L’intérêt de l’administration coloniale française pour le Sahara algérien remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cet intérêt subit trouve son explication dans l’annonce de gisements de pétrole par les sociétés européennes, la découverte de plusieurs types de métaux dans le Sud et l’entrée de la France dans le quatuor mondial des détenteurs de l’arme nucléaire.
Et quel meilleur espace d’essais que le plus grand désert du monde ? Un engouement sans pareil s’en est suivi puisque la France colonialiste s’est cramponnée à cette région jusqu’à la dernière minute durant les négociations d’Évian. Le Forum de la Mémoire du quotidien El Moudjahid, en collaboration avec l’association Machaâl Echahid, est revenu hier sur ce pan de la Révolution avec, notamment, les manifestations du 27 février 1962 organisées à Ouargla pour dire non à la séparation du Sahara du reste du pays. “Alors que pour la première fois, les termes intégrité du territoire et indépendance totale du pays ont été prononcés lors du Congrès de la Soummam, l’administration coloniale a toujours éludé la question”, dira le Dr Mohamed Lahcen Zeghidi, moudjahid et historien, qui a animé la conférence dédiée à ce sujet. Mais, ajoutera-t-il, “l’attachement des habitants de cette région à l’unité nationale et leur refus catégorique de toute manœuvre française visant à séparer le Sahara algérien du reste du territoire national était plus fort que tout”. Parallèlement, explique le conférencier, les manifestations étaient d’un soutien certain pour la délégation algérienne chargée des négociations pour recouvrer la souveraineté nationale. “C’était une réponse des Algériens à la France voulant séparer le Sahara”, a précisé l’historien, avant de souligner l’impact de ces manifestations dans l’unification des rangs et la préservation de l’intégrité du territoire national. Les manœuvres et visées des autorités coloniales de diviser le pays ont connu un cinglant échec face à la foi et à l’attachement du peuple algérien à l’unité de son territoire. De son côté, le lieutenant Mohamed Chenoufi témoignera en pleurs des atrocités commises par l’armée française durant ce soulèvement populaire. Étant désigné par ses responsables, le moudjahid devait en fait s’occuper avec les notables et autres responsables locaux de mettre au jour ces manifestations. L’appel a été adressé à la population pour sortir le 27 février 1962, date qui coïncidait avec la visite de la délégation du gouvernement français conduite par Max Lejeune. La délégation, comprenant des représentants de l’ONU, était dépêchée pour promouvoir la politique séparatiste du Sahara du reste du territoire national. Informée de cette manœuvre, la direction du FLN donna l’ordre à la population de la région d’organiser des manifestations pour exprimer son attachement à l’unité du territoire et son intégrité, et delà, le refus de toute compromission. Car compromission il y en a eu avec la politique prônée par de Gaulle de créer un territoire regroupant toutes les tribus touareg de toute la région. Les contacts établis à cet effet avec Mohamed Bey et son frère Moussa (Hadj Akhamokh) n’ont pas abouti. Les deux frères ont rejeté catégoriquement la proposition diabolique.
Les manifestations, qui devaient avoir lieu dès le matin du 27 février 1962, ont été reportées à 13h, soit avec l’arrivée prévue de la délégation. Mais cette dernière n’arrivera que vers la fin de l’après-midi. Selon le témoignage du moudjahid, les manifestants ont entamé leur marche avec des slogans hostiles à la colonisation. “Le Sahara est algérien”, “Non à la séparation de cette région”, scandaient-ils tout en entonnant des chants patriotiques. Les troupes de gendarmes, qui ont pris conscience de l’ampleur du mouvement, recoururent d’abord aux grenades lacrymogènes avant d’utiliser les armes automatiques contre la foule impétueuse. On déplora cinq martyrs et une vingtaine de blessés.
Avec cet évènement, la France coloniale, qui a tenté de l’exploiter à son profit, n’avait d’autre choix que de se rendre à l’évidence : la suite des négociations d’Évian ont fini par faire plier de Gaulle et son gouvernement.
A F