Le charbon, le foin et le couteau pour le mouton: Les accessoires d’une fête

Le charbon, le foin et le couteau pour le mouton: Les accessoires d’une fête

La richesse ovine de l’Algérie est importante, mais cet animal à la chair savoureuse subit une surconsommation.

Dans quelques semaines et comme tous les ans, un carnage où trois à quatre millions de moutons seront sacrifiés déversera un torrent de sang dans les canalisations du pays. Bientôt les rues des villes et des villages se transformeront en abattoirs à ciel ouvert et durant les trois jours que durera El Aïd El Adha, les braseros lâcheront dans l’atmosphère des tonnes d’équivalent carbone en effluves fumigènes de viande et de graisse grillées.

En prévision de cette date qui assouvira les instincts carnassiers de la population et nourrira sa foi, tous les quartiers deviendront des lieux de transhumance. Des enfants heureux et des adultes enjoués traîneront ainsi du matin au soir leurs béliers cornus ou à tête glabre parmi les bottes de foin et les monticules de charbon. La musique qui s’élèvera au-dessus des autres sera celle, stridente et particulièrement désagréable, des meules à affûter les couteaux et les serpes d’équarrissage. Ces armes blanches de toutes les tailles seront exposées en plein air et à la portée.

Elles jouxteront les paquets de henné dont on badigeonnera affectueusement le crâne de la bête avant d’en manger la cervelle, le foie, les côtes et tout le reste jusqu’au dernier rognon.

La relation qu’entretiennent les Algériens avec le mouton est empreinte d’une certaine ambivalence. Considéré peu avant son égorgement comme un doux animal de compagnie, il finit en moins de temps pour le dire en carcasse dont on débite chaque jour un morceau.

En plus d’être l’ingrédient essentiel de la chorba, du couscous et des ragoûts, il forme le met incontournable de toutes les célébrations; des mariages, aux veillées funèbres et à l’occasion du retour des pèlerins. En dépit des alarmes médicales qui ne cessent de l’accuser d’être un puisant vecteur de cholestérol, sa consommation est synonyme d’abondance et de prospérité. Heureusement, d’ailleurs, que le patrimoine ovin de l’Algérie permet ces excès, sinon il y a longtemps que l’espèce se serait éteinte.

Le cheptel national, qui constitue la population de ruminants la plus nombreuse au Maghreb, compte près de 22 millions de têtes, soit un individu pour chaque deux habitants. Il se place donc loin devant les cinq millions de caprins, les deux millions de bovins et les 350.000 chameaux. Le mouton fournit environ 50% de la production nationale de viandes rouges et participe à environ 10 à 15% du produit intérieur brut agricole. Il essaime à travers 20 millions d’hectares; une superficie qui tend cependant à se réduire à cause des sécheresses répétées, d’une pression grandissante sur le pâturage et des défrichements excessifs.

Il est d’autre part glouton en fourrage vert et sec pendant l’hiver, une saison où son alimentation est enrichie en plus de la luzerne, de l’orge et du foin par des céréales telles que le maïs.

Les races ovines algériennes se composent de huit familles (voir encadré): Ouled Djellal, Berbère, Rembi, Barbarine, D’man, Hamra, Sidahou et Tazegzawth.

Ces lignées sont connues pour leur robustesse et leur rusticité, mais subissent régulièrement des épidémies dont la fièvre aphteuse.

Récemment, le ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche avait interdit le mouvement du cheptel à travers les régions où des cas de fièvre aphteuse étaient signalés pour empêcher la propagation de la pathologie. La même mesure avait été prise en juillet 2014 et les services vétérinaires du pays avaient mené une campagne de mise en quarantaine et d’abattage dans plusieurs régions. Le mouton fait en outre l’objet de trafics aux frontières, ce qui met davantage sa vie en danger.

Les races ovines algériennes

OULED DJELLAL

Avec plus de 60% de la population totale, c’est la race ovine la plus importante d’Algérie. Elle est prisée pour sa chair savoureuse et parfumée, mais également pour son poids puisqu’un bélier adulte peut atteindre 80 kg et 60 kg pour la brebis. Elle est originaire de la steppe et les hautes plaines, mais elle a migré depuis un certain temps vers les montagnes du nord du pays.

BERBERE

Deuxième race en importance avec 25% de l’effectif. Elle est considérée comme la plus ancienne et peuple traditionnellement les massifs montagneux du nord. De petite taille, elle est couverte d’une laine mécheuse et son poids est de 45 kg pour le mâle et de 30 kg pour la femelle.

REMBI

C’est la plus lourde de toutes avec un poids de 90 kg pour le bélier et 60 kg pour la brebis. Son habitat se situe dans l’Ouarsenis et les monts de Tiaret.

La Rembi porte une robe chamoise et se singularise par une tête rouge à brunâtre. Elle représente 11% du cheptel national.

BARABARINE

Avec sa queue grasse et ses gros sabots, elle est adaptée aux conditions sahariennes de l’Erg oriental, son habitat principal. Son poids est de

45 kg chez les béliers et 37 kg chez les brebis. Elle représente 0,30% du cheptel national.

D’MAN

Originaire du Maroc, elle constitue la race la plus prolifique du Maghreb, mais ne participe que de 0,2% dans la population algérienne. Elle est particulièrement répandue dans le sud-ouest où son effectif est estimé à 3 500 âmes.

Son mâle pèse entre 30 et 45 kg et sa brebis entre 50 et 70 kg.

HAMRA

Egalement originaire du Maroc, elle porte parfois le nom de Beni Iguil. Son aire d’extension va du Chott Ech-Chergui et de l’Atlas saharien ouest et les monts de Tlemcen et de Saïda. Son effectif a dramatiquement diminué en Algérie passant de 2,5 millions d’individus dans les années 1980 à moins de 60 000 (environ 0,30% du cheptel) dans les années 2000. Le poids du bélier est d’environ 70 kg et celui de la brebis de 40kg.

SIDAHOU

Elle nous vient du Mali et se fait également appeler le Targui puisqu’elle est essentiellement élevée dans le Hoggar et le Tassili. Les béliers pèsent en moyenne 40 kg et les brebis 35 kg. Elle représente environ 0,13% du cheptel ovin national.

TAZEGZAWTH

La race kabyle par excellence se caractérise par ses tâches noires à reflets bleuâtres d’où son nom. Elle vit principalement dans les wilayas de Béjaïa et de Tizi Ouzou et son poids peut dépasser 30 kg. C’est la moins nombreuse et ne représente que 0,02% du cheptel national. Ses particularités risquent de disparaître à cause de croisements non contrôlés avec les autres races.