Hamouma «Je me sens plus Français qu’Algérien»

Hamouma «Je me sens plus Français qu’Algérien»

Caen midefielder Romain Hamouma prepares to shoot during the French L1 football match Lens vs Caen, on Janury 22, 2011 at Felix Bollaert stadium in Lens. AFP PHOTO PHILIPPE HUGUEN (Photo credit should read PHILIPPE HUGUEN/AFP/Getty Images)«Je n’accepterai jamais la sélection algérienne» >«Je suis fier de mes origines, fier de mon nom, mais…» >«Seul mon grand-père me raccroche à l’Algérie…»

Ces derniers temps, la presse se déchaîne sur un joueur qui évolue pour sa première année en Ligue 1 française du côté du Stade Malherbe Caen. Et bien ce joueur porte un nom maghrébin : Romain Hamouma. Et paraît-il, il aurait des origines algériennes. Ce jeune joueur de 24 ans a déjà fait parler de lui cette saison. On annonce même que le club de la capitale française, le Paris-Saint-Germain, serait très intéressé à l’idée de l’avoir dans ses rangs. Compétition a pris contact avec lui et pour la première fois en exclusivité, Hamouma a accepté de parler à un journal algérien pour évoquer ses origines, son parcours footballistique et surtout la question que tout le monde se pose : quel sera son choix, FENNEC ou COQ ?

– Tout semble rentrer dans l’ordre après votre blessure !

– La première fois que je me suis blessé, c’était à la cuisse droite, il y a deux semaines de cela. Après, j’ai rechuté contre Valenciennes, mais cette fois, c’était à la cuisse gauche, J’ai repris avec le groupe mardi, tout va bien, j’espère faire partie du groupe contre Paris.

– Votre équipe de Caen Stade Malherbe est 14e au classement. Le maintien ne semble pas acquis…

– Non, pas encore. On a plusieurs matchs importants à jouer dont celui contre Paris qui est primordial, et ensuite le championnat est difficile puisque on va rencontrer les équipes qui jouent les premiers rôles. A nous de gagner le plus de points possibles et le plus rapidement possible.

– Cela va commencer dès dimanche face au PSG, car c’est serré dans le «ventre mou».

– Il faut prendre les points rapidement puisque après, on a une fin de championnat où on rencontrera Marseille, Lyon et c’est déjà pas mal. Mais ça commence par Paris où, déjà à la maison, c’est primordial de remporter des points.

– Etes-vous d’accord lorsque l’on dit que vous êtes l’une des révélations de la ligue 1, cette saison ?

– Je ne sais pas, j’ai mis du temps à me mettre dedans parce que c’est difficile de passer de la L2 à la L1. Il y en a qui y arrivent plus facilement, moi j’ai eu une étape où je devais apprendre le niveau auquel je jouais, j’ai attendu de mettre un but contre Rennes pour pouvoir vraiment prendre confiance en moi. C’est dommage que je me sois blessé par la suite, car je n’ai pas pu rester dans la régularité que j’avais depuis un certain temps, c’était frustrant, mais j’espère revenir meilleur.

– Lors de votre première apparition en L1, vous aviez déclaré : «C’est bizarre». A quoi faisiez-vous allusion ?

– Oui, c’est bizarre… il y a un an et demi, j’étais en CFA, je jouais à Besançon, donc ça fait bizarre de voir les joueurs que l’on regardait à la télé, là dans le couloir et de jouer contre cette équipe qui est 7 fois championne de France, on a une appréhension. C’était mon premier match à la maison, devant du monde, donc il y avait une certaine timidité et c’est pour cela que j’ai dit que c’était bizarre.

– La question qui se pose est : pourquoi attendre jusqu’à 24 ans pour flamber ?

– J’ai attendu pas mal de temps pour pouvoir percer, parce que je n’ai pas été gardé au centre de formation de Sochaux. J’y suis rentré à l’âge de 13 ans et j’en suis ressorti à 17 ans. Malheureusement ensuite, il fallait que je trouve un club, donc je suis allé à Besançon en CFA pendant 4 ans et après, j’ai eu la chance que Laval (L2) vienne me chercher. Tout s’est bien passé là-bas à Laval, et c’est pareil maintenant à Caen en L1. Il faut une part de chance et peut-être que je n’avais pas la maturité à Sochaux pour pouvoir passer pro.

– Avec du recul, savez-vous ce qui vous a manqué, et si c’était à refaire, que changeriez-vous ?

– Je ne sais pas vraiment… parce que moi, j’ai toujours tout donné quand j’étais jeune, je ne me suis jamais posé de questions, j’ai fait des concessions pour y arriver, j’ai travaillé aux entraînements pour être meilleur. Malheureusement, je n’étais pas le seul décisionnaire, j’avais des dirigeants, des coachs et, eux, ont trouvé que j’étais un petit peu irrégulier et que je jouais trop à l’instinct. Ce sont les principales caractéristiques que l’on m’a reprochées. Moi, même après Sochaux, j’ai continué à tout donner pour essayer d’arriver au niveau pro, j’ai eu de la chance et il faut toujours de la chance pour arriver à faire ce qu’on veut.

– C’est incroyable ce qui vous arrive quand on pense que vous évoluiez en CFA, il y a à peine 2 ans.

– Oui, c’est vrai que ça devient un petit peu plus populaire, il y a beaucoup de joueurs maintenant qui arrivent de CFA et qui jouent au haut niveau. Tout ce qui m’arrive depuis un an et demi, je le prends avec beaucoup de recul, je suis très content d’être à ce niveau-là, de faire ce que je fais et, pour rien au monde, je ne lâcherai ce niveau, donc je vais tout faire pour y rester.

– Ce qui est paradoxal, c’est que non seulement vous faites vos débuts en L1, mais en plus vous enchaînez de belles performances…

– Oui, c’est le fait que je sois en confiance. J’avais à cœur de montrer que j’étais capable de jouer à ce niveau, que j’avais les qualités pour être en L1. Il y a un petit temps d’adaptation, mais ce que je recherche, c’est d’être aiguillé, d’être décisif. J’ai eu cette période durant laquelle j’étais décisif sur 5 ou 6 matchs, mais il y a eu de petits pépins physiques, la fatigue, etc., mais j’ai eu le temps de me reposer.

– Vous avez concurrencé 2 grands joueurs (Martin et Hazard) pour le trophée UNFP (*), ce n’est pas rien !

– C’est sûr que ça m’a fait plaisir d’être nommé, surtout que Martin et moi avons fait nos classes à Sochaux, c’était rigolo de se retrouver face à lui. Nous étions à la même école, on a passé 4 ans ensemble donc ça m’a fait plaisir. Même pour Hazard, c’est un talent extraordinaire, donc, moi être déjà dans les 3 premiers, c’est… je n’en demandais pas plus.

– Sur le site officiel de Caen, vous êtes souvent élu meilleur joueur du mois…

– C’est toujours plaisant d’être le joueur du mois. J’ai quand même beaucoup de recul avec ce genre de chose, ça m’a fait énormément plaisir, mais pour moi, le plus important, c’est surtout d’être bon collectivement et que mon équipe gagne des matchs.

– Cela risque de vous poser problème, car de nombreux clubs de L1 s’intéressent à vous.

– Oui, j’ai entendu un peu les médias en parler. La saison est longue, il reste encore 10 matchs, donc le plus difficile c’est de la finir correctement. Je n’ai pas d’avis sur le sujet, je me concentre vraiment sur ce qui reste à faire avec Caen pour rester en L1, même si ça me fait plaisir que ces clubs s’intéressent à moi.

Qu’en est-il de l’offre du PSG ?

– Il paraît que le PSG s’est intéressé à moi durant l’intersaison, mais j’ai vraiment fait abstraction, parce que c’est dans ce genre de chose que l’on s’égare un peu. Pour le moment, je suis sous contrat pour deux ans encore avec Caen, alors je vais d’abord terminer ma saison, après on verra.

– Savez-vous si d’autres clubs ont sollicité votre agent ?

– Non, je ne sais pas. Mon agent ne me parle pas trop de ces choses-là, je lui ai d’ailleurs demandé de ne pas trop m’en parler, on fait le point en fin de saison. Je n’aime pas être perturbé et c’est pour cela qu’on en discute le moins possible. Je n’ai donc pas d’informations là-dessus.

– Votre décision de rester ou non à Caen aura-t-elle un lien avec le maintien ou pas ?

– C’est évident que je veux jouer en L1 avec Caen, mais s’ils descendent, je ne sais pas quel sera le projet du club, s’il y aura des clubs qui s’intéresseront à moi. Le plus important, c’est de rester en L1, on en a besoin pour le club, pour les joueurs et je ne me vois pas descendre cette année de toute façon.

– On suppose qu’après tout le chemin que vous venez de faire, vous ne voulez plus de la L2…

– C’est sûr que je ne veux pas y retourner et ça demande des efforts de tout le monde. J’ai fait un an de L2 et il n’y a rien de plus extraordinaire que de jouer en L1, donc on a tous à cœur d’y rester, mais nous avons encore du chemin.

– Sortons de ce sujet. Pouvez-vous nous retracer votre parcours depuis le début ?

– J’ai commencé le foot à 4 ans et demi à Lure (Haute-Saône), j’ai fait 6 ans là-bas dans mon équipe de jeunes, ensuite j’ai été repéré par Sochaux à l’âge de 10 ans, mais j’ai refusé d’y aller, parce que j’étais trop jeune. J’ai également refusé à 12 ans et, à 13 ans, j’ai finalement accepté de rentrer au centre de formation où j’ai passé 5 ans de 13 à 18 ans.

Ensuite, je n’ai pas eu la chance de passer pro, donc je suis retourné chez mes parents près de Besançon, j’ai joué toutes les saisons pleines. Je suis aussi passé par des moments difficiles, parce que arrivé à 3 ans de CFA, on se pose la question de savoir si un jour on parviendra à intéresser les autres clubs. Je voulais monter avec Besançon en nationale, donc j’ai fait mes 4 ans. La dernière année, on est remontés, mais le club est redescendu à cause de problèmes financiers et moi, j’ai eu la proposition d’aller à Laval, puis des clubs se sont intéressés à moi et, arrivé en fin de saison, j’ai choisi Caen, car c’était un club qui me correspondait, qui était familial.

– Puisque vous étiez au centre de formation de Sochaux, vous devez connaître Ryad Boudebouz ?

– Oui, il est plus jeune que moi. Il s’entraînait quelquefois avec nous les plus grands et il a toujours été un technicien, un super joueur, je ne suis pas étonné de le voir à Sochaux en L1 évoluer régulièrement et en équipe nationale d’Algérie. C’est un joueur qui a du talent.

– Le prénom Romain, on connaît, mais d’où vient le nom Hamouma ?

– Il vient de mon grand-père qui était Algérien. Ma famille paternelle est d’Algérie, de Kabylie. Mon père par contre, est né en France, mais j’ai des origines algériennes.

– Vous avez des liens avec l’Algérie ?

– Malheureusement, non. Seul mon grand-père me raccroche à ce pays que je n’ai pas connu, je n’ai pas non plus eu la chance d’apprendre l’algérien. C’est très vaste pour moi. J’ai entendu pas mal de monde parler de moi pour aller en EN d’Algérie, mais ce serait difficile de jouer dans une équipe dont je ne connais strictement rien. Je n’ai pas de famille là-bas, je ne connais pas la langue, etc.

– D’autres joueurs sont quasiment dans le même cas que vous, mais ils ont intégré l’EN d’Algérie.

– C’est possible, mais moi, je ne me vois pas le faire. Chacun fait ses propres choix, je ne me vois pas représenter un pays que je ne connais tout simplement pas. J’ai vécu en France, je ne suis jamais allé dans ce pays, c’est pour ça.

– Est-ce définitif ?

– Oui, je pense. Je suis fier de mes origines, fier de mon nom, mais c’est compliqué pour moi…

– Aujourd’hui, vous pouvez nous dire que vous ne serez jamais international algérien ?

– Oui. Je peux vous le dire, je ne serai pas international algérien. Je me doute que peut-être un jour, la sélection fera appel à moi, dans ma tête, c’est clair.

– Vous penchez plus pour la France alors ?

– Oui, même si je sais que pour moi, l’équipe de France, c’est très loin, parce que je n’ai pas forcément les qualités encore pour y aller et je ne m’y vois pas. Je me sens plus Français qu’Algérien.

– En tout cas, cela risque de décevoir certaines personnes qui souhaitaient vous voir en vert…

– Il n’y a pas de souci, je comprends que ça peut décevoir beaucoup de monde. La position dans laquelle je suis n’est pas évidente non plus, je ne peux pas jouer pour l’Algérie, j’ai vécu en France, j’y ai grandi. Si encore mon grand-père m’avait appris la langue ou m’avait emmené en Algérie… mais je n’ai pas eu cette relation-là que tout le monde a.

(*) UNAF: le Trophée du joueur du mois RTL-l’Équipe de janvier 2011. Les trois joueurs qui ont été nommés sont : Eden HAZARD (attaquant de Lille), Hamouma Romain (milieu offensif de Caen) et Marvin Martin (milieu de terrain de Sochaux) vainqueur de ce trophée.