France : trois femmes interpellées soupçonnées de projeter un attentat.

France : trois femmes interpellées soupçonnées de projeter un attentat.

upload_-1Trois femmes ont été interpellées dans la soirée de jeudi 8 septembre à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), dans le cadre de l’enquête sur la voiture contenant des bonbonnes de gaz retrouvée le week-end dernier en plein Paris. « Ces jeunes femmes, âgées de 19, 23 et 39 ans, radicalisées, fanatisées, préparaient vraisemblablement de nouvelles actions violentes, et de surcroît imminentes », a déclaré le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, lors d’une allocution place Beauvau.

Tandis que des policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) s’apprêtaient à interpeller les suspectes, l’une d’elles a agressé au couteau un fonctionnaire, qui a été blessé à l’épaule. Ses jours ne sont pas en danger. Un de ses collègues a répliqué en faisant usage de son arme, blessant l’assaillante à la cuisse et à la cheville. Selon une source proche de l’enquête, l’agresseuse, Ines, 19 ans, est la fille du propriétaire du véhicule dans le coffre duquel les policiers ont découvert les bonbonnes de gaz.

Cette enquête inédite, du fait du profil de ses protagonistes, essentiellement des jeunes femmes, a débuté dans la nuit de samedi 3 au dimanche 4 septembre, après qu’un employé de bar a découvert un véhicule stationné sans plaque d’immatriculation, feux de détresse allumés, près du quai de Montebello, non loin de la cathédrale Notre-Dame. Une bonbonne de gaz, qui se révélera vide, est posée sur le siège passager. A leur arrivée, les policiers découvrent dans le coffre cinq autres bonbonnes, cette fois remplies, mais sans dispositif de mise à feu.

« Course contre la montre »

La section antiterroriste du parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire dimanche matin. Le soir même, quelques heures après la découverte de la voiture, son propriétaire, père de cinq filles, lui-même connu pour des faits anciens de prosélytisme, signale la disparition de l’une d’elle, Ines, connue des services de renseignement depuis 2015 pour ses velléités de départ en Syrie. Il la soupçonne d’être en chemin. Ines n’était pas partie : elle s’apprêtait à passer à l’acte en France.

Dans les jours qui suivent, quatre personnes sont placées en garde à vue. Mardi 6 septembre, c’est une jeune femme de 29 ans originaire de Montargis, dans le Loiret, elle aussi fichée, qui est interpellée avec son compagnon, âgé de 34 ans, sur une aire d’autoroute à Orange, dans le Vaucluse.

Cette jeune femme, proche d’une sœur d’Hayat Boumeddiene, la compagne d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper casher en janvier 2015, est fortement suspectée d’être impliquée dans le dossier des bonbonnes de gaz. Le lendemain, le frère de son compagnon, âgé de 26 ans, et sa compagne, 26 ans elle aussi, tous deux originaires de Châlette-sur-Loing, dans le Loiret, sont à leur tour placés en garde à vue.

Alertés par la disparition d’Ines, qu’ils soupçonnent d’être toujours en France, les enquêteurs engagent un important travail d’enquête et d’exploitations techniques pour la retrouver. Une « course contre la montre », selon l’expression du ministre jeudi soir, s’engage. La DGSI s’aperçoit que le téléphone d’une autre jeune femme, également dans les radars des services, borne en région parisienne. Selon une source policière, des projets d’attaque imminents, notamment contre une gare, sont évoqués dans des conversations.

Les enquêteurs découvrent également que les jeunes filles sont en relation avec un donneur d’ordre situé en zone irako-syrienne. Ces dernières semaines, plusieurs projets d’attentats déjoués ont été pilotés à distance par Rachid Kassim, un djihadiste roannais très actif sur les réseaux sociaux. Il est considéré comme l’instigateur du meurtre d’un prêtre dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), le 26 juillet.

Mode opératoire anticipé

En remontant les fils de ce commando de femmes, les enquêteurs identifient un appartement, à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), susceptible de servir de planque à Ines et à ses complices. Jeudi, des enquêteurs en planque dans une voiture attendent devant l’immeuble en vue de lancer une perquisition. Les trois jeunes femmes descendent. Ines aperçoit le véhicule et se précipite pour attaquer au couteau un fonctionnaire par la fenêtre, avant d’être blessée à son tour.

Un testament rédigé par une des trois suspectes a été découvert lors de la perquisition, assorti d’une allégeance à l’Etat islamique. Divers éléments d’enquête laissent penser que les jeunes femmes s’étaient donné pour mission de venger la mort récente d’Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole de l’organisation, tué par une frappe aérienne ciblée dont les Etats-Unis et la Russie se disputent la paternité.

« La France est confrontée à une menace inédite aux ressorts protéiformes, a insisté jeudi soir Bernard Cazeneuve. Recrutés, endoctrinés par des terroristes en zone irako-syrienne, des individus aux profils très différents sont conditionnés pour passer à l’acte sur notre sol. »

Si le sexe et l’âge des suspects interpellés depuis le début de cette enquête interrogent, le mode opératoire d’un de leurs projets est anticipé de longue date par les services. Auditionné en mai à huis clos devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, Patrick Calvar, patron de la DGSI, avait ainsi dit être persuadé que les terroristes « passeront au stade des véhicules piégés et des engins explosifs ».