LES ANNONCES DE COURS DE SOUTIEN FOISONNENT AU MÉPRIS DES AUTORITÉS Les vampires de l’école

LES ANNONCES DE COURS DE SOUTIEN FOISONNENT AU MÉPRIS DES AUTORITÉS Les vampires de l’école

Il faut souligner que l’affichage externe vient en appoint de celui qui se fait à l’interne. Car la première publicité, la plus efficace d’ailleurs, se fait d’abord à l’intérieur des classes.

Deux semaines seulement après la rentrée scolaire 2017-2018 et revoilà les fameuses annonces de cours particuliers qui pullulent. A l’entrée des mosquées, sur les abribus, sur les murs des établissements scolaires, au marché, à l’intérieur des cafés, dans les transports publics…bref, elles sont partout. Ecrites en couleurs et en filigrane, les affiches en question ne laissent personne indifférent. «Il est porté à la connaissance des élèves des classes de…que des cours en……vont commencer à partir de… Pour plus d’informations, veuillez contacter ce numéro…». Tel est le texte qu’on peut lire sur la quasi-totalité de ces affiches anonymes. Un texte écrit à la va- vite qui rappelle étrangement le mode opératoire que les voleurs adoptent pour réussir leurs plans sans faire trop de bruit ni perdre beaucoup du temps. La comparaison n’est pas dure, étant donné que l’objectif est le même, à savoir réussir et gagner de façon illégale et au détriment des autres. Si dans le cas du voleur, l’autrui pourrait être constitué de particuliers ou l’Etat(jamais les deux en même temps), dans le cas de ces enseignants, autrui sont les deux à la fois. Pour se donner à fond et être à la hauteur de leur métier dans les établissements publics (primaire, collège et lycée), ces derniers profitent du salaire perçu pour louer des caves en bas des immeubles, afin d’exercer dans l’informel et arnaquer ainsi les élèves et leurs parents. Il faut souligner que l’affichage externe vient en appoint de celui qui se fait à l’interne. Car la première publicité, la plus efficace d’ailleurs, se fait d’abord à l’intérieur des classes à la même heure des cours donnés dans les établissements scolaires publics. «Les cours qu’on vous donne en classe c’est pour vous ouvrir l’appétit. L’essentiel vous l’aurez mardi soir ou vendredi chez moi», n’hésitent pas à déclarer des enseignants à leurs élèves, témoignent des parents d’élèves. Le bon élève aux yeux de ces enseignants n’est plus celui qui travaille à l’intérieur des classes des établissements publics, mais bel et bien celui qui s’inscrit d’abord en premier dans les classes informelles. L’élève qui travaille en classe ne peut être jamais considéré comme bon élève car il ignore beaucoup de choses importantes qui se disent dans les classes payantes. Ainsi, il est disqualifié de facto aux yeux de ces enseignants et de ses camarades qui poursuivent leurs cours chez ces mêmes enseignants. «C’est cette nouvelle méthode d’évaluation adoptée par les enseignants qui a contraint les élèves et leurs parents à recourir de plus en plus à ces cours», témoigne un parent d’élève.

En parfaits managers, ces enseignants ont élargi la gamme de leurs offres ces dernières années et du coup, de leurs clients «victimes» pour bien rentabiliser leur (commerce). Autrement dit, les enseignants ne se contentent plus de donner des cours aux élèves des classes d’examen, mais à ceux de toutes les années. «Car la réussite avec une bonne moyenne à l’examen de fin d’année, se prépare dès la première année du cycle», affirment-ils. Par ailleurs, interrogé par nos soins sur la date de l’apparition de ce phénomène en Algérie, un enseignant à la retraite précise qu’il ne remonte pas à très longtemps. «Il date du début des années 2000, plus précisément à partir de l’année scolaire 2002-2003 ». Aussi étrange que cela puisse paraître, notre interlocuteur souligne que c’est le ministère de l’Education qui est à l’origine de l’apparition de ce phénomène. En effet, c’est lui qui a initié l’idée des cours de soutien à cette époque-là. En effet, pour remplacer les cours de rattrapage que les enseignants donnaient aux élèves faibles lors des séances programmées en fin de journée, il a recruté des enseignants- de nouveaux diplômés- pour enseigner à ces élèves faibles dans certaines matières. «C’est cette idée-là qui a inspiré les enseignants à dispenser des cours à ces mêmes élèves, mais moyennant de l’argent», indique-t-on. Le ministère qui a vite abandonné, ajoute l’enseignant, l’idée de recruter ces enseignants de confortement, a laissé la voie libre aux enseignants. Il faut dire à ce propos que le ministère de l’Education qui a tenté de se ressaisir, en accentuant particulièrement les sanctions contre les enseignants qui s’absentent, a vite cédé et renoncé à l’idée.

Car il n’y a du point de vue de la loi aucun article qui interdit à un enseignant d’enseigner en dehors des heures de travail dans sa maison ou ailleurs. Le ministère du Commerce, qui a tenté de son côté d’imposer des impôts aux enseignants surpris en train d’enseigner dans des caves, a lui aussi jeté l’éponge. L’idée du ministère s’est inscrite, rappelons-le, dans le projet global du gouvernement visant à lutter contre l’informel et la récupération de l’argent qui y circule. Les raisons doivent sans doute avoir un rapport avec la complexité de lutter contre le phénomène de l’informel qui a résolument la peau de la mule dans notre pays.

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