Lorsque les obsèques deviennent des activités commerciales: Des enterrements sur mesure

Lorsque les obsèques deviennent des activités commerciales: Des enterrements sur mesure

Ainsi, on observe l’arrivée toute récente, sur le front des prestations mortuaires, de plusieurs «entreprises» qui «offrent» toute une gamme de cérémonies, de la plus rudimentaire à la plus sophistiquée, dont celles réservées aux…VIP.

Les enterrements en terre algérienne vont-ils devenir une activité lucrative? A en juger par le nombre d’ «agences» n’ayant pas encore pignon sur rue, mais déjà prétendument «spécialisées» dans les obsèques à la carte, la chose est en phase d’enracinement dans les moeurs, du moins au niveau de certaines villes du pays. Il semble donc que le vent de la mondialisation qui n’épargne plus aucun pays de la planète ait entrepris de souffler de plus en plus fort sur les terres d’Ibn Badis.

Ainsi, on observe l’arrivée toute récente, sur le front des prestations mortuaires, de plusieurs «entreprises» qui «offrent» une gamme, de la plus rudimentaire à la plus sophistiquée, de cérémonies dont celles qualifiées de VIP. Certaines sociétés vont même jusqu’à vous proposer la construction du site tombal, qui avec du marbre à profusion et à coloration diverse, qui avec du granit, selon les desiderata et les capacités de la bourse consacrée à l’affaire. Les plus zélées ont carrément une longueur d’avance en ce qu’elles assurent, toujours à la carte, une lecture des versets coraniques, rigoureusement appropriés à la situation et conformes aux voeux ultimes de la famille éplorée.

Traditionnellement, un deuil est l’affaire exclusive de la famille du défunt, précisément, ainsi que de ses proches et de son voisinage plus ou moins immédiat. Et quant au mode consacré, il reste tributaire des valeurs anciennes, pour ne pas dire ancestrales et passe pour être immuable. Quant au choix du terrain et de l’architecture de la tombe, cela relève encore du seul arbitre de la famille au sens le plus restrictif du terme.

Bref, ces valeurs traditionnelles ont constamment prévalu en ce domaine même si on relève ces temps derniers quelques phénomènes nouveaux comme la précipitation avec laquelle on porte en terre la dépouille du défunt ou de la défunte, quelques heures à peine après son décès, alors que deux décennies auparavant, il était encore d’usage de procéder à une veillée funèbre en mémoire du ou de la disparu (e). Ainsi, la mondialisation est-elle passée par là aussi, bousculant avec la même brutalité les modes de vie et les modes de pensée que l’on croyait pérennes. A pas feutrés, ou de façon presque imperceptible, elle nous conduit sur des contrées très éloignées des moeurs patriarcales. Fort opportunément, des petits futés parviennent à trouver matière à exploiter certains filons comme celui de la mort, prenant en exemple des habitudes et des modes opératoires qui nous sont bougrement étrangers.

A Oran, des prémices de pompes funèbres commencent à voir le jour et déjà on parle de catalogues alléchants qui vantent la qualité et la pérennité des tombes, en fonction de l’investissement que l’on est prêt à consentir.Petit à petit, on en viendra alors à la réservation anticipée des sites et des stèles, voire à la surenchère pour la lecture des sourates du Livre saint d’ores et déjà monnayées à raison de 1000 DA les cinq minutes. Pour un peu, il y aurait une majoration selon les tonalités apparentes et les larmes à verser!

Qui a dit que le ridicule ne tue pas? En tout cas, il enrichit désormais et, comme l’appétit vient en mangeant, on comprend pourquoi le rituel du troisième jour est devenu depuis quelque temps prétexte à ripailles et l’occasion d’une rivalité extrême en termes d’agapes et de friandises qui n’ont que peu ou pas de relation véritable avec un moment de recueillement à la mémoire d’un disparu. Tout au plus, nous voilà revenus aux célébrations antiques qui caractérisaient les fêtes de Bacchus sans que ceux qui s’y adonnent sachent vraiment à quoi ils se livrent…