Mourad Louadah, président de la commission des énergies renouvelables au FCE: “La transition énergétique est une feuille de route du président Bouteflika”

Mourad Louadah, président de la commission des énergies renouvelables au FCE:  “La transition énergétique est une feuille de route du président Bouteflika”

La meilleure façon pour appliquer et promouvoir la feuille de route du président de la République dans le domaine de la transition énergétique passe par la création d’un secrétariat d’Etat à la Transition énergétique, suggère Mourad Louadah, président de la commission des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique au FCE.

L’Expression: Pouvez-vous nous donner votre avis sur le modèle de transition énergétique en Algérie?

Mourad Louadah: On est en retard dans le domaine de la transition énergétique. En Algérie on est encore en train de parler de mégawatts, or les pays où il y a moins de soleil parlent de dizaines de gigawatts. Il n’y a qu’à voir la part du renouvelable dans la production énergétique globale du pays. Cette part est inférieure à 1%!. Chaque fois qu’un MW solaire est annoncé ce sont des dizaines de MW en cycle combiné qui sont annoncés! De ce fait, le problème est beaucoup plus profond. Il faut se poser des questions sur le rôle des décideurs politiques, des opérateurs économiques et de la société civile.

S’il n’y a pas d’adhésion du simple citoyen qui doit prendre conscience du phénomène et qui doit changer ses habitudes à l’intérieur comme à l’extérieur des foyers en termes de gaspillage et de laisser-aller, la transition énergétique est vouée à l’échec. Un programme d’efficacité énergétique intelligent bien conçu et bien exécuté doit permettre de diminuer par deux la croissance de la demande d’énergie. Cette baisse de consommation, non de confort, conjuguée à une augmentation graduelle des tarifs doit permettre de maintenir une facture dans la fourchette que le citoyen algérien a l’habitude de payer. Le tarif est un levier pour diminuer le gaspillage, mais la mise en place des techniques liées à l’efficacité énergétique est le meilleur garant de l’avenir. Il n’y a qu’à voir ce qui se fait dans les autres pays.

Sur le plan politique, les choses sont très claires avec l’orientation du président Bouteflika. Il a placé les énergies renouvelables au rang de priorité nationale. Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique constituent la base de la transition énergétique et de ce fait, on peut dire, sans aucune équivoque, que la transition énergétique devient une priorité nationale. Aucun acteur politique ne peut la remettre en cause. En tant que citoyen et représentant de la commission des énergies renouvelables et qui a donné sa voix à ce même président, il est de mon devoir de dénoncer très fortement les dépassements des uns et des autres sur le dossier de la transition énergétique.

La décision du président de la République était réfléchie et mûrie depuis longtemps. L’Exécutif a l’obligation de l’appliquer et de la mettre en oeuvre. C’est une feuille de route du président de la République. La meilleure façon pour l’appliquer et la promouvoir est de créer un secrétariat d’Etat à la transition énergétique au sein du prochain gouvernement. Ce sera un signal fort que le gouvernement algérien entend définitivement commencer à déployer la transition énergétique. Elle doit être la base d’un déploiement massif des énergies renouvelables et des mesures d’efficacité énergétique qui permettront de construire un nouveau modèle de consommation énergétique basé sur la simplicité, sur la rationalisation de l’utilisation de l’énergie dans la construction, les transports, l’agriculture, etc. et de dégager les volumes de gaz non consommés par la demande interne pour être transformés en Algérie et/ou exportés.

Au niveau des engagements internationaux de l’Algérie, le président de la République a signé le 13 octobre 2016 le décret présidentiel portant ratification de l’accord de Paris sur le climat adopté en décembre 2015, à la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21). L’objectif arrêté est la réduction de 7% des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030.

C’est dire que l’avenir du climat à l’échelle planétaire dépend aussi de ce que nous ferons, même si nous ne sommes pas un pays gros émetteur de gaz à effet de serre. Mais pour arriver à bénéficier de tous les avantages et les aides, soit financiers ou autres, il faut parvenir au respect de certaines conditions. Par exemple, établir l’inventaire de toutes les sources émettrices de gaz à effet de serre existantes en Algérie et préparer notre industrie à y faire face. Malheureusement pour nous, aucun dossier depuis la signature de cet accord en 2015 n’a été déposé au niveau de l’agence onusienne ni au niveau du fonds climat.

On parle des énergies renouvelables depuis longtemps et le dossier semble toujours bloqué…

Il est vrai que le dossier tarde à sortir. Ce retard est une bonne chose pour nous.

Expliquez-vous…

Il y a quelques années, les Européens (l’Espagne et l’Italie,..etc),et même les Japonais ont lancé des gigawatts en centrales photovoltaïques et éoliennes. Aujourd’hui, la totalité de ces centrales ont été reprises par des fonds d’investissement internationaux. Très rares sont les sociétés locales qui ont eu les moyens de les garder face à l’appétit de la finance internationale. Ces fonds n’ont ramené aucune valeur ajoutée.

Après amortissement, des dizaines de milliards sont transférés chaque année par ces mêmes sociétés sans transfert de technologie ni création d’emploi. Aujourd’hui, toutes les sociétés locales spécialisées dans le renouvelable sont soit en faillite ou en dépôt de bilan avec des pertes d’emploi conséquentes. Selon mon expérience suite aux différents ateliers ou panels auxquels j’ai assisté à travers le monde, le constat est de ne pas refaire la même erreur.

Que préconisez-vous pour le cas algérien?

La construction de ces centrales doit être du ressort de l’entreprise locale algérienne et de droit algérien. Et c’est à l’investisseur algérien de ramener ses partenaires technologiques et non au ministère de l’Energie de décider à leur place.

Qu’en est-il des financements?

Aujourd’hui, l’électricité et le gaz sont subventionnés et leurs tarifs restent très bas ce qui pousse à plus de consommation: donc à plus de gaspillage, donc à placer plus de turbines à gaz. Ma proposition consiste à projeter un programme de cinq à dix ans pour l’élimination totale de ces subventions. Vous savez qu’aujourd’hui la production de l’électricité est à base de turbine à gaz. Il faut la remplacer avec une moyenne de 30% à l’horizon 2035 par le renouvelable. Pour pouvoir financer cette transition, il faut créer un fonds d’investissement citoyen.

Qu’entendez-vous par un fonds d’investissement citoyen?

Sonatrach est une société citoyenne qui s’engage dans les actes citoyens à travers sa contribution dans les subventions du gaz, de l’essence, du gasoil, du dessalement d’eau, etc. Cette subvention intervient en amont. Je pense qu’il vaut mieux intéresser le citoyen en aval à travers la participation au capital du fonds d’investissement qui va financer les dizaines de gigawatts en renouvelable.

Avec un ensoleillement de huit à 13 heures par jour, le retour sur investissement en Algérie est situé entre sept et huit ans. Avec un engagement de Sonelgaz ou un autre opérateur qui achètent l’électricité produite par ces centrales sur une période de 20 ans, à vous de calculer le gain d’une seule action au capital de ce fonds d’investissement citoyen sur une période de 12 années. Ce sera ce même citoyen algérien actionnaire qui bénéficiera de cette transition énergétique avec ses retombées financières en milliards et non aux fonds d’investissement étrangers qui vont les transférer à l’étranger.