Depuis la chute du régime de Kadhafi, la guerre au Mali et les changements intervenus en Tunisie, l’Algérie se retrouve entourée de foyers de tension qui menacent sa sécurité et posent un énorme défi aux forces de sécurité.
En décidant de fermer son ambassade et son consulat général en Libye, Alger vient, sans doute, de confirmer, par ce geste, le niveau de dégradation de la situation sécuritaire dans ce pays, en proie à une guerre civile depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi. La menace “imminente’’, à l’origine du rapatriement de notre mission diplomatique, la seconde après celle d’août 2012, au-delà du fait qu’elle révèle le caractère belliqueux des groupes auteurs de ces menaces à l’égard de notre pays, témoigne aussi du défi sécuritaire auquel nous serons confrontés dans les prochaines années sur cette frontière Est longue de près de 1 000 km.
Le ministère des Affaires étrangères, qui a justifié la décision par le caractère “préventif’’ et urgent, a admis toutefois “les conditions sécuritaires difficiles” qui prévalent dans ce pays. Il faut dire que depuis la chute de l’ex-dictateur, l’Algérie, qui n’avait pas manqué à l’époque d’attirer l’attention des capitales occidentales sur les risques qu’occasionnerait la guerre sur la stabilité de la région, a eu fort à faire sur cette frontière.
Outre le kidnapping du wali d’Illizi dont l’opération a été préparée depuis le territoire libyen, l’Algérie a eu à subir l’attaque spectaculaire du site de Tiguentourine, qualifiée par certains responsables militaires étrangers d’acte de guerre. Régulièrement, la presse fait écho de l’interception sur cette frontière de convois transportant divers arsenaux militaires et la neutralisation de plusieurs terroristes. Mais il n’y a pas que la frontière avec la Libye qui cause des soucis à Alger.
Il y a aussi la frontière sud avec le Mali longue de 1 376 km. Il y a quelques jours, l’ANP a fait état de l’élimination de pas moins de douze terroristes au niveau de la zone frontalière dite Taoundert (80 km à l’ouest de Tin Zaouatine, Tamanrasset). L’opération a permis la récupération d’une “importante quantité” d’armes de guerre et de munitions. Quelques semaines plus tôt, c’est à Bordj Badji-Mokhtar que l’ANP a mis la main sur un arsenal militaire. En plus de la surveillance de la frontière Sud, l’Armée nationale populaire est mobilisée également à la frontière Est avec la Tunisie, longue de 965 km, où ce pays est confronté, depuis quelques mois, à l’essor de la menace terroriste.
Si l’on ajoute la surveillance de la frontière avec le Niger, longue de 956 km et celle du Maroc longue de 1 559 km où les services de sécurité sont beaucoup plus confrontés à la contrebande, ce sont quelque 6 000 km, à l’exception, bien entendu, de la frontière avec la Mauritanie et le Sahara Occidental qui ne présentent pas, pour l’heure, de menaces particulières, qui mobiliseraient les différents corps de sécurité algériens.
Un véritable défi sécuritaire qui nécessite des moyens humains considérables et un coût financier que l’État est appelé à soutenir. Le pays est donc dans un véritable cercle de feu qui fait planer en permanence le risque sur sa stabilité. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que l’Algérie qui a sans doute pris toute la mesure de la menace, car il faut aussi compter avec la nuisance des poches internes de terrorisme, négocie depuis quelques mois l’acquisition de moyens de pointe pour la surveillance de ses frontières, notamment les drones.
Les États-Unis, la Russie et la Chine sont les trois pays avec lesquels les négociations sont engagées. Un officier à la retraite, cité récemment par un journal, a estimé à juste titre que la “décision prise par les autorités militaires de se doter de capacités de pointe pour contrôler la frontière a été dictée par des considérations d’ordre sécuritaire”. “Tout le monde a maintenant la conviction que le contrôle traditionnel des frontières par le déploiement d’unités ne donne pas toujours les résultats escomptés.”
Selon lui, la lutte contre le terrorisme dans la région exige des outils de surveillance sophistiqués. Mais pas seulement : il y a aussi la coopération internationale et régionale dont le partage d’informations, entre autres. Une mission dévolue désormais à la diplomatie et que s’emploie à concrétiser sur le terrain Ramtane Lamamra qui fait de la stabilité de la région du Sahel une priorité stratégique pour l’Algérie après l’avoir négligée des années durant.
K. K.