Les jus de fruits industriels: Aliments nutritifs ou danger pour la santé ?

Les jus de fruits industriels: Aliments nutritifs ou danger pour la santé ?

De grandes firmes industrielles internationales ont été pointées du doigt parce que soupçonnées de mettre dans leurs boissons une matière “stupéfiante”.

Associés aux vitamines, oligoéléments et minéraux indispensables au bon fonctionnement de l’organisme, les jus de fruits industriels sont largement consommés. La consommation excessive de ces produits est également une résultante du trop-plein de publicité. Les astuces marketing ancrées, par le passé, dans la culture occidentale, se sont bien installées chez nous, influençant du coup nos habitudes alimentaires, particulièrement celles des enfants et adolescents. Attitude alarmante pour les spécialistes qui tirent la sonnette d’alarme.

Les valeurs nutritionnelles

Interrogé sur les valeurs nutritionnelles des jus de fruits industriels tant vantées par la publicité, le docteur Mohamed Rédha Guedjati, maître de conférences hospitalo-universitaire en physiologie clinique, répond d’emblée qu’ils n’en ont pas et précise “qu’en réalité, ces produits ne contiennent pas de fruits. Il s’agit tout simplement d’une recomposition faite à partir d’extraits de fruits auxquels on additionne d’autres matières tels des produits conservateurs, des arômes, des colorants, du sucre et des vitamines. Toutefois, cet apport en vitamines se trouve modifié lors de la préparation, de la pasteurisation et du conditionnement des ces boissons”. Notre interlocuteur explique que “certaines vitamines résistant mal à la conservation, laquelle peut durer entre 6 et

12 mois, sont pratiquement détruites, de même que les minéraux et les oligoéléments. Pis encore, la destruction de ces éléments nutritifs ne constituent pas le seul inconvénient de ces boissons industrialisées. Quand celles-ci sont conditionnées dans des bouteilles en plastique, la santé du consommateur est carrément menacée. Car une réaction se produit entre les composants du jus et le produit d’emballage. Cette réaction est accentuée du fait des conditions de stockage non adéquates du produit (la lumière, la chaleur…) ainsi que son transport sous le soleil. Là, la formule chimique du conservateur est forcément modifiée”. Par ailleurs, le docteur Guedjati met en garde : “L’apport énergétique découlant des quantités de sucre dépasse de loin les besoins de l’organisme. Cet autre méfait de la consommation des jus conditionnés en bouteille ou en boîte carton, est l’un des facteurs de l’obésité, particulièrement chez l’enfant. Des études réalisées, en 2008, dans des pays occidentaux, ont prouvé le lien entre la consommation de ces jus contenant une quantité de sucre supérieure à la normale et le gain en poids, l’un des facteurs prépondérants de la survenue du diabète de type 2”.

La salubrité et la sécurité

De grandes firmes industrielles internationales ont été pointées du doigt parce que soupçonnées de mettre dans leurs boissons une matière “stupéfiante” agissant sur le cerveau et l’incitant à consommer de façon abusive leurs produits. Chez nous, les effets hallucinants contenus dans une poudre vendue dans les épiceries et destinée à la préparation de boissons se sont avérés chez des adolescents hospitalisés suite à des malaises.

Selon Dr Guedjati “ces adolescents ont trouvé une manière de consommer ce produit soit en le fumant, soit en l’absorbant sans le diluer dans l’eau. On ignore, cependant, lequel des composants de cette poudre se trouve être à l’origine du phénomène de délire constaté”. Pour sa part, Dr Houssem Eddine Ferrah, médecin spécialiste en endocrinologie déclare que “les fruits destinés à la transformation en concentré de fruits, élément de base pour la préparation des jus embouteillés, conservent, même après nettoyage, une partie des pesticides par lesquels ils ont été traités avant la cueillette”. Cette vérité désastreuse s’est vérifiée aux États-Unis, suite à une étude publiée périodiquement, par l’Environmental Working Group (EWG), une ONG environnementale de Washington. Les chercheurs ont démontré la persistance de résidus de pesticides dans des fruits à travers 87 000 tests réalisés entre 2000 et 2009 puis en 2013 et 2014.

Une autre étude publiée par l’association Pesticide Action Network Pan Europe (fondée sur les données de l’Autorité européenne de sécurité sanitaire) a dressé une liste des fruits les plus pollués, à savoir la fraise, la pêche, la pomme, la poire et le raisin. Et les pesticides ont été reconnus comme étant à l’origine d’effets toxiques sur l’homme tels que des répercussions sur le système nerveux, des effets cancérigènes, des irritations de la peau, des yeux et des poumons ainsi que des perturbations du système endocrinien.

Les perturbateurs endocriniens

“Le système endocrinien, dont le rôle est de réguler la sécrétion d’hormones essentielles au métabolisme, à la croissance, au développement, au sommeil et à l’humeur, entre autres, s’il est exposé à certaines substances, sera perturbé. Fait susceptible d’être à l’origine de plusieurs maladies et malformations congénitales”, affirme le docteur Ferrah. Et d’ajouter : “Il faut savoir que le perturbateur endocrinien est une substance exogène (provenant de l’extérieur de l’organisme) présente dans les pesticides, les appareils électroniques, les produits d’hygiène, les produits cosmétiques, le plastique… Cette substance exogène mime l’action des hormones endogènes (émanant du corps) et peut empêcher l’action physiologique des hormones naturelles ou modifier leur transport ou métabolisme au niveau des sites périphériques des actions de ces hormones. Parmi ces substances figure le bisphénol A (abrégé en BPA) contenu dans la matière première des bouteilles en plastique et qui est lié, selon des études, à la perturbation du système endocrinien. Des études allemandes et américaines ont mis en lumière les effets de ce perturbateur endocrinien sur la reproduction (diminution de la moitié des spermatozoïdes et des ovules). On impute également à ce composé chimique des cancers hormono-dépendants tels le cancer du sein, des testicules, de la prostate en sus des anomalies affectant les organes génitaux externes chez le garçon (cryptorchidie et hypospadias), la puberté précoce chez la fille, des troubles du développement du système nerveux et de l’attention, l’hyperactivité chez l’enfant et le diabète”.

Le Dr Ferrah souligne que “la migration du BPA vers la boisson conditionnée dans du plastique est favorisée par l’exposition au soleil de cette dernière. Les pesticides, autres perturbateurs endocriniens, agissant sur la succession de chaînes de sécrétion des hormones surrénaliennes, peuvent donner des insuffisances en hormones sexuelles (d’où l’infertilité), et en cortisol (hormone responsable de la régulation de la glycémie et la tension artérielle). L’insuffisance rénale est une autre conséquence éventuelle du déficit en cortisol”.

Les mesures de prévention

Le docteur Ferrah admet “qu’actuellement l’utilisation des pesticides pour le traitement des vergers est soumise à des règles, ce qui n’était pas le cas, par le passé. Seulement, le risque est toujours là. Alors, le consommateur est exhorté à bien nettoyer les aliments afin de les débarrasser des résidus de substances nocives pour la santé”. Notre interlocuteur préconise “la consommation instantanée des jus de fruits naturels faits maison, pas trop concentrés et sans sucre”. Pour sa part, le Dr Mustapha Zedbi, président de l’Association algérienne de protection et orientation du consommateur (Apoce), dénonce le non-respect des conditions de stockage, par les réseaux de distribution, lors du transport des boissons (eau de source, minérale ou gazeuse et jus de fruits industrialisés) conditionnés dans du plastique. “Il fait savoir qu’Apoce a maintes fois attiré l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de la mise en place d’un décret exécutif interdisant ce genre de pratiques nocives à la santé publique”, souligne le Dr Zebdi. Celui-ci rappelle, par ailleurs, que “l’été passé, Apoce avait lancé une campagne de sensibilisation sous le slogan : “Stop ! Ne me faites pas boire du poison !” Au cours de cette campagne, des photos scandaleuses sont parvenues à l’association. L’une d’elle était flagrante. Elle montrait le stockage de l’eau minérale, à l’air libre, sous le soleil au niveau d’une unité de production”. Le président d’Apoce juge “inadmissible qu’une boisson conditionnée dans du plastique traverse tout le désert algérien sans conditions de transport adéquates alors qu’il est signifié sur l’emballage du produit que celui-ci se conserve à une température bien déterminée. Dans le cas contraire, cette boisson devient potentiellement toxique”. Interpellés, les services de sécurité s’étaient, selon ladite association, heurtés au vide juridique relatif au transport non conforme de produits alimentaires.

Notre interlocuteur déclare : “En attendant que le ministère du Commerce interdise le transport des boissons dans des conditions pareilles, c’est-à-dire sous le soleil et la chaleur, la seule action qu’on peut mener reste la sensibilisation du consommateur afin d’amoindrir les risques”. Le Dr Zebdi conclut : “Notre campagne de sensibilisation sera relancée lors de la prochaine saison estivale. Et cette fois-ci, elle sera renforcée par l’implication de tous nos bureaux installés sur le territoire national”.