Il ne reconnaît plus les résultats de l’ élection présidentielle en Gambie: L’incroyable volte-face de Yahya Jammeh

Il ne reconnaît plus les résultats de l’ élection présidentielle en Gambie: L’incroyable volte-face de Yahya Jammeh

Créant de nouveau la surprise, après celle l’ayant vu il y a une semaine reconnaître sa défaite et même féliciter le candidat élu, le président gambien rejette les résultats de l’élection et réclame un nouveau vote.

“Tout comme j’ai loyalement accepté les résultats, en croyant que la Commission électorale était indépendante, honnête et fiable, je les rejette dans leur totalité”, a déclaré vendredi soir Yahya Jammeh pour annoncer sa volte-face. En effet, alors que le peuple gambien attendait une transition démocratique dans la sérénité, le président gambien en exercice chamboule la situation dans le pays, où la population profitait d’une liberté inédite après 22 ans de pouvoir sans partage de Yahya Jammeh, qui avait accédé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État en 1994.

Laissez-moi répéter : je n’accepterai pas les résultats sur la base de ce qui est arrivé”, a-t-il dit une semaine après avoir reconnu contre toute attente sa défaite électorale face au candidat de l’opposition, qu’il a félicité au passage. Dénonçant des “erreurs inacceptables” de la part des autorités électorales et appelant à la tenue d’un nouveau scrutin, le président gambien a trouvé comme prétexte une erreur de comptabilisation reconnue par la Commission électorale indépendante (IEC), mais accordant toujours la victoire à Adama Barrow.

Cette erreur, qui ramène l’écart à quelque 19 000 voix seulement, et fait état d’“enquêtes” sur l’abstention, révèle selon Yahya Jammeh que de nombreux électeurs n’ont pas pu voter ou en ont été dissuadés par des informations erronées. S’accrochant à ce prétexte, il dira : “Nous retournerons aux urnes parce je veux m’assurer que chaque Gambien vote sous l’autorité d’une commission électorale impartiale, indépendante, neutre et libre de toute influence étrangère.”

Ceci étant, la Constitution gambienne prévoit que seule la Cour suprême peut trancher les litiges sur les résultats électoraux. Tout candidat à la présidentielle peut la saisir dans les dix jours suivant la proclamation des résultats. Pour information, le président de l’IEC, Alieu Momar Njie, a été nommé en avril par le chef de l’État, son prédécesseur, qui y siégeait depuis 1996, ayant été mis à la retraite à la suite d’un recours de l’opposition. Anticipant contestation populaire et condamnation internationale, Yahya Jammeh a prévenu qu’il ne tolérerait aucune protestation dans les rues, et que “l’intervention de puissances étrangères ne changerait rien”.

Il n’en demeure pas moins que communauté internationale, à commencer par le Sénégal, unique pays limitrophe de la Gambie, et les États-Unis, ont aussitôt condamné ce revirement, exigeant que Yahya Jammeh conduise une “transition pacifique” avec le président élu Adama Barrow et assure sa sécurité.

Le département d’État américain a qualifié le revirement du président gambien d’“acte répréhensible” et de “violation inacceptable de la confiance” des Gambiens. De son côté, le Sénégal a pressé la Commission économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union africaine et l’ONU de “prendre toutes les mesures qu’imposent la sauvegarde des résultats du scrutin présidentiel en Gambie et le respect de la souveraineté du peuple gambien”. Par ailleurs, une dirigeante de l’opposition, Isatou Touray, a dénoncé sur les réseaux sociaux “un viol de la démocratie”, appelant les opposants à “rester calmes, lucides, vigilants, et à ne pas reculer”.

Merzak Tigrine