Marché de l’art: d’abord un climat favorable à la création, disent les artistes et les professionnels

Marché de l’art: d’abord un climat favorable à la création, disent les artistes et les professionnels

Lancer un marché de l’art viable, installer une économie culturelle durable passe obligatoirement par l’instauration d’un climat favorable au travail de création soutenu par un réseau dense de galeries d’art et une évaluation objective des œuvres, s’accordent à dire plasticiens et galeristes réunis depuis samedi à Alger à la faveur de la grande exposition « Le printemps des arts ».

Interrogés par l’APS, ces artistes et professionnels considèrent que la circulation des œuvres d’art concerne « essentiellement » des intervenants privés à l’exemple des opérateurs économiques (publics et privés), des galeristes, des acquéreurs parmi les particuliers et les artistes eux-mêmes. Autant d’éléments pour un environnement propice à la création qui, actuellement, fait défaut en Algérie, regrettent-ils.

Pour des artistes comme Malek Saleh et Rachid Djemaï, « avant de parler d’un marché de l’art, il faut d’abord passer par une évaluation objective des cotations et du niveau des créateurs actifs » sur la scène des arts plastiques.

Tous deux préconisent une exposition nationale des œuvres d’art « en présence d’experts et critiques reconnus mondialement ».

A la suite de cette évaluation, l’implication des entreprises économiques peut faire jouer une « spéculation positive » à même d’apporter une valeur monétaire aux œuvres, disent-ils. A leur avis l’Etat peut jouer le rôle de « courroie d’entrainement » en étant simple « acquéreur » des œuvres d’art et en encourageant, par des avantages fiscaux, les entreprises publiques à adopter un réflexe d’acheteurs.

« Le marché de l’art ne se décrète pas »

Rencontré dans les allées du « Printemps des arts » où il expose ses sculpture, Mohamed Massen estime qu’un marché de l’art « n’est pas une loi que l’on décrète, ni une infrastructure que l’on construit ».

Il juge lui aussi nécessaire la professionnalisation de métiers évoluant autour de l’artiste, comme le galeriste, le critiques d’art, le scénographe, ou encore le commissaire d’exposition: « aucune de ces spécialités n’est pour l’heure enseignée en Algérie », assène-t-il.

« Ces conditions réunies, dit-il, une simple impulsion commerciale portée par les pouvoirs publics suffirait à créer une économie pour et mettre en en orbite les arts plastiques algériens, qui font preuve d’une ‘grande vitalité’ et les mettre au diapason de ce qui se fait dans le monde ».

Zoubir Hellal estime, pour sa part, que le marché de l’art « ne peut être l’affaire des politiques ou de l’administration ».

Cette dernière doit, cependant, jouer son rôle de « régulateur » et les pouvoirs publics mettre en place une « politique d’acquisition », estime encore ce designer et enseignant à l’école des Beaux-arts d’Alger qui rappelle que la dernière commission d’acquisition des œuvres d’arts s’était tenue en 2003.

Le photographe d’art et plasticien Mizo considère de son côté que l’artiste doit proposer régulièrement des nouveautés et « insuffler une dynamique artistique lucrative » portée notamment par les galeristes. A ses yeux, une dynamique de marché est « nécessairement » impulsée par une « production massive » et « de haute facture ».

Tout en saluant la manifestation comme « premier espace de rencontre et d’échange entre artistes et avec des galeristes (qui leur est) proposé, de nombreux artistes-peintres exposant au « Printemps des arts » sont favorables à une plus grande « ouverture » sur toutes les régions d’Algérie ».

Les galeries, un acteur incontournable

Ces artistes relèvent, par ailleurs, le nombre « très insuffisant » de galeries qui ne dépassent pas la quinzaine dans toute l’Algérie, dont une dizaine concentrées à Alger.

Seules quelques galeries survivent en dehors de la capitale, comme à Oran, Biskra, Sétif et Constantine.

En plus du manque des espaces d’exposition, la plasticienne et galeriste Valentina Ghanem Pavlovskaya souligne l’ « absence totale » de formation pour ce métier qui, rappelle-t-elle, nécessite autant de connaissances dans l’art qu’en commerce et marketing.

Aux yeux de la galeriste Randa Tchikou, le marché de l’art a d’abord besoin d’un « accompagnement réglementaire » pour définir le statut juridique des galeries et des œuvres mises sur  le marché.

Créer un marché de l’art dynamique passerait, selon elle, par une « ouverture sur les marchés étrangers et les maisons de vente internationales » qui fixent aujourd’hui les cotations des artistes. Une « implication » des entreprises et institutions pour l’acquisition des œuvres, encouragée par des avantages fiscaux attractifs, est également souhaitée, dit-elle.

La grande exposition « Le printemps des arts » se poursuit jusqu’au 12 mai avec la participation de plus de 180 artistes et quelque 500 œuvres exposées.