Le plasticien sadek rahim expose son dernier projet « call me giminiana »

Le plasticien sadek rahim expose son dernier projet « call me giminiana »

Cette exposition est constituée de six tableaux de format 185/160 cm et de six autres de 60/60 cm, réalisés selon la technique peinture sur toile ainsi que de quelques dessins sur papier.

Pour ce qui est de la technique, c’est un mélange de divers matériaux : poudre et laminé de graphite, laminé de plomb, encre et acrylique. Outre les tableaux, Sadek Rahim a installé un mur d’archives constitué de souvenirs rapportés de Syrie (coffre, pièce d’artisanat, épices…) qu’il veut, a-t-il dit, partager avec les visiteurs.

« J’ai fait un travail de recherche sur Isis, la déesse funéraire de l’Egypte antique qui a deux mille noms », a indiqué le plasticien qui a peint Isis avec des ailes, les ailes représentant aussi des bébés anges, une pensée pour les enfants victimes des guerres.

« Je suis très touché par ce qui se passe en Syrie, pays que j’ai visité en temps de paix », a souligné cet artiste qui a travaillé sur la représentation classique des scènes (paysages en noir, au crayon) mais les a présentées sous une forme contemporaine.

« C’est un projet qui s’est imposé à moi et qui évoque les évènements tragiques en Syrie et en Irak ainsi que l’immigration massive de ces populations vers l’Europe qui s’en est suivie » a confié l’artiste qui a déjà vécu il y a quelques années au Proche-Orient ; une année en Syrie et quatre au Liban, pays où il a fait ses études artistiques.

« Je me suis promis de ne pas me contraindre à produire un projet sur ce sujet à moins que ce dernier vienne naturellement et s’impose à moi. C’est ce qui s’est passé lors de mon dernier voyage à Rome, en mars 2016. Lors de ce voyage touristique, j’ai visité plusieurs musées et galeries.

L’un des moments forts de ces visites a été de revoir l’original d’une fresque représentant le navire marchand Isis Giminiana au musée du Vatican, œuvre que j’avais déjà admiré plusieurs fois dans des livres. Bien sûr, la composition de ce nom m’a intrigué.

L’œuvre en question est une fresque restaurée qui représente une scène de la vie quotidienne de marchands à Ostie, près de Rome, un siècle avant. J.-C. Dans la matinée de ce même jour à Rome, j’avais, par pure coïncidence, assisté au fameux tour du pape en pape-mobile sur la place Saint-Pierre et même pris des photographies.

En rentrant à Oran, quelques jours après, le pape quittait l’île de Lesbos avec trois familles syriennes à bord de son avion. Le projet s’est dès lors naturellement imposé et, très vite, j’ai complété mes recherches pour ce projet ».

« L’artiste, qui a vécu en Syrie et au Liban dans les années 1990, a pu voir comment les mobilités, les déplacements et les migrations déchiraient les destins et modifiaient les paysages et les cartographies humaines », écrit dans la présentation de l’exposition l’historienne et critique d’art Nadira Laggoune-Aklouche.

« Dans l’exposition ʺCall me Giminianaʺ, c’est en peinture qu’il aborde des questions qui habitent l’actualité quotidienne.

Un voyage en Italie, où la question des migrations massives vers l’Europe (en particulier venant de Syrie, d’Irak…) est omniprésente, réveille en lui des réminiscences. Au musée du Vatican, il est frappé par la fresque représentant le navire marchand Isis Giminiana, datant du premier siècle avant J.-C-, qui illustre la vie commerciale à Ostie, assiste au tour du Pape à la place Saint-Pierre de Rome et apprend qu’il a pris en charge trois familles syriennes : trois moments qui, fonctionnant comme un déclic, fusionneront dans une osmose féconde pour finir sur de grandes toiles de peinture », ajoute la spécialiste de l’histoire de l’art.

« La peinture que l’homme pratique depuis des milliers d’années reste l’un des médiums qui lui est le plus familier. Elle a cette capacité de transmettre, par la matière, des sensations plus proches, plus ʺcharnellesʺ qui créent la relation magique avec le regardeur. C’est certainement pour cette raison que ce médium s’est imposé à l’artiste pour parler de questions aussi sensibles que celles de la condition humaine.

Les catastrophes humaines qui ne cessent de se répéter aujourd’hui sont invoquées dans ces peintures aux grands formats où les coulures, hachures, traits cassants côtoient les traces pacifiques de cultures ancestrales, où planent des âmes en peine au-dessus de paysages dévastés par la haine. » « La représentation de la guerre et des grandes tragédies est toujours problématique pour les artistes : comment en parler sans tomber dans le pathos, l’illustration ou la reproduction ?

Il reste à l’artiste à utiliser le langage des sens, de l’émotion et de ses propres sentiments qu’il donne en partage pour donner à penser : assurément, c’est ce que fait Sadek Rahim dans « Call me Giminiana, bousculant quelque peu au passage le confort perceptif des préjugés esthétiques », conclut la critique d’art.

Maîtrisant toutes les techniques, Sadek Rahim, diplômé des prestigieuses écoles des Beaux-arts de Beyrouth et de Londres, qui est l’un des premiers artistes à avoir exposé des installations, compte à son actif plusieurs expositions en Algérie et à l’étranger (Europe, Moyen-Orient …)

Actuellement, le plasticien travaille sur des projets pour plusieurs expositions à venir, entre autres l’exposition TALANT en Tunisie, une rencontre entre la galerie A. Gorgi et l’entreprise Talant, qui prête un espace de 800 m2, à des artistes venus du Maghreb arabe et un grand projet qui lui tient particulièrement à cœur pour le nouveau musée à Oran, le MAMO.