Le vice-premier ministre, second prince héritier saoudien, à Alger: Les cartes cachées d’une visite

Le vice-premier ministre, second prince héritier saoudien, à Alger: Les cartes cachées d’une visite

Pragmatiques, les Saoudiens ont choisi de privilégier les liens solides qui existent entre les deux pays et cela s’est clairement manifesté lors de la réunion informelle de l’Opep, à Alger, transformée en réunion officielle grâce à l’entregent de la diplomatie algérienne…

Présent à Alger mardi dernier pour une visite de «fraternité», le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur et second prince héritier Mohamed Ben Nayef Ben Abdelaziz Al-Saoud a été reçu par le chef de l’Etat, pour des entretiens auxquels ont assisté le ministre d’Etat Tayeb Belaïz et le ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue arabe Abdelkader Messahel.

Aucune information n’a filtré quant au motif de cette visite qui a suscité moult interrogations. Mais ce n’est pas là vraiment une surprise car l’hôte saoudien était déjà en Algérie en novembre dernier durant plusieurs jours et on sait, de source sûre, qu’il séjourne souvent dans notre pays.

A cela, une première raison: si en 2014 et 2015, les sujets qui fâchent étaient denses et préoccupants, tel n’est plus le cas depuis plus d’un an car une embellie spectaculaire est intervenue, avec la multiplication des contacts et des rencontres officielles. Le vice-Premier ministre saoudien a ainsi effectué plusieurs séjours à Alger, dissipant les nuages qui avaient assombri la venue du ministre des Affaires étrangères Adel Ben Ahmed al Jubeir. L’exemple le plus probant est l’accueil digne d’un chef d’Etat que le roi Salmane avait réservé au Premier ministre Abdelmalek Sellal, reçu en grande pompe au Palais royal d’Al Yamamah avec la délégation qui l’accompagnait pour des retrouvailles spectaculaires.

Auparavant, en avril 2016, l’envoyé spécial du chef de l’Etat, Tayeb Belaïz, avait levé les équivoques en expliquant les positions de l’Algérie, notamment au sein de la Ligue arabe, lorsqu’il y eut l’examen de la question d’une coalition chargée de combattre le terrorisme au Yémen. Pragmatiques, les Saoudiens ont choisi de privilégier les liens solides qui existent entre les deux pays et cela s’est clairement manifesté lors de la réunion informelle de l’Opep, à Alger, transformée en réunion officielle grâce à l’entregent de la diplomatie algérienne qui a rapproché les points de vue des deux irréductibles antagonistes que sont l’Arabie saoudite et l’Iran.

Il faut dire que Riyadh est dans une mauvaise passe, avec des évènements contraires en Irak, en Syrie et même au Yémen où ses forces sont engluées au prix de lourds sacrifices financiers et humains. Les illusions de 2015 sur une guerre rapide et victorieuse ont été balayées et les derniers mois ont montré que si victoire il y a, elle risque fort de ne pas être du côté des Saoudiens et de leurs alliés. L’argent ne coulant plus à grands flots, la monarchie pétrolière a été contrainte de mettre en oeuvre un plan d’austérité audacieux, ne craignant pas de céder des parts de la compagnie pétrolière Aramco ou de diminuer les salaires des cadres supérieurs.

La hantise des dirigeants saoudiens résulte en outre de l’élection de Donald Trump, dont les propos réfractaires ont généré la panique sur le changement de statut entre les Etats-Unis et le Royaume saoudien, partenaire privilégié de Washington durant plusieurs décennies. Trump qui ne cache pas son aversion pour les «musulmans», catalogués tous terroristes, reproche à haute voix au wahhabisme de nourrir l’extrémisme qui affecte les intérêts des puissances occidentales.

C’est à la lumière de cette nouvelle donne que Riyadh a opté pour un réchauffement des relations bilatérales, répondant ainsi aux messages du président Bouteflika qui a clairement posé les défis actuels pour les pays arabes, en général, et régionaux, en particulier. Attentif au souci du régime saoudien de s’extirper du bourbier yéménite, au moment où ni l’Irak ni la Syrie ne constituent plus une priorité, Alger travaille, dans une discrétion aussi absolue que coutumière, à une solution médiane entre les belligérants, une fois les rapports bilatéraux apaisés et les conflits inutiles résorbés. Pour faire face aux enjeux sécuritaires qui peuvent compromettre les équilibres dans l’ensemble de la région, la recherche d’un compromis entre Iraniens et Saoudiens est apparue très tôt comme une solution impérative.

Si en Algérie, l’opinion publique est convaincue «que notre pays est plutôt proche de l’Iran que de l’Arabie saoudite», en réalité les choses sont tout autres. L’Algérie n’a jamais opté pour l’Iran contre l’Arabie saoudite, ni pour cette dernière contre l’Iran, privilégi sans cesse une relation triangulaire équilibrée.

Et c’est ce qui confère à sa diplomatie une force et une crédibilité sans égales, comme en témoigne, dans maints dossiers, la recherche de son expertise par de nombreuses parties en conflit. Le dernier exemple est celui du pétrole où les commentaires mielleux, quand ils n’étaient pas fielleux, allaient bon train jusqu’au moment de l’annonce d’un accord considéré par beaucoup comme une illusion à la fois économique et politique. Comme d’autres pays membres et non membres de l’Opep, l’Arabie saoudite a souverainement choisi de placer ses oeufs dans le panier algérien…