Ils se disent inquiets du dernier changement à la tête de l’exécutif: Les syndicats appréhendent la rentrée

Ils se disent inquiets du dernier changement à la tête de l’exécutif: Les syndicats appréhendent la rentrée

Le retour d’Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement ne rassure guère les états-majors des syndicats autonomes. Ils gardent de l’actuel Premier ministre un mauvais souvenir : il s’opposait à toute augmentation de salaire, alors même que l’Algérie était en pleine embellie financière. Ils entrevoient, du coup, une rentrée mouvementée.

Les syndicats autonomes de plusieurs secteurs (éducation, santé et administration) appréhendent la prochaine rentrée sociale sous de mauvais augure. Tout en envisageant de relancer les dossiers portant revendications des travailleurs, dont ceux de la retraite, du code du travail et du pouvoir d’achat, restés en suspens sous les précédents gouvernements, les syndicats entrevoient déjà une certaine réticence quant à leur prise en charge par le gouvernement Ouyahia, eu égard aux positions antérieures du nouveau Premier ministre et à la conjoncture de crise. Ils en concluent que la prochaine rentrée sociale risque d’être chaude, d’autant que, pour leur part, ils comptent bien revenir à la charge.

“La rentrée sociale, on y pense sérieusement, au sein de chacun des syndicats à part, mais aussi au sein de l’intersyndicale”, nous affirme le coordinateur national du Syndicat national des professeurs d’enseignement secondaire et technique (Snapest). En rappelant la lettre d’audience préparée au temps du Premier ministre limogé, suite à sa déclaration en faveur du dialogue social et de rencontres de concertation avec les partenaires sociaux, M. Meriane estime que cette demande qui avait pour objectif de “vérifier s’il y avait réellement une volonté de dialogue et d’inviter le gouvernement à étudier notre plateforme, reste toujours d’actualité, malgré le changement du gouvernement”.

“Quoique, connaissant le nouveau Premier ministre, je dis, et je mesure mes mots, qu’il est très hostile aux syndicats autonomes. Mais la lettre lui sera transmise et on attendra de confirmer s’il y a une volonté de dialoguer, comme cela se fait dans tous les pays du monde à chaque rentrée sociale. Ou bien si ce sera encore la marginalisation.”

Mais, en attendant la rentrée, Meziane Meriane prédit qu’il y aura des réactions, concernant surtout le dossier du pouvoir d’achat. Ce dossier qu’il abordera sous l’équation suivante : “Il n’est pas question que ce soit la classe ouvrière qui paie les conséquences d’une mauvaise gestion, parce qu’on n’est pas responsable de la mauvaise gestion et de la non-mise en marche de l’économie nationale”. Car, selon lui, “c’est à eux (pouvoirs publics) de trouver des solutions pour préserver le pouvoir d’achat, par exemple, en mettant en place les mécanismes adéquats pour imposer les grandes entreprises et les grosses fortunes pour venir en aide aux couches défavorisées.”

Cela dit, lorsqu’on dit couches défavorisées, ce ne sont pas seulement les “smicards”, selon notre interlocuteur, mais également ceux qui touchent 50 000, 60 000 ou 70 000 DA, qui font partie, eux aussi, de la couche vulnérable, eu égard à la cherté de la vie, surtout avec la rentrée scolaire, qui coïncide cette année avec l’Aïd-el-Kebir.

Autant d’éléments qui font que la prochaine rentrée s’annonce plutôt chaude, surtout dans le secteur de l’éducation qui sera certainement très perturbé, d’après Meziane Meriane. “Et même si la rentrée scolaire se passe normalement, cela ne veut pas dire que l’année scolaire ne sera pas perturbée”, en raison de la conjoncture très particulière, mais aussi du “silence du gouvernement qui ne veut pas parler du pouvoir d’achat et de tous les problèmes qui touchent tous les secteurs. Il n’y a pas de visibilité, pas de communication, comme si l’on était devant une situation de mépris”, conclut-il.

De son côté, Boualem Amoura, le secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), a exprimé des appréhensions au sujet de la relance du dialogue social.

En faisant état d’une “accumulation de problèmes pour les travailleurs”, citant, lui aussi, ceux de la retraite, du code du travail et du pouvoir d’achat, le SG du Satef affirme : “Sincèrement, nous sommes inquiets de la nomination de M. Ouyahia en tant que Premier ministre, parce que de par le passé, il a montré et démontré son inimitié envers les travailleurs, pour avoir été contre l’augmentation des salaires.”

Aussi, ajoute-il, “on n’attend rien de nouveau de l’actuel Premier ministre”, en arguant que “lorsqu’il y avait l’embellie financière, il était contre l’augmentation des salaires. Que dire maintenant que nous sommes en crise ?” Et d’expliquer : “Nous avons des appréhensions par rapport à la loi de finances 2018, qui serait pire que celle de l’année dernière. C’est quelqu’un qui est venu pour exécuter la sale besogne, qui consiste à favoriser le patronat au détriment des travailleurs.” Le dialogue est-il-il encore possible ?

À cette question, M. Amoura répond : “On n’attend rien de ces gens-là, il n’y a que les travailleurs qui peuvent arracher leurs droits, parce que la nomination du nouveau Premier ministre, en elle-même, est un emplâtre sur une jambe de bois. Non seulement, il n’apportera rien de nouveau, mais, pire, il va aggraver le problème. En tant que Satef, on a été humilié deux fois, maintenant basta ! Nous avons introduit par deux fois une demande d’audience au Premier ministre, mais il n’y a jamais eu de réponse. Ce qu’on attend donc, c’est la mobilisation des travailleurs, sans laquelle on n’aura rien. Il faut occuper le terrain.”

Pour sa part, Sadek Dziri, le SG de l’Unpef, ira dans le même sens. “En toute franchise, nous ne sommes pas à l’aise vis-à-vis du changement de Premier ministre. On avait un peu d’espoir avec l’offre de dialogue de l’ancien chef de l’Exécutif, mais avec ce dernier changement, nous ne sommes pas optimistes”, a-t-il affirmé. Exprimant un point de vue sans aucune complaisance, il dira : “Pour nous, le changement de l’Exécutif est négatif, car, au vu des positions antérieures de M. Ouyahia, on a des appréhensions quant à la prise en charge de nos revendications qui ont été d’ailleurs renouvelées lors de la dernière session de notre conseil national”, a-t-il indiqué.

En proie également aux perturbations, le secteur de la santé qui a été marqué par l’énorme pression exercée sur le personnel médical, comme c’était le cas lors du décès d’une parturiente, suivie de poursuites judicaires et d’incarcération de médecins et de paramédicaux, risque assurément de donner un prolongement à la colère latente des personnels de ce secteur qui pourrait s’exprimer bruyamment à la prochaine rentrée.