Journalistes et experts abordent à Moscou la radicalisation sur le net: Les ingrédients d’une cyberpaix

Journalistes et experts abordent à Moscou la radicalisation sur le net:  Les ingrédients d’une cyberpaix

Le mufti de Moscou, Albert Krganov, a posé une question lancinante: «Que réserve-t-on pour les nouveaux croyants sur le Net, de quel côté vont-ils basculer?».

La troisième rencontre internationale sur l’extrémisme islamiste organisée par «le Groupe de vision stratégique Russie et monde islamique» le 27 avril dernier, à Moscou en Russie, a lancé une alerte sur la grave menace que représente l’extrémisme religieux et la radicalisation sur le Net.

Partant d’un fait démographique simple, le mufti de Moscou, Albert Krganov, participant à cette rencontre, a annoncé que «dans les 30 prochaines années, le nombre de musulmans va doubler dans le monde», avant de poser cette question lancinante: «Que réserve-t-on pour les nouveaux croyants sur le Net, de quel côté vont-ils basculer?». L’interrogation en elle-même annonce une guerre de très longue haleine contre l’extrémisme religieux.

Pour la troisième fois, depuis 2015, une quarantaine d’experts en sécurité et de journalistes se sont échinés à trouver le moyen idéal afin de fédérer toutes les énergies afin d’assurer une cyberpaix. En d’autres termes, comment gérer la cyberguerre par la coopération internationale la plus large possible qui prendra comme socle les pays musulmans? Ce n’est pas une exagération en affirmant aujourd’hui que Daesh peut accéder à des armes de destruction massive comme les armes chimiques, les armes bactériologiques, la bombe nucléaire.

Oui, c’est une probabilité et en mathématiques, une probabilité a toujours une chance de se réaliser. C’est en tout cas le but de cette organisation criminelle qui a comme ambition de commettre un massacre mondial. On l’a vu avec le bombardement de l’avion des touristes russes au Sinaï en Egypte. C’est une première dans les annales où une organisation possède des armes capables d’abattre des avions civils. On a vu le massacre à Paris, à Bamako et à Tunis, à Bruxelles, en Russie sans compter les forfaits commis en Syrie en Libye et ailleurs dans le monde. Nicolas Soukhov, chercheur à l’Académie des sciences de Moscou, est convaincu par l’idée de constituer une «armée du Net». «Nous pensons à la possibilité de créer une armée électronique pour lutter contre la propagande terroriste et l’extrémisme sur les réseaux sociaux».

A cette armée virtuelle, se joindra un appel aux Nations unies. «Nous lancerons un appel aux Nations unies afin d’interdire les chaînes satellitaires et les réseaux sociaux qui donnent un espace d’expression aux responsables des organisations qui font la propagande de leurs produits de même qu’on a lancé un appel toujours aux Nations unies en vue d’établir un cadre juridique adéquat qui facilitera la lutte contre ces opérations terroristes», a encore préconisé cet orientaliste.

Pour le docteur El Souheil Farah, professeur de la pensée occidentale et de la philosophie des civilisations à l’université de Beyrouth et de Moscou «le quatrième pouvoir est la presse qui est devenue le deuxième pouvoir et joue un grand rôle dans la fabrication de la conscience collective et donc d’orienter la jeunesse de manière à ce qu’il y ait un autre message pour toute cette jeunesse arabe et islamique noyée, un message autre que celui de la barbarie».

Le professeur El Souheil est optimiste quant à l’existence d’une «voie de rechange et qui peut être entendue». Cette voie, explique-t-il, répandra la culture du dialogue entre les différentes cultures et religions. Expert et orientaliste convaincu, très écouté au Kremlin, ancien ambassadeur de la Russie dans plusieurs pays arabes dont la Libye, Viniamin Popov, président du Groupe de la vision stratégique, rappelle que le l’objectif recherché consiste à «mutualiser nos expériences et rassembler nos forces dans le domaine de la lutte contre l’extrémisme. Le phénomène n’est ni circonscrit ni spécifique à un pays ou à une région, il est mondial». Alerte, il insiste que «sans la participation des pays musulmans, la lutte sera vaine contre ce fléau qui menace le monde et qui met en péril l’avenir de l’humanité même».

Cette guerre d’un nouveau genre se passe sur un front virtuel. «On ne vaincra jamais une idée par la force. A ce niveau de lutte, le rôle des hommes de religion, des hommes politiques, des débats et de la confrontation des idées pour expliquer, dénoncer, montrer le vrai visage de ces extrémistes destructeurs, invalider leur projet auprès de la société», explique-t-il ajoutant que pour «porter toutes ces idées, toutes ces actions sur la place publique, il est du rôle essentiel des médias qui doivent être conscients de cette délicate mission.

Ils ont le devoir d’expliquer que ces égarés se sont éloignés de la religion et qu’ils utilisent cette religion pour arriver au pouvoir». Le groupe de vision stratégique a été constitué en 2006 après l’adhésion de la Russie à l’Organisation de la coopération islamique en tant que membre observateur. Un groupe de réflexion à la manière des think thanks américains regroupant d’anciens ministres, des diplomates, des journalistes, des experts et des chercheurs dans le domaine sécuritaire.