques publiques. Il convient, en outre, de mettre en œuvre rapidement des alternatives financières hors budget de l’État.

Au demeurant, l’aggravation de la situation financière actuelle du pays est due en partie à l’insuffisante réactivité des Exécutifs précédents face à la crise financière qui secoue le pays. Pour preuve, aucun mécanisme financier n’est aujourd’hui mis en œuvre pour renflouer les caisses de l’État. Pas d’emprunt obligataire, pas de recours au marché boursier, pas de mise en œuvre du partenariat public dont le projet de texte traîne dans les tiroirs des pouvoirs publics depuis plus d’un an.

K. Remouche