La base de Tamanrasset au coeur des enjeux stratégiques US

La base de Tamanrasset au coeur des enjeux stratégiques US

Les USA ont tout fait pour louer la base aérienne de Tamanrasset à l’extrême sud du pays. Idéalement située et permettant de couvrir l’ensemble de la zone sahélo-saharienne, elle présentait en outre l’avantage d’avoir été construite par une entreprise Américaine (BRC, filliale de Halliburton) selon des normes de l’OTAN. Tamanrasset a été pendant longtemps un site de dégagement secondaire pour la navette spatiale il est utile de le rappeler.

Cette affirmation vient d’un auteur et journaliste russe écrivant pour la Pravda, Sergey Balmasov, qui a publié dans l’organe de la Fondation pour la Culture Stratégique un long déroulé sur les tractations qui ont eu lieu ces dernières années, entre Alger et Washington et la gestion prudente de l’armée Algérienne de la présence Etats-Unienne dans la région Sahélo-Nord-Africaine.

Même si l’intention était connue dès 2003, Washington n’a entrepris de démarches sérieuses que durant l’hiver 2009/2010. Ce qui a fait d’Alger, le temps d’une saison, une destination privilégiée des hauts gradés de l’armée US, des agences de renseignement (CIA, DIA, NRO, NGO, NSA..) et des pontes de la diplomatie de l’ombre Etats-Unienne. Un seul leitmotiv convaincre leurs homologues Algériens d’intensifier « la coopération contre le terrorisme », ou plutôt adhérer à la vision de la guerre Américaine au Djihadisme.

Tam au cœur des enjeux géostratégiques Américains

L’une des réunions les plus importantes a eu lieu le 3 février 2010 et a réuni le Directeur Général de la Sureté Nationale Algérienne, le défunt Colonel Ali Tounsi et Gina Abercombie-Winstanley, haut fonctionnaire du Bureau de coordination du Département d’Etat pour le contre-terrorisme. Cette réunion avait été précédée par celle qui a mis face à face le général cinq étoiles William Ward, commandant de l’AFRICOM au général-major Lounès Commandant des Forces Aériennes. Ainsi que la rencontre du patron de l’US Airforce pour l’Africom, le Général Ronald « Ron » Landier, avec des membres du gouvernement Algérien.

À la mi-Février 2010 Les négociateurs américains, y compris l’Ambassadeur Pierce, qui a été le premier « chargé de mission » dans le sens de la location d’une base,  ont rapporté un « assouplissement » des conditions algériennes et ont semblés confiants quant à l’installation d’une base de drones à Tamanrasset. Jusqu’à ce que  le « Printemps arabe » et de l’intervention Otanienne en Libye ne remettent en question ce nouveau style de coopération Algéro-Américaine.

Certains hauts gradés américains, se congratulaient déjà en coulisse et anticipaient même l’utilisation de la base de Tam pour des opérations autres que celles de reconnaissance de routine et avoir les deux pieds au Sahel.

En Janvier 2012 le couperet tombe les généraux algériens refusent officiellement de discuter de location de bases militaires non seulement aux Américains, mais à toutes forces étrangères qui montreraient une intention dans ce sens.

Des Mercenaires pour ne pas toucher à la souveraineté Algérienne

Avant que les choses s’enveniment, les USA avaient exploré des voies pour contourner un obstacle majeur sur lequel Alger est restée inflexible : Le respect de sa souveraineté territoriale. Si l’idée d’une présence physique d’une force étrangère était admissible par l’Algérie, cette force devait lui rendre des comptes et accepter contrôles et surveillance. Pour contourner cet écueil, le commandement de l’AFRICOM est allé jusqu’à imaginer un scénario ingénieux qui consistait à demander la permission de gérer une partie des installations de Tamanrasset en utilisant du personnel et des équipements sans marques ni marquages et sans drapeaux ni cocardes.

Pour cela, les hommes de Ward engagèrent en 2010 l’étude pour l’acquisition de deux avions de reconnaissance PC12 Pilatus NG, ainsi qu’un certain nombre de drones à long rayon d’action et à capacité nocturne. Mieux, l’AFRICOM lance en 2010 le recrutement de trois équipes de mercenaires (pilotes, analystes et techniciens) pour gérer les opérations sur place.

Les Généraux Algériens se sont méfiés de cette option encore plus que celle de la location à l’US Airforce et ont présenté une contre-proposition, le seul compromis qu’ils estiment tolérable : Que les USA acceptent de vendre des Drones Predator à l’Algérie, afin que la surveillance se fasse à l’échelle locale, avec une tolérance normale à la présence d’équipes de conseillers ou de support US sur place.

Le refus des autorités Etats-Uniennes a été motivé par le caractère sensible et même stratégique de ce type d’équipements. Cette attitude a été, selon l’expert Russe, un véritable « test de sincérité » appliqué aux américains.

Les Américains multiplient les bourdes

Rien n’arrange la méfiance des Algériens envers leurs partenaires Américains. La fin tragique de Kadhafi et le sort réservé à son armée ont été pris par les cadres de l’ANP comme une ignoble trahison du partenaire Américain après une politique de main tendue, de coopération et de flexibilité de la part du guide suprême de la Jamahiria. Serguey Balmasov citera une source Algérienne du renseignement qui affirmait à l’époque que l’opération de déstabilisation de la Libye n’a coûté que 330 000 Dollars au contribuable Américain, la somme dédiée par le Pentagon à la formation des forces de sécurité Libyennes entre 2008 et 2009. Cette opération a permis à la CIA de placer d’innombrables chevaux de Troie au sein de l’appareil militaire Kadhafiste et de le pourrir par des équipements largement vérolés et contrôlés à partir des Etats unis.

Pis encore, l’auteur affirme que les services secrets algériens qui avaient multipliés les signaux d’alarmes entre 2003 et 2010, avaient découvert en 2009 que la CIA avait « investi » 8,8 millions d’euros, afin de mobiliser ses confrères Tunisiens pour espionner l’Algérie.

Une autre cause de l’échec des négociations  entre l’Algérie et les Etats- est une autre manifestation de la « mauvaise foi américaine » à savoir, le développement parallèle de la coopération entre Washington et Rabat dans le domaine militaire. L’installation d’une base américaine de drones en décembre 2011 à Guelmime dans le Sud Marocain, combinée à l’exercice African Lion qui a vu déferler des dizaines de Gi’s chez le voisin Chérifien, ont jeté l’émoi au sein de la communauté militaire algérienne.

Pour preuve les photos diffusées par le forum far-marocon.ma qui montraient un drone Gnat ER sur le tarmac de la petite base de Guelmime et qui dans l’esprit simple de ses membres appartenait aux Maroc.

Reste que le déploiement de drones Gnat non armés et de moindre capacité par rapport aux Prédators, démontre les craintes Américaines d’irriter Alger en militarisant la région.

La réaction de l’armée Algérienne a été immédiate et cinglante, sanctuariser Tamanrasset en y déployant un groupe d’aviation important, tout en déployant les Su30 sur la frontière Ouest et à Ouargla pour bloquer toute tentative par la Libye et combler le Gap entre le Nord et Tam.

Sur le plan politique et formel Alger renforcera les restrictions de survol sur son territoire et l’étendra aux appareils de reconnaissance. En gros, l’Armée de l’Air Algérienne n’autorise plus aucune incursion, ni n’accorde de dérogations aux vols de convoyages, ses appareils sont sommés d’intercepter tout avion ne respectant pas ces restrictions.

Devant le choix de céder ou pas aux pressions US, il semblerait qu’Alger ait choisi de poursuivre seule sa « mission » de pacification du Sahel et d’opter pour d’autres solutions techniques et technologiques. Le redéploiement des équipements de surveillance visuelle et électronique vers le grand sud en est une preuve.